Opinion
Egypte : le défi
du mouvement Tamarod
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 7 juillet 2013
La crise égyptienne aura eu le mérite de
mettre en évidence, de manière
éclatante, l’alliance stratégique entre
les Etats-Unis, en particulier, et les
puissances occidentales, en général, et
les Frères musulmans. Du point de vue de
ces derniers cela devrait relever du
parjure, pour ne pas invoquer le
blasphème. Voici un mouvement religieux
qui a construit toute sa rhétorique sur
la haine de l’Occident, allié détesté de
l’ennemi sioniste, qui se découvre,
contre toute attente, représenter
quasiment ses intérêts dans la région.
Il y a eu des précédents. Le Turc, qui
pouvait s’expliquer par le passé
atlantiste du pays. Il y a eu
l’alignement du Hamas sur la politique
des monarchies du Golfe, donc sur celle
de l’Otan, à l’égard de la Syrie, qui
peut beaucoup moins se justifier, sauf
peut-être par le souci de rompre
tactiquement l’isolement qui l’affecte.
Mais quand le bastion de la Confrérie
confirme, il n’y a plus aucun doute sur
la véritable nature des Frères. Après
avoir vu s’écrouler ou reculer leurs
ennemis mortels, le communisme et le
nationalisme, en participant activement
au processus, ils sont appelés à
garantir, par l’exercice du pouvoir, la
destruction de toutes les résistances
qui pourraient se dresser contre
l’hégémonie étatsunienne. En Egypte,
aujourd’hui, se joue donc une partie
décisive. Au cœur des événements, le
maintien et le renforcement de la
mainmise impériale ou son
affaiblissement. A cet égard, les
protagonistes sont principalement la
population déterminée à faire recouvrer
au pays son pouvoir de décision, les
Frères déchus qui ne démordent pas de
revenir aux affaires, pour implémenter
les accords léonins avec les Occidentaux
et l’armée qui se trouve dans la posture
du funambule, qui tente de contrer
l’offensive populaire ou limiter ses
ambitions, tout en préservant ses
relations toujours stratégiques avec
Washington. Mais l’armée reste la seule
force significative, en termes
d’organisation, face aux Frères qui sont
en voie de basculer dans la guérilla,
s’ils n’ont pas déjà opté pour la
violence, et face à la demande
populaire, qui ne se limite plus aux
questions économiques et sociales, mais
pose des exigences politiques. Une
donnée qui complique sérieusement la
tâche du nouveau pouvoir. Jusqu’à quel
point les parties en présence peuvent
aller ? Difficile de conjecturer devant
une situation qui évolue d’heure en
heure. Une seule certitude, le
gouvernement étatsunien n’a pas beaucoup
de prise, ce que révèle sa prudence,
quoiqu’il se range ouvertement du côté
de ses alliés Frères musulmans. Alors
que se décide l’avenir de toute sa
géostratégie, au risque de subir un
recul historique et une remise en cause
de l’ensemble de l’équilibre régional.
Sans compter la reconfiguration du
rapport de force qui en découlera, dans
le traitement de la stabilité des
pétromonarchies et de la « sécurité » de
l’entité sioniste. Jamais dans
l’histoire récente ne s’est posé un tel
cas de figure, en tant que possible
facteur de bouleversement de l’échiquier
mondial et point de départ possible d’un
« printemps » en retour aux couleurs qui
seront loin de susciter les
applaudissements des capitales
occidentales.
Article publié sur
Les Débats
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