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Al-Ahram Hebdo
Le renouveau ou la mort
Abir Taleb
Photo Al-Ahram
Mercredi 5 août 2009
Palestine .
Le Fatah a entamé mardi à Bethléem son 6e
congrès. Trois jours durant, les quelques 2 000 délégués se
pencheront sur des questions clés comme la restructuration du
mouvement, les luttes interpalestiniennes et la relation avec
l’Etat hébreu. C’est dans un
contexte des plus difficiles mais aussi un contexte nouveau que
s’est ouvert mardi à Bethléem le 6e congrès du Fatah, le premier
depuis 20 ans et le premier tenu en territoire palestinien. Mais
avec une direction minée par les divisions, affaiblie par sa
déroute face aux islamistes du Hamas à Gaza, et avec un
processus de paix au point mort, la tâche s’annonce difficile.
Et les défis grandioses. Il s’agit donc d’une rencontre
cruciale, voire historique. Soit le Fatah se montre capable
d’opérer les réformes, le rajeunissement et les changements
nécessaires, soit il poursuit son déclin et devient simplement
le parti de l’Autorité palestinienne, sans avoir réalisé ses
objectifs de libération nationale. Et dans ce cas, les divisions
palestino-palestiniennes s’accroîtront, que ce soit au sein du
Fatah lui-même ou entre ce dernier et le Hamas.
D’ores et déjà, à la veille du congrès, le
climat s’est tendu un peu plus entre ces deux partis, le Hamas
ayant interdit aux membres du Fatah basés dans la bande de Gaza
de se rendre en Cisjordanie. Sur ces quelques 400 membres du
Fatah, seules une douzaine a réussi à se rendre à Bethléem. Et
le Hamas a annoncé que ceux-ci seraient traduits en justice «
dès leur retour » pour avoir bravé l’interdiction imposée par le
mouvement islamiste de quitter la bande de Gaza. Le Hamas, qui
contrôle ce territoire, exigeait au préalable la libération de
ses prisonniers détenus par l’Autorité palestinienne comme
condition à un feu vert à la participation des délégués du Fatah
de la bande de Gaza à leur congrès. Une condition qualifiée de
provocation par le mouvement du président Mahmoud Abbass. Une
fois de plus donc, aucun accord n’a été obtenu entre les deux
parties. Et le ton est monté : un responsable du Fatah a menacé
le Hamas de nouvelles arrestations. Cette menace « ne réussira
pas » à ébranler le Hamas, a rétorqué un de ses leaders, Sami
Abou-Zourhi. Réplique de Raëd Radouane, responsable du Fatah à
Ramallah, l’attitude du Hamas enfonce « le dernier clou dans le
cercueil du dialogue » entre les deux mouvements en cours au
Caire depuis des mois et qui doit reprendre le 25 août. Un
dialogue qu’Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas, a tout
simplement menacé de boycotter si le Fatah ne libérait pas des
partisans du mouvement islamiste détenus en Cisjordanie.
L’épreuve ne fait que confirmer un peu plus,
voire approfondir, les divisions entre le Fatah et le Hamas, qui
sont à couteaux tirés depuis que le Hamas s’est emparé de la
bande de Gaza en juin 2007, délogeant les forces loyales à M.
Abbass après dix-huit mois de coexistence houleuse au pouvoir.
Clivages internes
Mais il ne s’agit pas que de cela. Au sein du
Fatah également, ce n’est pas le beau temps. Le mouvement est
parcouru par des clivages internes concernant la conduite des
négociations avec Israël, le degré d’activisme à observer
vis-à-vis de l’Etat juif, la démocratie interne et le
renouvellement générationnel.
Le principal clivage interne oppose les
réformistes, issus de la lutte armée sur le terrain, puis de la
négociation avec Israël, à l’« establishment » privilégié de la
diaspora, qui n’est revenu en Palestine qu’à la suite des
accords d’autonomie conclus à Oslo en 1993. Tout-puissant du
temps de Yasser Arafat, le Fatah a commencé à se lézarder après
sa mort en novembre 2004, faisant le lit du Hamas, qui a
remporté en 2006 la majorité absolue au Conseil législatif
palestinien, ouvrant une ère d’affrontement entre les deux «
frères ennemis ». Le Fatah est aussi tenu par beaucoup de
Palestiniens pour responsable de la corruption et de
l’insécurité qui ont sévi dans les territoires palestiniens,
avant que l’Autorité palestinienne ne se décide à les combattre
sérieusement ces dernières années. Le mouvement nationaliste
cherche ainsi à retrouver quelque crédibilité aux yeux des
Palestiniens, qui lui reprochent aussi le maigre résultat des
concessions successives faites à Israël durant les négociations
passées.
