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Al-Ahram Hebdo
Les « non » catégoriques de Netanyahu
Abir Taleb
Photo Al-Ahram
Mercredi 27 mai 2009
Processus de Paix.
Le gouvernement israélien donne le
ton de plus en plus clairement en multipliant les « non » aux
principales questions sujettes à des négociations avec les
Palestiniens. Non à la création d’un
Etat palestinien souverain, non au retour aux frontières de
1967, non à un gel de la colonisation. Telle est la réponse
israélienne aux efforts internationaux pour une relance du
processus de paix. Pour la première fois depuis son arrivée au
pouvoir, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a
évoqué dimanche dernier, lors du conseil des ministres, le terme
« Etat palestinien ». Non pas pour parler d’une solution à deux
Etats, mais pour émettre des « réserves ». Cette solution prévue
par la Feuille de route, le plan de paix lancé en 2003 par le
Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Onu) et
initialement accepté par Israël, est désormais jugée inadéquate
par Tel-Aviv. « Nous devons avoir certaines réserves concernant
un Etat palestinien dans un accord sur le statut final. Ces
choses ont été clairement exprimées devant le président
(américain Barack Obama) à Washington », a déclaré M. Netanyahu.
Que du négatif donc dans cette première
évocation directe de l’Etat palestinien. Jusque-là, le premier
ministre israélien évitait de prononcer le mot, désormais, il
s’y déclare clairement opposé. Ainsi, le dirigeant israélien
montre clairement qu’il n’a pas l’intention de respecter la
Feuille de route, qui prévoit l’avènement d’un Etat palestinien
par étapes, notamment la fin des violences et le gel de la
colonisation juive. Sur cette question aussi, M. Netanyahu a été
clair. Son gouvernement entend poursuivre l’accroissement des
colonies existantes en Cisjordanie, mais sans en créer de
nouvelles. Là aussi, il brave le président américain, puisque
Barack Obama avait réclamé le gel total des activités de
colonisation, lors de leur première rencontre la semaine
dernière à Washington. Et de prétexter : « Ce n’est pas logique
de nous demander de ne pas trouver de réponses à la croissance
naturelle et d’interdire toute construction en Judée-Samarie
(Cisjordanie, ndlr) ». Véritable camouflet pour le président
américain, qui doit recevoir ce jeudi à Washington le président
palestinien, Mahmoud Abbass. Quant à ce dernier, il considère
que la poursuite de la colonisation juive en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est constitue un obstacle au processus de paix, qu’il
refuse de reprendre si le nouveau gouvernement israélien ne
s’engage pas en faveur du principe d’un Etat palestinien
indépendant et souverain.
Tout porte à croire donc que l’on se trouve
dans une véritable impasse, d’autant plus qu’on ignore le degré
de pression que M. Obama est prêt à exercer sur le gouvernement
israélien pour obtenir un gel total et immédiat de la
colonisation, y compris des constructions dans les colonies
existantes. D’ores et déjà, le pessimisme est de mise, la
première rencontre entre les deux hommes ne donnant aucun indice
sur les capacités de Barack Obama de faire réellement pression
sur Israël. Et, avant même toute reprise des négociations
israélienne, Mark Regev, porte-parole de Netanyahu, a exclu
toute discussion sur le sort des colonies. « Durant la période
intérimaire, nous devons permettre qu’une vie normale se
poursuive dans ces communautés », a-t-il dit.
Pas de discussions sur les questions
territoriales avec les Palestiniens donc. Pas de discussions non
plus sur le retour aux frontières de 1967. Sur la même lignée en
effet, le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman,
a écarté cette option. « Aujourd’hui, un retour aux frontières
de 1967, comme on nous presse de le faire, ne mettrait pas fin
au conflit (avec les Palestiniens) et ne garantirait ni la paix,
ni la sécurité. Cela reviendrait simplement à déplacer le
conflit à l’intérieur des frontières de 1967 », a déclaré
dimanche dernier M. Lieberman. Quelques jours plus tôt, Benyamin
Netanyahu avait proclamé haut et fort qu’Israël ne restituerait
jamais la partie orientale et arabe de Jérusalem conquise en
1967, que les Palestiniens revendiquent comme la capitale de
leur futur Etat indépendant. Et de lancer sur un ton on ne peut
plus provocateur : « Jérusalem restera pour toujours la capitale
unifiée d’Israël ».
Impuissance internationale
Que peut-on attendre, dans un tel contexte,
des pressions de la communauté internationale ? Certes, Barack
Obama a promis avant son élection, et confirmé, depuis, qu’il
entendait s’attaquer au dossier proche-oriental « vigoureusement
» — contrairement à son prédécesseur George W. Bush, prônant
avec insistance une solution à deux Etats. Mais pour l’heure, le
chef de la Maison Blanche n’a pas fourni les efforts escomptés.
Certes également, le président français, Nicolas Sarkozy, qui
recevra le 3 juin à Paris le premier ministre israélien, a
répété lundi, dans une déclaration faite à l’agence de presse
émiratie Wam, que la « construction de la paix au Proche-Orient
» ne peut se faire « sans donner aux Palestiniens l’Etat auquel
ils aspirent depuis si longtemps et auquel ils ont droit ».
Aussi, la France a dénoncé, par la voix du porte-parole adjoint
du ministère français des Affaires étrangères, Frédéric
Desagneaux, les déclarations sur Jérusalem, estimant qu’elle «
préjuge du statut final » de la ville, et que « aux yeux de la
France, Jérusalem doit, dans le cadre d’un accord de paix
négocié, devenir la capitale de deux Etats ». Il n’en demeure
pas moins que les efforts de la France dans le cadre du
processus de paix restent insuffisants.
Pour l’heure donc, les pressions
internationales se font attendre, et ne prennent la forme que de
pressions verbales sans lendemain. De quoi laisser aux
Israéliens les mains libres dans leur politique. Une politique
où le mot « paix » n’existe pas.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 27 mai 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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