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Opinion
Mais qui est donc Barack Hussein Obama ?
Ahmed Bensaada
Montréal, le 20 janvier 2009
Un de mes amis m'a déjà dit que
l'élection aux Etats-Unis était tellement importante pour les
autres pays du monde que tous les citoyens de la planète
devraient y participer. Il n'a pas si tort, si l'on considère
l'impact de la politique américaine sur le reste du monde et en
particulier au Moyen-Orient. Le récent massacre perpétré contre
les citoyens de Gaza en est certainement une des multiples
facettes.
Obama est-il noir ?
Considérée comme l'événement médiatique le plus important depuis
le début du siècle, l'élection du président Obama a suscité
beaucoup d'engouement, d'espoir et de rêves. Un noir à la
Maison-Blanche ! Quel pied de nez à l'Histoire. Celle-là même
qui nous raconte que la demeure du président des Etats-Unis
tient son nom de la couleur blanche de la peinture qui a été
utilisée pour masquer la noirceur des pierres après l'incendie
de 1814, ou celle qui nous fait remarquer que ses fondations ont
été édifiées par des esclaves noirs.
Mais Obama est-il vraiment noir au sens américain du terme ?
Pourquoi le fils d'un Kenyan noir et d'une Américaine blanche
serait-il noir ? A cause de la quantité de mélanine qui lui
donne un teint basané, me dira-t-on. Mais Obama n'est pas un
descendant du célèbre Kounta Kinté. Plus que ça, du côté de sa
mère, il aurait du sang cherokee, français, néerlandais,
allemand, belge et irlandais. Néanmoins, la pigmentation de sa
peau lui a valu d'être le sauveur de tous les Noirs d'Amérique,
voire de la planète entière. Les résultats de son élection sont
éloquents à ce sujet. En effet, Obama n'a pas été élu par les
Blancs : seuls 43% ont voté pour lui contre 55% pour McCain. Par
contre, pour ce qui est des Noirs, 95% d'entre eux lui ont donné
leurs voix. Personne n'a parlé de vote ethnique. Imaginez-vous
ce qui se serait passé si 95% des Blancs avaient voté pour
McCain ?
Obama est-il musulman ?
Durant la (trop) longue campagne électorale présidentielle,
Obama s'est défendu bec et ongles d'avoir une quelconque
relation avec l'Islam. Son second prénom, Hussein, a donné des
armes à ses adversaires qui ont essayé de faire le parallèle
avec feu l'ancien président d'Irak, as de pique du jeu de cartes
bushien. Certains l'ont même surnommé «Barack Mohammed Hussein
Obama», accentuant la consonance musulmane de son nom en y
ajoutant un prénom fictif. Jamais quelqu'un ne s'est soucié de
faire un quelconque lien entre son premier prénom et le nom du
boucher de Gaza, Ehud Barak, ancien Premier ministre et ministre
actuel de la Défense (ou plutôt du génocide palestinien) de
l'Etat hébreu. La consonance hébraïque est beaucoup moins
dérangeante que la musulmane pour un politicien américain. Elle
peut même être un atout. La preuve est sur son site
(http://www.barackobama.com): aucune mention de son prénom
«problématique» n'y est faite alors que Barack figure même dans
l'URL de son site.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche est né à Honolulu
(Hawaï) de l'union d'un Kenyan musulman (mais non pratiquant,
paraît-il) et d'une Américaine agnostique. Si on s'en tenait
uniquement à l'héritage religieux, cela ne fait pas de Barack un
enfant musulman, ni chrétien d'ailleurs. Mais après le divorce
de ses parents, sa mère épousa en secondes noces un autre
musulman, indonésien cette fois-ci. Barack Obama vécut avec sa
famille reconstituée à Djakarta pendant 4 années. Contrairement
à ce qu'on peut lire en gras sur son site officiel : «Obama has
never been a muslim, and is a committed christian» (Obama n'a
jamais été un musulman et est un chrétien dévoué) (1), certains
journalistes prétendent le contraire (2). En effet, à Djakarta,
il fut inscrit comme musulman dans une école catholique où
chaque élève avait le choix des cours de religion : musulmane,
hindoue, bouddhiste, catholique ou protestante. Dans son cas, il
choisit la religion musulmane qui était celle de son beau-père
et il suivit des cours sur cette religion lorsqu'il avait entre
6 et 10 ans d'âge. Ses amis de jeunesse affirment même qu'ils
allaient souvent ensemble à la mosquée pour la prière du
vendredi (3).
