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Ha'aretz
Haïm Ramon : et
ses autres faillites ?
Akiva Eldar
[la condamnation de
l'ex-ministre de la justice Haïm Ramon pour harcèlement sexuel
("le baiser") est anecdotique. Moins anecdotiques : feu
le "plan de convergence" dont il est l'un des penseurs,
le renforcement du Hamas et des Frères musulmans aux dépens du
Fatah laïque, le "big bang" politique en Israël avec
la formation du parti Kadima et l'affaiblissement du camp de la
paix israélien, et autres. Ramon : exemple de la nouvelle classe
politique israélienne qui s'est crue (et que beaucoup ont crue)
brillante]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/821816.html
Ha'aretz, 5 février 2007
Les critiques à l'égard du procureur général Menahem Mazouz prétendent
que si une personnalité publique tente d'introduire de force sa
langue dans la bouche d'une femme, cela ne constitue pas une cause
suffisante pour un procès au pénal. Les partisans de Haïm Ramon
affirment que le comportement problématique du ministre mérite
au mieux un procès devant l'opinion. Mais si nous devions
organiser pareil procès pour Ramon, le baiser, à la veille de la
guerre et devant le bureau du Premier ministre, n'aurait été
qu'une partie insignifiante de l'accusation. Ramon aurait eu à répondre
du rôle important qu'il a joué et de sa responsabilité dans
deux des échecs les plus retentissants de ces dernières années
: la mise en pièces de l'autorité centrale laïque dans les
Territoires palestiniens, et l'effacement du camp de la paix en
Israël.
Pièce à conviction n° 1 dans le procès devant l'opinion du
concepteur du désengagement et de l'ingénieur du "plan de
convergence", qui utilise la méthode "faites-le vous-mêmes"
: une série de photos de la guerre civile qui fait rage dans la
bande de Gaza. Pour souligner ses répercussions pour Israël,
nous ajouterons les informations sur les préparations d'une
version pour Gaza de l'Opération Rempart. Ainsi que l'a rapporté
Ha'aretz hier, on s'inquiète à Tsahal du fait que les violences
pourraient ne pas s'arrêter à la frontière de la bande de Gaza
(1). Ajoutons encore ces citations tirées d'une interview accordée
par Ramon à Ari Shavit, plusieurs mois avant le désengagement :
"Je ne pense pas qu'il y aura une guerre", affirmait le
ministre au printemps dernier, en expliquant que les Palestiniens
auraient quelque chose à y perdre. Leurs conditions de vie seront
bien meilleures, disait-il. Il y aura une grosse pression sur
leurs dirigeants politiques pour qu'ils n'entreprennent rien qui
fasse tourner la roue à l'envers et ramène l'occupation israélienne.
Plus encore : il a continué en disant que toute tentative de
parvenir à une solution définitive ("comme à Camp
David") résulterait en mille morts de plus. Mais les gens ne
sont même pas prêts à conclure un accord provisoire, a-t-il
dit, et le choix qui reste est donc entre le statu quo et une
politique unilatérale. La mort ou l'opération chirurgicale. Mais
Ramon n'a pas tenu compte du fait qu'il était possible que ladite
opération rate et mène au désastre. La politique unilatérale a
mis au chômage le partenaire palestinien et a quasiment réduit
à néant la possibilité qu'il regagne la position qui était la
sienne. Le Hamas a défendu ses bastion s dans les Territoires, ce
qui renforce la position des Frères musulmans en Egypte, en
Jordanie et en Syrie, au point qu'ils constituent une sérieuse
menace pour les régimes laïques voisins d'Israël. Cette menace
n'est pas moins sérieuse que la menace iranienne.
Pour soutenir cet argument, montrons maintenant la pièce à
conviction n° 2 : un article publié en janvier dernier par le
quotidien en arabe Al-Sharq al-Awsat, sous le titre :
"Qu'arrivera-t-il si les Frères musulmans
s'emparent de la Palestine?" Le Dr Mamoun Fandi, éditorialiste
et intellectuel égyptien, membre du Baker Institute et du U.S.
Institute for Peace, écrit dans cet article que l'idéologie des
Frères musulmans (et donc
du Hamas) va bien au-delà des frontières des Etats. D'après
Mamoun Fandi, si le Hamas s'empare de la Palestine, cela ne se
traduirait pas par la libération du sol palestinien, car la
priorité des Frères musulmans est de détruire "l'ennemi
qui est proche" (c'est-à-dire les Etats arabes) pour se préparer
à affronter "l'ennemi qui est loin" : l'Etat d'Israël.
Pièce à conviction n° 3 : les sondages qui prédisent le retour
au pouvoir de la droite sous la conduite de Benjamin Netanyahou,
et l'effondrement de Kadima et des travaillistes. Le "big
bang", né dans le cerveau fertile de Haïm Ramon, finit en
plainte : il a créé une coalition impossible, sans épine
dorsale idéologique, et a sapé la force du camp de la paix et
des travaillistes en particulier. Ramon, autrefois connu pour ses
positions
"colombes", avait annoncé que la gauche israélienne
avait fini d'accomplir sa tâche. Il n'est pas étonnant que de
nombreuses personnes, parmi les meilleures et les plus brillantes,
se soient ruées vers Kadima (2). L'ancien "enfant
prodige" de la politique israélienne a sorti Shimon Peres de
son chapeau et l'a placé sur la tête d'Ariel Sharon. On
s'attendait alors à ce que les travaillistes perdent une
demi-douzaine de sièges à la Knesset [ndt : cela ne s'est pas
produit] et avec eux toute chance de retrouver le pouvoir.
Il est malheureux que des personnalités de premier plan comme Haïm
Ramon détruisent leur carrière à cause d'actes stupides. Non
seulement ils donnent une très mauvais image de la politique,
mais ces scandales pathétiques détournent l'attention de
l'opinion des vrais problèmes. Peut-être même faudrait-il espérer
que Ramon sera acquitté lors de son procès en appel pour son
"baiser", mais seulement à condition qu'il soit jugé
par l'opinion ou qu'il quitte définitivement la scène politique.
(1) A ce propos, il faut préciser que le chef du Shin Bet Youval
Diskin a averti aujourd'hui le gouvernement israélien de "ne
surtout pas intervenir à Gaza dans les affrontements Fatah-Hamas."
(2) De nombreuses personnalités politiques, dont Shimon Peres et
Ramon lui-même, ont quitté le Parti travailliste pour rejoindre
Kadima.
Trad. : Gérard
pour La Paix Maintenant
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