Al-Ahram Hebdo
« Israël est le seul responsable de la
situation à Gaza »
Moustapha Al-Barghouti
Photo Al-Ahram
Mercredi 7 janvier 2009
Secrétaire général de
l’Initiative nationale palestinienne, une formation qui se veut
une alternative aux factions existantes,
Moustapha Al-Barghouthi
analyse la crise actuelle dans la bande de Gaza et évoque
les perspectives d’avenir.
Al-ahram hebdo : Comment
qualifiez-vous l’attaque militaire sans précédent menée par
Israël contre la bande de Gaza ?
Moustapha Al-Barghouthi :
Ce qui se passe à Gaza peut être un véritable génocide contre
notre peuple, un acte sauvage, barbare qui va à l’encontre de
toutes les lois internationales. Israël est une force
d’occupation de Gaza, qui est en train d’anéantir sa population
par des attaques aériennes. Gaza, un territoire ayant la plus
grande densité démographique au monde, est aujourd’hui victime
des attaques aériennes et terrestres israéliennes, alors qu’elle
se trouve sous occupation. Le nombre de martyrs et de blessés
est le plus élevé depuis 1967. Devant l’opinion internationale,
Israël prétend avoir l’intention de s’attaquer uniquement aux
éléments du Hamas. Il a même prétendu auparavant posséder une
technologie qui lui permet d’effectuer des opérations presque «
chirurgicales » sur le terrain.
— L’Etat hébreu affirme pourtant
avoir pour seul objectif de détruire le Mouvement de la
résistance islamique (Hamas) ...
— Toutes les allégations d’Israël
ne sont rien d’autre que des mensonges. En réalité, la guerre
n’est pas dirigée contre le Hamas, mais plutôt contre tout le
peuple palestinien. L’objectif réel des Israéliens est de briser
la volonté palestinienne, de mettre les Palestiniens à genoux et
de les obliger d’accepter un règlement injuste, en rayant, par
exemple, le droit d’avoir Jérusalem pour capitale, ou le refus
du droit au retour des réfugiés. Les Israéliens veulent obliger
les Palestiniens d’accepter le règlement qu’ils ont essayé de
leur imposer à la conférence d’Annapolis (novembre 2007), mais
ont échoué.
Ce qui se passe en ce moment est
très dangereux, car en s’attaquant de cette manière si féroce à
notre population, Israël veut détruire la volonté et la
résistance du peuple palestinien et nous imposer ses propres
règles par la force.
En effet, Israël ne s’attaque pas
uniquement au Hamas. Il a comme principale cible, la démocratie
palestinienne. C’était très clair : les attaques israéliennes
ont détruit le siège du Parlement palestinien et l’Etat juif a
arrêté 45 de nos parlementaires. Les Israéliens se sont attaqués
au gouvernement d’Unité nationale qui représentait 95 % des
électeurs palestiniens et ont fortement contribué à
l’effondrement de ce gouvernement. Et lorsque ceci a eu lieu,
ils ont commencé à propager l’idée que les Palestiniens étaient
responsables de leurs divisions internes. Tout cela n’était
qu’un jeu dont le but était de briser la volonté politique
palestinienne et l’attachement de notre peuple à son droit
légitime à la résistance. Un autre mensonge qu’Israël tente de
faire passer dans les médias américains et européens est celui
que la trêve a été rompue par le Hamas, alors qu’en réalité,
c’est Israël qui l’a rompue, en novembre dernier, un mois avant
ces attaques.
Le troisième mensonge qu’Israël
essaye de propager est celui que les Israéliens sont les «
victimes » et que les Palestiniens sont les « attaquants ». Or,
on constate que de leur côté, ils n’ont eu qu’une seule victime,
alors que du côté palestinien nous avons perdu plus de 500
martyrs, jusqu’à dimanche dernier.
Les observateurs sont unanimes à
expliquer les attaques israéliennes contre la population de Gaza
par la course électorale en Israël. Tzipi Livni et le parti
Kadima ne veulent pas paraître faibles face à leurs opposants de
la ligne dure du Likoud ou du parti du Travail.
— Quelles sont les différences
entre les trois candidats aux prochaines élections israéliennes
? Est-ce que vous pourriez imaginer un scénario particulier pour
chaque candidat ?
