Opinion
Ne touchez pas au
Mali
Alex
Lantier
Mercredi 16 janvier
2013 Le World
Socialist Web Site dénonce la guerre
menée par la France contre le Mali comme
un acte de piraterie impérialiste. Après
les bombardements de masse des villes au
Nord-Mali qui ont tué et blessé des
centaines de civils, des colonnes de
chars français sont entrées hier, 14
janvier, au Mali en provenance de la
Côte d’Ivoire.
Le Mali est le
quatrième pays à être attaqué par la
France en l'espace de deux ans après la
Libye, la Côte d’Ivoire et la Syrie. Ces
pays sont tous, à l’exception de la
Libye, d’anciennes colonies françaises.
Les explications fournies par le
président François Hollande et d’autres
responsables français, selon lesquelles
les objectifs de la France sont la
défense de la « démocratie » au Mali à
l’encontre d’al Qaïda et non pas, ce que
Hollande a appelé les « intérêts
fondamentaux » de la France, sont de
cyniques mensonges.
L’impérialisme
français entend rétablir une position
dominante en Afrique occidentale en
recourant à la force militaire pour la
défense de ses intérêts.
La guerre au Mali
découle directement de la guerre de 2011
en Libye. Les forces rebelles au
Nord-Mali, contre lesquelles la France
se bat, comprennent aussi des
combattants alliés aux forces liées à al
Qaïda et qui ont aidé l’OTAN à renverser
et à assassiner le colonel Mouammar
Kadhafi ainsi que des soldats
appartenant à l’ethnie des Touaregs qui
ont combattu dans l’armée libyenne et
qui se sont réfugiés au Mali après la
victoire de l’OTAN. Ces forces
comprennent aussi des déserteurs de
l’armée malienne qui se sont ralliés à
la révolte contre le régime de Bamako
issu du coup d’Etat impopulaire.
L’impérialisme
français tire profit des avantages que
lui a apporté la défaite de Kadhafi.
Avec la destruction du régime de Kadhafi
et les centaines de milliards de
pétrodollars libyens confisqués par les
banques occidentales, les organisations
régionales africaines financées par
Kadhafi se sont effondrées et les
Etats-Unis et la France s'empressent de
mettre en place des bases militaires aux
quatre coins de l’Afrique. Les alliés de
la France dans l’OTAN ont promis d’aider
le Mali en espérant obtenir leur part du
butin.
Paris est aussi en
train d’exploiter la pourriture des
régimes nationaux bourgeois d’Afrique
occidentale qui sont la chair à canon de
ses guerres. Le président ivoirien,
Alassane Ouattara, porté au pouvoir à
l’issue d’une guerre menée en 2011 par
la France en Côte d’Ivoire, soutient
Paris au Mali. Le président sénégalais,
Macky Sall, qui est arrivé au pouvoir
l’année dernière après des protestations
contre le président Abdoulaye Wade,
soutenues par les Etats-Unis et la
France, enverra aussi des troupes au
Mali, aux côtés du Nigeria, du Niger et
du Ghana.
Dans cette
soumission des bourgeoisies d’Afrique
occidentale au régime néocolonial, le
régime algérien joue un rôle clé.
Craignant les forces liées à al Qaïda
qu’il a combattues durant la guerre
civile des années 1990, ou un
soulèvement de la classe ouvrière
semblable à ceux qui ont fait chuter les
présidents tunisien et égyptien en 2011,
le régime algérien cherche à trouver un
arrangement avec son ancien maître
colonial. Le mois dernier, durant la
visite de Hollande, Alger a signé avec
la France des contrats pour plusieurs
milliards d’euros. A présent, il a grand
ouvert son espace aérien à l’aviation
française pour qu’elle bombarde le Mali.
Disposant d’une
montagne d’argent accumulée de la vente
de produits énergétiques, l’élite
dirigeante algérienne propose un marché
à Paris. Si l’impérialisme français
sauvegarde ses privilèges, Paris recevra
de nouveaux marchés en Algérie pour
remplacer les marchés de consommation
français qui sont en train de
s’effondrer au fur et à mesure que
Hollande intensifie sa politique
d’austérité.
Le rôle
réactionnaire joué par les régimes
bourgeois africains prouve une fois de
plus l’impossibilité de libérer les pays
africains de l’impérialisme, hormis par
une lutte pour la révolution socialiste
menée à travers tout le continent et
internationalement.
Le Parti socialiste
de Hollande s’effondre dans les sondages
en raison de sa politique d’austérité et
de sa décision de poursuivre les guerres
du précédent président, Nicolas Sarkozy
largement détesté. Maintenant, il vient
de lancer sa propre guerre impérialiste
sanglante.
Les partis
petits-bourgeois qui avaient appelé
inconditionnellement à voter Hollande
aux élections de l’année dernière, le
Front de Gauche et le Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA), portent la
responsabilité politique pour la guerre
au Mali. La brève et superficielle
critique de la guerre, affichée sur le
site internet du NPA, ne change rien à
son soutien continu à Hollande. Ces
forces, tout comme les nationalistes
bourgeois du Tiers monde, ont tellement
viré à droite au cours de ces dernières
décennies qu'elles soutiennent à présent
la guerre impérialiste.
Il est de plus en
plus évident que la période de
décolonisation n’a été qu’un intermède
historique, lié aux répercussions
politiques de la Révolution russe, et
qui avait produit une puissante vague de
luttes anti-impérialistes. La période
post-soviétique a connu une vague de
guerres impérialistes, en Irak, en
Somalie, en Afghanistan, aux Balkans
dans les années 1990 et 2000 jusqu'à
l’explosion de guerres suite au
renversement par la classe ouvrière du
président égyptien Hosni Moubarak en
2011 lors du soi-disant « printemps
arabe. »
Comme le Comité
international de la Quatrième
Internationale l’avait prévu en 1991
dans le contexte de l’effondrement de
l’URSS, « Le partage de fait de l’Irak,
actuellement en cours, marque le début
d’une nouvelle division du monde par les
impérialistes. Les colonies d’hier
seront à nouveau assujetties. Les
conquêtes et les annexions qui, selon
les apologistes opportunistes de
l’impérialisme, relèvent d’une époque
révolue, sont une fois de plus à l’ordre
du jour. »
Maintenant, à
l’approche du 100e anniversaire de la
Première Guerre mondiale, le monde
assiste à une nouvelle éruption de
l’impérialisme français et mondial.
Cependant, l'ultime ambition de Paris,
le retour à l'âge d'or du début du
vingtième siècle où il régnait sur plus
de 100 millions d’esclaves coloniaux,
allant de l’Afrique occidentale à l’Asie
orientale, en passant par le
Moyen-Orient, est une illusion
réactionnaire.
Le soutien accordé
par Paris au régime impopulaire malien,
dont l’armée est en train de se déliter
sur le terrain contre les Islamistes, et
son offensive plus générale pour
rétablir son influence partout en
Afrique du Nord et de l’Ouest, ne fera
que l’enfoncer davantage dans ce
bourbier.
L’impérialisme
français ne peut enchaîner de nouveau
les travailleurs et les masses opprimées
d’Afrique, pas plus qu'il ne peut
contraindre la classe ouvrière en Europe
à une politique d’austérité sans fin
pour payer la guerre. En déclenchant son
agression contre le Mali, il a tracé la
voie menant à la catastrophe. Pour les
travailleurs politiquement conscients,
le maître mot sera : Troupes françaises
hors d’Afrique !
(Article original
paru le 15 janvier 2013)
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Publié le 16 janvier 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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