Opinion
Mali : les
prémices du pire
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 13 février
2013
Au Mali, il
n'a pas été question de "printemps".
C'est toujours bon à prendre. Car, même
à tirer par les cheveux la formule, le
puzzle malien pouvait bien s'inscrire
dans le concept expérimenté contre la
Libye, en s'appuyant sur le fait que les
insurgés s'y trouvaient et y ont pris de
la graine et en ont ramené l'arsenal qui
leur a permis de s'imposer. Mais ce
"printemps" n'est pas conforme à
l'étalon, y compris ses Islamistes qui
n'ont pas les mêmes grâces que les
autres. Eux ce sont des "terroristes",
même s'ils arborent le même drapeau que
les autres et qu'ils se réclament de la
même chapelle. Qu'à cela ne tienne, ce
sont eux qui sont dans la ligne de mire
de la puissance de feu de l'opération
Serval. Une opération décidée et
organisée par la seule France, qui vole
au secours du peuple malien. Pas une
seule chance ne lui a été laissée de
régler ses problèmes entre Maliens.
L'armée du pays a été mise en situation
de ne rien pouvoir faire, par mille
subterfuges. Les Mujao et Ansar Eddine
se sont crus aux portes du sacre et se
sont mis à offrir les images qu'il faut,
comme prévu, par ceux qui savent leurs
desseins. Applications des pires sévices
contre les "impies", destruction du
patrimoine religieux local et autres
mesures d'"islamisation", vont faire le
bonheur des médias et le tour du monde,
afin d'horrifier suffisamment les bonnes
âmes et les amener à soutenir fermement
une intervention. La main sur le cœur,
François Hollande pouvait se présenter
en justicier contre la barbarie, bien
réelle. Les habitants de Tombouctou et
des villes et villages débarrassés des
inquisiteurs, ne pouvaient que laisser
exploser leur joie d'être sortis du
cauchemar. Tout semblait prédire une
chevauchée triomphale et les mises en
garde contre l'"afghanistanisation"
paraissaient, du coup, ridicules. Cela a
duré le temps d'une euphorie. Puis les
choses se sont mises à se gâter. La
fuite des groupes armés ne signifiait
pas du tout leur défaite. Ils
contre-attaquent selon les règles de l'assymétrie
des forces. Le général Vincent Desportes
a les mots pour le dire : "Nous sommes
passés dans la phase d'affrontement des
volontés. Le rapport de forces n'a plus
beaucoup d'importance". En termes
militaires, cela signifie qu'il faut se
préparer à une guérilla qui ne laissera
pas de répit aux troupes engagées. De
surcroît, on s'aperçoit qu'il y a des
villages qui sont de son côté. Ce qui
veut dire que les auteurs de coups de
main et d'attentats disposent de bases
de repli. Pas de quoi augurer d'une
victoire rapide. Sans compter le risque
réel de recrutements de la rébellion.
Quant à la relève, que devrait assurer
l'armée du pays, elle est sérieusement
compromise. Après ses exactions
vengeresses exercées sur des populations
sans défense, voici que se font jour des
dissensions alarmantes en son sein, qui
viennent aggraver sa faiblesse. Les
Bérets Rouges et les Bérets Verts
s'affrontent en pleine capitale (il y a
des morts). Les premiers refusent même
de servir en compagnie d'autres corps et
veulent leur autonomie. Rappelons qu'une
partie des soldats sont passés, avec
armes et bagages, dans le camp
islamiste. De quoi douter très fort
d'une stabilisation proche du Mali et
craindre l'extension de la violence au
sud et à la capitale même, au cas où une
cohésion n'est pas rapidement trouvée.
Article
publié sur
Les Débats
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