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Retrait des troupes
américaines des villes d'Irak
Alain Gresh
Lundi 29 juin 2009 Le mardi 30 juin, les troupes
américaines se retireront des villes irakiennes, laissant à
l’armée nationale le soin de la sécurité. Comme le rappelle
LeMonde.fr du 26 juin (« L’Irak
se prépare au retrait américain des villes fin juin ») :
« Les 750 000 policiers et militaires irakiens qui
prendront en main la sécurité dans les villes après le retrait
américain du 30 juin devront gérer une situation encore fragile,
six ans après la chute de Saddam Hussein. Conformément à
l’accord de sécurité signé en novembre entre Bagdad et
Washington, les 130 000 militaires américains se regrouperont
dans des bases hors des agglomérations. »
« Parallèlement, 500 000 policiers et 250 000 soldats
irakiens, une force née du néant après le chaos de l’invasion
conduite par les Etats-Unis en 2003, ont pris progressivement
possession des bases américaines et des barrages qu’ils
contrôlaient avec les Américains. La nouvelle donne oblige
désormais la Force multinationale à demander l’autorisation
quand elle veut intervenir hors de ses cantonnements. »
C’est le 27 novembre 2008 que le parlement irakien a ratifié
l’accord sur le retrait des troupes américaines d’ici fin 2011
(signé du temps de l’administration Bush). Et il semble que le
président Obama soit bien décidé à se conformer à ce calendrier,
malgré certaines pressions de ses militaires (lire Gareth
Porter, « M. Obama,
prisonnier de ses “faucons” en Irak ? », Le Monde
diplomatique, janvier 2009).
L’Agence France Presse donne les précisions suivantes :
157 bases américaines dans la villes seront évacuées ;
131 000 soldats américains restent présents en Irak ; 4 313 ont
été tués depuis le début de l’invasion, ainsi que, selon le
gouvernement irakien, 1844 soldats et policiers irakiens.
Toujours selon l’AFP, 100 867 civils irakiens ont été tués
durant la même période (selon l’ONG britannique Iraq Body
Count). Le bilan des pertes humaines a fait l’objet de
nombreuses polémiques.
Ainsi, dans un
envoi du 9 avril 2007, je citais le quotidien britannique
The Guardian du 28 mars 2007, qui publiait un texte intitulé
« A monstrous war crime », signé par Richard Norton, éditeur de
la revue médicale The Lancet. Celle-ci avait publié le
11 octobre une étude de l’université Johns Hopkins affirmant que
650 000 Irakiens étaient morts des suites de l’intervention
américaine. La BBC, rappelle Richard Norton, a révélé que le
comité scientifique auprès du gouvernement britannique avait
confirmé la validité de l’étude, ce qui n’avait pas empêché
Londres de dénoncer l’étude comme « peu sérieuse ».
Le 10 janvier 2008, je publiais
un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé qui
donnait le chiffre de 151 000 morts irakiens entre mars 2003 et
juin 2006. Jugera-t-on un jour les responsables américains et
britanniques qui ont pris la décision de se lancer dans cette
meurtrière aventure ? C’est plus que douteux...
Alors que l’échéance du retrait des villes se rapproche, on
assiste, selon Patrice Claude (LeMonde.fr, 25 juin) à une « nouvelle
vague d’attentats contre les chiites ». Un attentat qui a
fait plus de 70 morts le 24 juin dans la banlieue de Bagdad est
« le huitième attentat visant délibérément des zones
d’habitat chiite comptabilisé en quatre jours. Depuis
l’explosion d’un camion piégé qui a détruit 80 maisons et tué
73 civils, le 20 juin, sur le marché central de Taza, une petite
ville turkmène chiite située près de Kirkouk, ce sont près de
170 personnes qui ont perdu la vie ».
Qu’est-ce qui changera après le 30 juin ? Michael Knights,
sur le site du Washington Institute for Near East Policy (partie
du lobby pro-israélien), publie le 26 juin une étude intitulée
« Iraq
Withdrawal Deadline : Subtle Shift in U.S. Mission » :
« Le calendrier de la mise en œuvre de l’accord est
respecté. Depuis sa ratification, les forces américaines ont
commencé à se soumettre aux dispositions : obtenir l’accord des
Irakiens pour tous les raids militaires ; transfert de toutes
les personnes nouvellement arrêtées aux autorités irakiennes
dans les vingt-quatre heures. La zone internationale et le
contrôle de l’essentiel de l’espace aérien sont passés le
1er janvier 2009 sous souveraineté irakienne. » (...)
« Le 30 juin est perçu comme un point crucial vers le
retrait total des forces américaines. Bien que l’accord ne le
spécifie pas, l’administration Obama a affirmé son intention de
réduire sa présence à des forces “résiduelles” de 35 000 soldats
d’ici août 2010. » La date du retrait total est fixée au
31 décembre 2011.
« Malgré ces changements, bien des choses resteront en
l’état », poursuit Michael Knights. Les forces américaines
resteront à la périphérie des villes. Des conseillers américains
pourront assister les troupes irakiennes dans leurs opérations
dans les villes. Parmi les aspects négatifs du retrait, selon
l’auteur, le fait que les troupes américaines servaient à
“unifier” les différentes composantes ethnico-religieuses.
Quoi qu’il en soit, il est clair que l’avenir dépendra de la
capacité du gouvernement irakien à sortir des logiques ethniques
et confessionnelles.
Pour une vision quotidienne de la vie des Irakiens, ainsi que
de la manière dont ils perçoivent le retrait des troupes
américaines et sa transformation par le gouvernement du premier
ministre Nouri Al-Maliki en une grande victoire, on lira les
témoignages sur le blog « Inside
Iraq » (envois entre le 26 et le 28 juin). L’un explique
comment, sur une chaîne publique de télévision, ceux qui
expriment des doutes sur les capacités des soldats irakiens à
assurer la sécurité sont coupés ; l’autre s’inquiète des
pratiques de M. Al-Maliki qui lui rappellent celles de Saddam
Hussein...
Pour le conforter, si l’on peut dire, dans ses craintes, on
lira l’enquête de Shane Bauer, dans l’hebdomadaire progressiste
américain The Nation (22 juin) : « Iraq’sNew
Death Squad », où l’on apprend comment les Américains ont
formé les forces antiterroristes en Irak, en s’appuyant sur
l’expérience de la Colombie ou du Salvador...
Enfin — hasard du calendrier sans doute —, c’est ce week-end
que le gouvernement irakien a ouvert l’accès à ses champs de
pétrole à des compagnies étrangères (à titre d’opérateur et pas
de propriétaire) : « Big
Oil Ready for Big Gamble in Iraq » (Gina Chon, The Wall
Street Journal, 24 juin). Le pétrole a été depuis plusieurs
années au cœur de polémiques américano-irakiennes et Washington
n’a jamais été capable d’imposer une loi sur la privatisation
des richesses pétrolières irakiennes (lire « Le
pétrole et l’Irak »).
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