Opinion
Qui sont les
rebelles dans le tas ?
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 25
septembre 2011
Les
télévisions, les journaux, les radios,
les «spécialistes» et «experts»
politiques et de guerres… tous à
l'unisson ont des mots formatés et prêts
à l'emploi. Sur un registre unique, ils
parlent de la même voix et développent
tous le même référent, sans changer une
virgule. Ils sont d'autant plus sans
nuances qu'ils sont protégés de toute
voix contraire et de tout risque d'être
contredit. La partition est parfaite,
elle ne l'a jamais été autant. A telle
enseigne qu'il est difficile de ne pas
imaginer une sorte d'union sacrée
orchestrée par un maître d'œuvre
pointilleux jusqu'à l'obsession. La
presse est devenue unique, aussi
nombreux que sont les acteurs et aussi
divers que sont leurs horizons,
religieux, linguistiques, ethniques. Un
vent puissant a balayé les réfractaires,
le vacarme étouffe ceux qui sont restés.
Le premier laboratoire d'observation de
ce phénomène nous est offert par la
Libye. On parle toujours de «rebelles»
en Libye, pourtant il y a un Etat, avec
un drapeau tout neuf, qui y a été
installé par l'OTAN. La remarque vient
du fait que ce n'est pas pour désigner
la résistance populaire qui, depuis sept
mois fait toujours front dans le pays,
mais les troupes du pouvoir «élu»
d'abord dans les salons des grandes
puissances et confirmé par l'ONU. Mais,
comme on n'en est pas à une incongruité
près dans le dossier libyen, les mots
perdent de leur importance. Ce qui
oblige à une gymnastique assez pénible.
Récapitulons. Un rebelle est quelqu'un
qui s'oppose à une autorité en place. En
face, une armée régulière, c'est-à-dire
une armée qui est détentrice du monopole
légal de la violence. Cette armée est
constituée, pour le moment, des
bombardiers de l'OTAN et de troupes
indigènes au sol. Ainsi, pour parler
justement, comme l'autorité en place est
le CNT/OTAN, les rebelles ne peuvent
être que les Libyens qui défendent leur
terre et leurs maisons à Syrte, Beni
Walid, Ras Lanouf, Zaouiah, Tarhouna,
Sebha, Brega et là où ils tiennent des
positions, et qui font le coup de feu à
Tripoli et partout dans le pays. Rien ne
justifie, dans pareil cas, le
vocabulaire qui règne dans les médias.
Rien ne justifie non plus d'invoquer la
menace d'un dictateur qu'on dit en fuite
et recherché, quand c'est lui qui est
menacé par les «grandes offensives»
successives, suivies de «retraites
tactiques». Mais, de toute évidence, il
y a un semblant de pudeur qui peut faire
croire qu'il est plus difficile pour eux
de soutenir un Etat qui fait sauvagement
bombarder sa propre population et tant
pis si les représentants du CNT/OTAN
sont les premiers rebelles à jouir du
statut de membres des Nations unies.
Auquel cas, le mensonge initial, qui
consistait à dire que c'était en défense
des droits du peuple de Libye que la
«communauté internationale» s'était
mobilisée, n'en est que plus gros. Parce
que ce sont les civils, composant ce
même peuple, qui se font bombarder et
qui meurent par centaines par jour.
L'Humanité est, par là même, avertie, si
elle ne le savait déjà, qu'il n'y a plus
rien de bon à attendre de l'ordre
mondial qui s'annonce.
Article publié sur
Les Débats
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