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Al-Ahram Hebdo
La bataille de Jérusalem
Hicham Mourad
Mercredi 25 mars 2009
Palestine.
La célébration d’Al-Qods «
capitale de la culture arabe » a mis en relief la difficulté de
régler la question de la Ville sainte, victime d’une politique
acharnée de judaïsation.
La ville de Jérusalem était à
nouveau cette semaine l’épicentre de la tension entre
Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes, à l’occasion de
la célébration samedi de la journée de Jérusalem « capitale de
la culture arabe ». Les autorités israéliennes ayant interdit
aux Palestiniens de marquer cette journée dans la Ville sainte.
La police israélienne, qui a déployé des renforts à
Jérusalem-Est, annexée après sa conquête en juin 1967, a ainsi
empêché l’organisation de toute manifestation culturelle
palestinienne dans la ville proclamée par Israël comme sa
capitale « réunifiée ». Les policiers ont refoulé des jeunes
Palestiniens qui tentaient de se rendre à l’Esplanade des
mosquées dans la vieille ville, troisième lieu saint de l’islam,
après La Mecque et Médine. La police est également intervenue à
Jérusalem-Est pour empêcher des lancers de ballons portant les
couleurs du drapeau palestinien, après que des élèves en eurent
envoyé une centaine dans les airs. Elle a aussi interpellé des
employées de l’Université palestinienne d’Al-Qods qui
distribuaient des t-shirts du festival. Au total, une vingtaine
de personnes ont été interpellées dans la partie arabe de la
ville.
L’attitude des autorités
israéliennes a été dénoncée par le député arabe israélien Ahmed
Tibi, qui a condamné « l’emploi de la force brutale » contre une
manifestation culturelle, alors que le chef du petit parti de
gauche sioniste Meretz, Haïm Oron, a estimé que la police
n’avait « pas le droit d’interdire une telle expression
politique non-violente ». Pour sa part, le président
palestinien, Mahmoud Abbass, a appelé Israël à changer
d’attitude envers Jérusalem, au nom de la paix. « La politique
(israélienne) de racisme, d’oppression, de saisies de terres et
de destructions de maisons (...) doit cesser pour donner une
chance à la paix », a-t-il déclaré en lançant l’événement
culturel à Bethléem, au sud de Jérusalem. « Si l’on veut un
monde débarrassé de guerres, je dis à notre nation et à nos fils
de défendre Jérusalem (...) comme capitale de la Palestine, lieu
de fraternité et clé pour la paix », a-t-il ajouté devant des
délégations officielles venues du Maroc, de Tunisie, des Emirats
arabes unis, de Jordanie et du Koweït. Depuis 1996, les
ministres arabes de la Culture désignent chaque année une ville
dans le monde arabe comme « capitale de la culture arabe ».
Jérusalem a succédé à Damas. Israël interdit toute activité
officielle palestinienne à Jérusalem-Est, alors que les
Palestiniens ambitionnent d’en faire la capitale de leur futur
Etat.
« Epuration ethnique »
La tension palestino-israélienne,
à l’occasion de cette manifestation culturelle, témoigne de
l’ampleur du problème du partage de la Ville sainte — envisagé
dans le cadre d’un règlement politique — que Tel-Aviv a déclarée
« capitale éternelle et indivisible ». Cette annexion n’est
pourtant pas reconnue par la communauté internationale. Mais
pour la rendre irréversible, Israël mène une politique acharnée
de judaïsation de Jérusalem. C’est ainsi que l’Autorité
palestinienne accuse Israël de mener « une campagne d’épuration
ethnique » contre les Palestiniens de Jérusalem, après la
délivrance ces dernières semaines de dizaines d’ordres de
démolition de maisons dans la partie arabe occupée de la ville.
« C’est une campagne enragée menée par la municipalité pour
judaïser la ville et en expulser la population palestinienne.
C’est une campagne organisée d’épuration ethnique », déclaré le
porte-parole du président Mahmoud Abbass, Nabil Abou-Roudeina.
La municipalité israélienne de
Jérusalem a émis ces ordres, suscitant une levée de boucliers de
la population palestinienne. Leur destruction, au motif qu’elles
ont été construites ou agrandies sans permis israélien,
jetterait à la rue quelque 1 500 personnes, soit l’expulsion la
plus importante depuis que le secteur oriental de la Ville
sainte a été occupé par Israël en 1967. Israël n’accorde qu’au
compte-goutte des permis de construire aux résidents arabes —
quelque 250 000 — de Jérusalem-Est. Selon le Comité israélien
contre la destruction des maisons, seuls 125 permis de
construire ont été octroyés à Jérusalem-Est en 2008 sur 300
demandes. L’organisation israélienne B’Tselem pour la défense
des droits de l’homme affirme que depuis 2004, les autorités
israéliennes ont démoli plus de 400 maisons à Jérusalem-Est.
L’Onu a fait part de son
inquiétude devant les mesures visant la population palestinienne
de Jérusalem. « Nous sommes très préoccupés par les mesures
israéliennes à Jérusalem-Est, dont les menaces de nouvelles
évictions et la destruction de maisons dans plusieurs quartiers
palestiniens de la ville », a déclaré Richard Miron,
porte-parole du bureau de coordination de l’Onu à Jérusalem. «
Nous exhortons Israël à répondre favorablement aux appels de la
communauté internationale de mettre fin à ces mesures
inacceptables », a-t-il ajouté.
L’Autorité palestinienne a
protesté contre les ordres de démolition, exhortant le président
américain, Barack Obama, à intervenir. Des pays européens ont
aussi dit leur inquiétude. Mais comme à l’accoutumée, ces
critiques verbales, à peine voilées, ne sont jamais suivies
d’actes.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 25 mars 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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