En effet, aujourd’hui, le Fatah ne contrôle
que la Cisjordanie et sa ligne politique prônant un règlement
négocié du conflit avec Israël après des années de lutte armée
ne cesse de perdre en crédibilité, faute de progrès dans les
négociations de paix. Au cours de ce congrès de trois jours, les
quelques 2 000 délégués doivent renouveler le Comité central et
le Conseil révolutionnaire, principales instances du Fatah, et
adopter un nouveau programme politique. Si le président de
l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbass est assuré d’être
reconduit comme chef du mouvement, la composition du nouveau
Comité central de 21 membres, qui seront élus par les délégués,
fait l’objet de toutes sortes de pronostics. Ainsi, une partie
des « éléphants » qui font partie de l’actuel Comité central,
devraient céder la place à des plus jeunes. Le secrétaire du
général du Fatah en Cisjordanie emprisonné en Israël, Marwan
Barghouthi, l’ex-chef de la Sécurité préventive, Jibril Rajoub,
l’ex-homme fort du Fatah à Gaza et « chouchou » des Américains,
Mohammad Dahlane, apparaissent comme les prétendants les plus
sérieux. Quant au Conseil révolutionnaire, il compte 120
membres, dont la majorité sera élue par les délégués et le reste
désigné par le nouveau Comité central.
A cela s’ajoutent les querelles entre les
ténors du Fatah qui ont contribué au déclin du mouvement et qui
se sont exacerbées ces dernières semaines lorsque son secrétaire
général et l’un des fondateurs du parti, Farouq Qaddoumi, a
publiquement accusé M. Abbass d’avoir comploté avec Israël pour
éliminer Yasser Arafat.
Garder l’essence du texte fondateur
Reste la question d’un nouveau programme
politique. Selon des responsables du parti, le Fatah du
président de l’Autorité palestinienne devrait approuver la
solution à deux Etats, mais ne pas exclure la possibilité d’une
« lutte armée » contre Israël, ni l’éventualité d’une
déclaration unilatérale de création de l’Etat palestinien en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le texte fondateur du
Fatah, créé en 1965 par Yasser Arafat, appelle à la lutte armée
« jusqu’à ce que l’entité sioniste soit supprimée et la
Palestine libérée ». Pour Nabil Chaath, vétéran du Comité
central du Fatah, la charte « ne peut pas être modifiée ». «
Elle restera en l’état. Cela ne sera pas sujet à discussion », a
abondé Azzam Al-Ahmad, autre haut dirigeant du mouvement.
Cependant, le projet de nouveau programme préconise de nouvelles
formes de résistance, notamment la désobéissance civile contre
les implantations juives en Cisjordanie occupée ou la barrière
de sécurité érigée par Israël. Le président de l’Autorité
palestinienne s’est retiré des pourparlers de paix avec l’Etat
juif après l’offensive des forces israéliennes en décembre et
janvier derniers dans la bande de Gaza. Les discussions ne
reprendront que si le gouvernement de Benyamin Netanyahu accepte
de geler les activités de colonisation, a déjà prévenu Mahmoud
Abbass, soutenu en ce sens par les Etats-Unis et l’Europe.
Aussi, le projet du programme politique réaffirme le « refus de
reconnaître Israël en tant qu’Etat juif », comme l’a exigé M.
Netanyahu. Le programme du Fatah affirme en outre la volonté des
Palestiniens de « reprendre l’initiative afin de sortir les
négociations de paix de l’impasse, soulignant que la base des
négociations avec Israël doit être l’initiative de paix arabe ».
« Nous espérons que nos voisins nous permettront d’arriver à la
paix pour construire l’avenir de notre Etat qui vivra aux côtés
de leur Etat dans la paix et la sécurité », a dit Abbass à la
veille du congrès. Mais à ce sujet, rien n’est à espérer avec
l’actuel gouvernement israélien. Pour les Palestiniens, le plus
important est plutôt de rassembler leurs rangs, au sein du Fatah
et avec les autres factions. Faute de quoi une implosion interne
aux conséquences fatales sera inévitable .
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 5 août 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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