— Il n’y a aucune différence
entre eux. Aussi bien Livni que Netanyahu ou Olmert, ils sont
tous originaires du Likoud. Quand à Barak, il n’a rien à envier
aux autres en matière de férocité et de racisme. Ce qui est
désolant, c’est qu’Israël est devenu, dans sa totalité, une
nation raciste au sens propre du terme. Ils ont créé un système
d’apartheid et de barrières racistes. Ils ne veulent pas qu’un
seul Palestinien puisse lever la tête. Peu importe qui va gagner
les élections, s’il n’y aura pas de différence dans leur
position vis-à-vis des Palestiniens. Ils adoptent et suivent
tous la même vision politique sioniste qui refuse l’existence
d’un Etat palestinien indépendant, que Jérusalem soit la
capitale de la Palestine et que le droit au retour des réfugiés
se fasse. Livni a bien dit qu’aucun réfugié ne serait accepté
par Israël. Alors quelle différence y a-t-il entre elle et
Netanyahu ? Cette guerre est faite juste pour que chacun d’entre
eux puisse montrer ses muscles et le prix de cela est le sang
des Palestiniens. Et le pire de tout, c’est que malgré toute la
férocité démontrée par le gouvernement d’Israël contre les
Palestiniens, le Likoud se renforce de plus en plus dans les
sondages.
— Que pensez-vous de la
stratégie du Hamas dans sa gestion de la résistance militaire ?
Y aurait-il eu une erreur stratégique ou de calcul de leur part
en tirant les roquettes contre le sud d’Israël ?
— Il n’y a pas du tout eu
d’erreur commise par Hamas. Jusqu’au mois de novembre dernier,
le Hamas avait arrêté les tirs de roquettes, et même empêché
toute sorte d’attaque venant de Gaza. Celui qui a rompu
l’accalmie était Israël. Les Israéliens sont entrés, attaqué et
abattu 6 Palestiniens. C’est à ce moment que les roquettes ont
commencé à être lancées depuis Gaza. En réalité, c’était le
Hamas qui se défendait en tirant des roquettes sur Israël. Et
nous savons tous que ces roquettes n’ont pas d’importante
capacité de destruction. Mais il s’agissait d’une manière
symbolique de se défendre contre les attaques des forces
d’occupation. Nous ne pouvons pas jeter la responsabilité sur
les victimes alors que les véritables agresseurs sont les
Israéliens.
Tout cela a été soigneusement
planifié. Au cours des derniers mois, l’on pouvait lire dans les
journaux israéliens qu’Israël avait besoin de quelques mois
d’accalmie afin de préparer son armée à une attaque majeure. Et
cela est exactement ce qui se produit maintenant.
— Y a-t-il aujourd’hui une
possibilité de rétablir la réconciliation palestinienne ?
— Le seul chemin cohérent à
suivre, à mon avis, est celui de la reconstitution d’une
administration politique unifiée en Palestine, et la formation
d’un gouvernement d’unité nationale. Par la suite, nous devrons
avoir des élections auxquelles prendront part tous les
représentants des tendances palestiniennes, sans exception ou
discrimination. Ces élections devront être transparentes et
crédibles et avoir lieu dans l’ensemble des territoires occupés.
Et, enfin, il faut absolument qu’il y ait des garanties que l’on
acceptera inconditionnellement ses résultats.
— Pensez-vous que l’élection de
Barack Obama aux Etats-Unis apportera du changement dans la
position de Washington dans le conflit israélo-palestinien ?
— C’est sûr que nous avons
l’espoir d’un changement dans la politique étrangère
américaine, mais je ne veux pas me faire des illusions. Nous
espérons que le président Obama aura au moins une meilleure
compréhension de la situation dans cette région. Contrairement à
George Bush, le président Obama est sensé être plus sensible aux
causes justes comme c’est le cas de la nôtre. Mais la question
que nous nous posons est la suivante : est-ce qu’il pourra
affronter le lobby israélien aux Etats-Unis ? Nous attendons
pour voir comment il agira.
Mais ce que nous notons
maintenant, c’est que l’administration Bush fait tout, jusqu’au
dernier moment, pour qu’en arrivant, le président Obama retrouve
une situation intenable et pour qu’il soit dans l’impossibilité
d’opérer des changements dans la politique américaine vis-à-vis
de cette région. L’administration Bush, conjointement avec
Israël, est en train de construire trois murs qu’Obama pourra
difficilement franchir en vue d’avoir des influences positives
sur ce conflit. Le premier de ces murs est celui des engagements
assumés par Bush vis-à-vis d’Israël où il a réduit, à travers
une résolution du Conseil de sécurité, le processus de paix
d’Annapolis. Le deuxième mur, ou entrave à l’action future d’Obama,
est le feu vert donné par l’administration Bush à ce massacre
des Palestiniens. Et le troisième point, qui est le plus
important, c’est qu’à travers la tension produite par cette
confrontation et ce massacre des Palestiniens, elle tente de
détruire le plan annoncé par Obama d’entamer un dialogue avec la
Syrie, l’Iran et toutes les forces de la région.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 8 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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