Opinion
Fatalisme et
réalité
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 28 octobre 2013
Samedi
dernier, les prévisions météorologiques
comportaient une très sensible baisse
des températures et des orages dans tout
le nord du pays. Et ce, à partir de
mardi 28 jusqu'au jeudi 30 octobre,
selon les régions touchées par les
intempéries. Pourtant le ministère des
affaires religieuses a cru quand même
bon d'appeler les fidèles à prier pour
faire tomber la pluie. Coordination ou
pas, l'action de grâce sera suivi d'une
réponse céleste. Il pleuvra. La
connaissance aura épousé à merveille la
connaissance et tout le monde sera
content. La pluie sera venue récompenser
la piété, dans tous les cas de figure et
la tradition prophétique aura été
perpétuée. Resteront les questions sur
l'opportunité ou plutôt la coïncidence,
maintes fois observée, entre
l'initiative de la chose et les calculs
de la météo. Se posent, en cascade,
d'autres questions sur cette propension,
sous prétexte de respect des préceptes
religieux ou de la tradition, d'ignorer
les implacables lois de la physique,
censées, paradoxalement, dans le même
temps être une œuvre divine et
respectées comme telle. Mais c'est là un
débat qui n'est pas près de s'ouvrir,
tant que l'ostracisme affiché contre
l'intelligence sert de protection à des
porteurs de discours fonctionnarisés et
à une idéologie fragilisée par la faible
productivité de ses défenseurs. Quitte
qu'il en coûte à minorer dans la
culture, de larges couches de la
société, l'importance fondamentale des
données scientifiques et des conquêtes
réalisées dans la connaissance de
l'univers. Nous pouvons invoquer, à ce
propos, l'attitude des autorités
politiques vis-à-vis des séismes en
général et de celui d'Al Asnam en
particulier. C'était en octobre 1980.
S'il a bien sûr été question de mettre
en évidence le caractère sismique de
l'Algérie du Nord et de la prévalence
inévitable des tremblements de terre, il
y a eu aussi l'imputation de la
catastrophe géologique au nom de la
ville. Elle fut promptement rebaptisée
en Chleff pour bannir l'appellation
jugée " sacrilège " de Al Asnam
(idoles-statues). Nous ne savons pas si
cela a rassuré les habitants et s'ils
ont pu croire que la procédure allait
stopper la confrontation tectonique des
plaques africaines et eurasienne. Mais
il fut évident que, en termes de travail
de sensibilisation des Algériens aux
risques sismiques, la démarche a été
désastreuse. Le fatalisme, allié à
l'ignorance des mesures à prendre, ont
pu continuer d'affecter les
comportements. Le séisme de Boumerdès,
lui-aussi, a connu des explications qui
l'attribuent au " châtiment divin ". Nos
filles au centre du courroux, car elles
transgressaient par leurs tenues et
leurs comportements les règles de la
religion. Malgré la masse d'informations
qui existent sur le phénomène, la leçon
a porté ses fruits, puisqu'elles furent
très nombreuses à se convertir au "
hidjab ", alors qu'elles avaient résisté
aux égorgeurs. Enfin, le même
argumentaire a été développé, cette
semaine, ici et là lors de la prière
pour la pluie (Salat Al Istiska), en
porte à faux avec la réalité des
anticyclones. Cela se passe dans un pays
qui avait mis l'école au-dessus de tous
ses objectifs.
Article publié sur
Les Débats
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