Opinion
L'Egypte, la
Tunisie et Gam al Abdenasser
Ahmed Halfaoui
© Ahmed Halfaoui
Dimanche 11 août 2013
Djamal Abdenasser est de retour. Le Zaïm
égyptien a d'abord vu son portrait
fleurir dans la rue égyptienne, pour le
voir brandi par la rue tunisienne. Tout
le symbole de la faillite des stratégies
amorcées et implémentées depuis un peu
plus d’une vingtaine d'années, contre
justement ce qu'incarnait cet «officier
libre» devenu, dans les années 1950, la
figure de proue du nationalisme dit
arabe, rejoint plus tard, dans les
années 1960-1070 par d'autres, comme
Houari Boumediène. L'ère était au
«socialisme spécifique», au
nationalisme, au non-alignement
vis-à-vis des Etats-Unis et de l'Union
des Républiques Socialistes Soviétiques
(URSS) et à la revendication d'un nouvel
ordre économique mondial. Le
développement passait par le «compter
sur soi» et les perspectives qui se
dessinaient, semblaient le démontrer.
Partis de rien ou presque rien, de
nombreux pays sont parvenus à réaliser
de grands progrès en matière
d'infrastructures de base et de
développement économique et social.
L'espoir était donc permis de refonder
les termes internationaux de l'échange
qui maintenaient la majorité des peuples
de la planète dans un état de
sous-développement, incompatible avec la
prospérité des nations industrialisées,
qui continuaient de piller les richesses
de la planète. Cet état de fait va finir
par aider les limites du «socialisme
spécifique» à se manifester, sans pour
autant empêcher la constitution de
«bourgeoisies» plus ou moins
compradores, plus ou moins inféodées aux
intérêts étrangers. Ce sont elles, qui
vont se poser en alternative au système
«failli». Ce sera par exemple l'Infitah
en Egypte et les «réformes» en Algérie,
sous la baguette sourcilleuse des deux
gardiens de la finance internationale,
le Fonds monétaire international et la
Banque mondiale, sur fond de
bouleversement du rapport de force
international en vigueur, affirmant la
suprématie sans partage des Etats-Unis
et du bloc de pays qu'ils parrainent. Un
nouveau vent va souffler sur la planète,
en général, et sur le monde dit arabe en
particulier. Les «bourgeoisies» se
lancent dans une opération parricide du
système qui les a enfantées, s'attaquant
par la bande ou frontalement à tout ce
qui pouvait l'être. Au-dessus, le FMI et
la Banque mondial prodiguaient
satisfécits ou réprimandes, selon les
rythmes des «réformes» ou devant les
hésitations des gouvernements à
appliquer telle ou telle directive, en
vue de la libéralisation de tel ou tel
secteur économique ou service public.
Des «réformes» et des directives qui
étaient censées corriger les «erreurs»
du passé. Un temps attentiste, les
peuples affectés ont fini par se rendre
compte de l'arnaque politique. La
Tunisie et l'Egypte, maillons faibles de
par la fragilité structurelle de leurs
économies et de par la faiblesse des
ressources naturelles (d'une rente à
l'exportation), vont être les premiers
pays à connaître une révolte populaire,
confuse au départ dans ses objectifs,
mais dont l'organisation et les discours
se précisent au fur et à mesure de
l'évolution des événements. D'où le
recours au seul ancrage disponible, le
temps béni du populisme nassérien qui se
veut exprimer cette ichtirakia
(socialisme) au contenu social minimum
et ce nationalisme qui protège le pays
des manœuvres colonialistes.
Article publié sur
Les Débats
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