Opinion
Ingérences : le
débat s'est-il ouvert ?
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 14 décembre
2011
Les mots
sont en train de perdre leur sens et la
notion de justice son âme. Laurent
Gbagbo, le président de la Côte d'Ivoire
qui a refusé à la «communauté
internationale» le pouvoir électoral
dans son pays, va subir les dérives
d'une époque où l'incongruité le dispute
au cynisme. Il est accusé d'être «le
coauteur indirect» de quatre crimes
contre l'humanité, «meurtres, viols et
autres violences sexuelles, actes de
persécution et autres actes inhumains».
Luis Moreno Ocampo, le procureur, ne
fait pas d'enquête, incarcère au jugé et
décrète les culpabilités, sans état
d'âme et n'hésite pas à user des pires
mensonges pour argumenter ses décisions.
Il avait affirmé que Kadhafi avait
fourni des tonnes de Viagra à ses
soldats, sans susciter des doutes sur sa
déontologie. Qu'importe, fort de sa
«certification» par les puissants de ce
monde, Alassane Ouattara, a livré son
compatriote à la Cour Pour Indigènes
(CPI), à ce procureur, à cette
juridiction raciste spécialisée dans la
légalisation des décisions
colonialistes. Surfant sur le concept de
démocratie, les partisans de cette forme
de justice en font une épée de Damoclès
pendue sur la tête de dirigeants, tous
africains, pas toujours en phase avec la
justice sociale, mais surtout un
tantinet réfractaires à l'ingérence dans
les affaires de leurs pays. Gbagbo est
de cela. Il a eu sa tranquillité tant
qu'il se conformait à l'ordre léonin qui
régnait sur les marchés ivoiriens. Mal
lui en pris quand il a jugé qu'il devait
faire comme le marché lui-même le
commande. Il s'est mis à mettre en
concurrence les fournisseurs étrangers.
La première fois, en 2002, il a eu droit
à un coup d'Etat qui a heureusement
foiré. Il ne résistera pas à la seconde
attaque. On lui fomente une insurrection
armée, surarmée, on lui impose de
négocier avec elle et d'organiser des
élections présidentielles, alors qu'une
grande part du territoire et de la
population se trouvent sous le contrôle
des «rebelles» qui soutiennent son
adversaire Ouattara. De mémoires de
journalistes, les «Forces nouvelles»
sont les plus impliquées dans les
massacres et les sévices contre les
civils. Leurs chefs, désormais le chef
de l'Etat et le ministre de la Défense,
sont blanchis de la chose. Eux, ils ont
tué pour accéder au pouvoir en vue de
réparer le mal qu'a fait Gbagbo en
permettant aux Chinois et à de nouveaux
venus d'empiéter sur la chasse gardée.
Leurs crimes sont jugés légitimes. Comme
ceux d'Ehud Olmert, Tzipi Livni, Ehud
Barak et de tous les chefs sionistes, en
Palestine et au Liban. Ceux-là ne seront
jamais inquiétés et la «communauté
internationale» trouve même qu'ils ont
le droit de se défendre contre les
Palestiniens qui se défendent contre
leurs exactions. Inutile d'invoquer la
liste ouverte des centaines de milliers
de morts qu'alimentent depuis des
décennies les bombes et les missiles des
Etats-Unis et de leurs satellites. Il
n'y aura pas de cour pour ça. Du moins
tant que le monde continuera de subir le
droit de la force. Il y a quand même une
consolation. Des milliers d'Ivoiriens et
des personnes, dont la dignité a survécu
à la régression morale qui lamine la
planète, ont organisé des marches de
soutien au président Laurent Gbagbo, à
Paris et à La Haye. C'est la première de
ce genre que connaît ce tribunal éhonté.
Ce qui signifie qu'il en connaîtra
certainement d'autres. Il faut
l'espérer.
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour
|