Opinion
Deux voix
françaises, une conclusion
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 18 août
2012
Alain Rodier Ancien
officier supérieur des services de
renseignement français. Directeur de
recherche au Centre Français De
Recherche sur le Renseignement (CF2R),
en charge du terrorisme et de la
criminalité organisée, vient, dans une
note intitulée "Syrie/France : soyons un
peu raisonnables", de commettre ces
mots: "les intérêts de la France, dont
les caisses sont plus que vides, passent
ils par une prise de position «tartarinesque
» sur la Syrie ?". Cet homme averti ne
doit pas parler à la légère, en
convoquant l'ironie, et doit dire un peu
moins que ce qu'il pense, au vu de ses
fonctions sensibles, mais ce qu'il dit
est suffisant pour conforter une opinion
assez répandue, depuis l'aventure de
Sarkozy en Libye, qui veut que les
intérêts de la France sont ailleurs que
dans un alignement obséquieux sur une
ligne stratégique qui est loin de servir
ses intérêts actuels et futurs. En
disant cela, il pense à la Russie et à
la Chine: "…deux grandes puissances à
l’ego très susceptible qui peuvent
rivaliser avec les Etats-Unis sur
beaucoup de plans et qui laissent loin
derrière la « Vieille Europe » acariâtre
et donneuse de leçons". Ce qui est un
avertissement d'une clarté aveuglante
sur les risques que M. Rodier perçoit,
venant de "deux capitales, Moscou et
Pékin,(qui) se sentent humiliées et ne
sont pas prêtes à oublier le camouflet
qu’elles ont subi". Des risques qui ne
sont pas des moindres, quand on compare
une France "aux caisses plus que vides"
et des puissances qui "laissent loin
derrière la Vieille Europe". Surtout que
la Chine et la Russie, que la France
devrait prendre en considération, avant
qu'il ne soit trop tard pour elle, ont
les moyens de faire très mal. Rodier
s'adresse aux autorités de son pays pour
lancer un cri d'alarme: "il est fort
probable qu’elles vont nous le faire
payer et leur soutien au régime de Damas
n’est qu’un début" dit-il. En même temps
que Rodier, une autre voix française
s'est élevée. C'est celle d'un ancien
préfet "gaulliste-souverainiste", Roland
Hureaux, qui "doute quant à l’intérêt de
l’engagement de la France aux côtés des
rebelles syriens", quant elle ignore des
dictatures réelles et pires que tout: "à
commencer par l’Arabie saoudite et le
Qatar". Lui aussi redoute un " conflit
majeur avec la Russie" et rappelle que
"le Kremlin adresse depuis quelques
semaines des signaux clairs qui montrent
qu’avec l’appui de la Chine – et aussi
de autres BRIC -, il ne lâchera pas le
régime Assad : envois d’armes et de
conseillers militaires, gesticulations
maritimes, dernières déclarations de
Poutine lui-même". D'où, selon lui, "les
Français se sont mis eux-mêmes devant le
risque de n’avoir bientôt plus à choisir
qu’entre une reculade humiliante et un
conflit frontal avec la Russie, dont les
conséquences seraient incalculables".
Puis, avec Hureaux, on a droit à quelque
chose de plus, après son pays, second
violon, il s'attaque au chef
d'orchestre: les Etats-Unis, dont il
qualifie l'attitude d'hystérique. Pour
lui:
"L’acharnement mis
par Washington à vouloir à tout prix
renverser le régime Assad ne semble plus
relever d’une rationalité ordinaire mais
de l’hybris d’une grande puissance
irascible qui ne supporte pas qu’on lui
résiste". Ainsi, deux Français audibles,
détonnent sur la Syrie, chacun selon son
statut, mais tous deux se rejoignent sur
un fait: la France des Sarkozy/Hollande,
Juppé/Fabius, file du mauvais coton.
Article publié sur
Les Débats
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