Mais pourquoi vouloir à tout prix effacer toute trace d'islamité
pour atteindre la magistrature suprême ? Surtout qu'il est clair
que, maintenant, Obama est un chrétien pratiquant (et
probablement dévoué). Ce mépris envers l'Islam n'est pas nouveau
dans l'histoire des présidents, comme l'illustre si bien celle
de Carlos Menem, président de l'Argentine dans les années 90.
Fils d'immigrants syriens musulmans sunnites, et lui-même de la
confession de ses parents, il se convertit au catholicisme pour
arriver à la présidence, conformément à la constitution
argentine de l'époque. Sa première épouse, Zulema Fatima Yoma,
aussi d'origine syrienne musulmane mais qui a toujours gardé sa
religion, l'a accusé de ne s'être converti que par «opportunisme
politique» (4).
Selon de nombreux analystes, les différentes «intrusions»
islamiques dans la vie politique du président Obama lui ont
causé de multiples soucis lors de la campagne présidentielle. Si
ce n'était la dextérité de ses stratèges en matière de
communication, la situation aurait été tout autre. Son site
«Fight the smears» (5), littéralement «Combattre les
diffamations», en est un bon exemple.
Obama est-il un «ami» de
l'Etat hébreu ?
Dans le chapitre de la politique étrangère du président Obama
consacré à l'Etat hébreu (6), le titre est éloquent, voire
racoleur : «Barack Obama et Joe Biden : un solide dossier de
support à la sécurité, la paix et la prospérité d'Israël». Parmi
les actions de la nouvelle présidence, on peut lire : assurer un
solide partenariat USA-Israël, soutenir le droit à l'autodéfense
d'Israël et soutenir une assistance étrangère à Israël. Dans les
détails du dernier point, on peut lire que le président Obama et
son adjoint s'engagent à toujours fournir l'aide annuelle dans
le domaine militaire et l'assistance économique à Israël. Ils
recommandent fortement l'augmentation des budgets et appellent à
poursuivre la coopération avec Israël dans le développement des
missiles de défense.
Dans une contre-attaque aux insinuations sur ses relations avec
Rashid Khalidi, un historien d'origine palestinienne, le
président Obama déclare sans ambages qu'«il appuie fortement les
relations USA-Israël et qu'il croit que le premier et indéniable
engagement dans le Moyen-Orient doit être la sécurité d'Israël,
le plus grand allié des USA» (7).
Parmi les quelques pays visités par le successeur de G.W. Bush
figurait, bien sûr, l'Etat hébreu où il affirma que Jérusalem
restera la capitale indivisible d'Israël. Cette déclaration est
étonnante dans la mesure où elle fait fi de la résolution 478 du
Conseil de sécurité des Nations Unies qui condamne la décision
d'Israël de proclamer Jérusalem «une et indivisible» comme la
capitale de l'Etat d'Israël. Elle implique aussi que l'Etat
sioniste n'est pas tenu de revenir aux frontières de 1967 (8).
D'autre part, la nomination d'Hillary Clinton au poste de
Secrétaire d'Etat plaide aussi en faveur de cet appui
inconditionnel pour Israël. Cette dernière avait déclaré en
février 2008, lors d'une réunion de l'AIPAC (Lobby américain
pro-Israël) : «Israël est le phare de ce qui est juste dans la
région, dans un voisinage assombri par le mal du radicalisme, de
l'extrémisme, du despotisme et du terrorisme» (9).
Obama est-il un super héros
?
Ce n'est pas une blague : les éditions Marvel, qui publient les
aventures de Spiderman, ont décidé de téléporter Barack Obama
dans le monde des bandes dessinées où il partage les aventures
de son héros arachnéen.
Mais trêve de plaisanteries : Obama sera-t-il capable de régler
les problèmes de ses concitoyens ? Crise financière sans
précédent, faillites à répétitions, chômage grandissant, et j'en
passe. Ses électeurs de couleur qui ont vu en lui un sauveur
pourront-il toujours croire à ses dons supranaturels pour les
sortir de la condition désastreuse dans laquelle ils se trouvent
? Car l'élection de Barack Obama ne doit pas masquer les
chiffres alarmants de la condition des Noirs aux USA.
Sur le plan sanitaire, les récentes statistiques sur le sujet
montrent que la situation des Noirs est préoccupante
comparativement à celle des Blancs : 3 fois plus de mortalité
infantile, 9 fois plus de mortalité liée au sida, 7 fois plus de
mortalité liée aux homicides (10). Sur le plan de l'emploi, le
taux de chômage est en général le double de celui des Blancs.
Sur le plan carcéral, les chiffres sont éloquents : en 2005, le
nombre des hommes noirs emprisonnés était 6 fois plus élevé que
celui des hommes blancs et la population carcérale des USA était
constituée à 40% de Noirs (11). Même pour Spiderman, le contrat
serait difficile à remplir.
En guise de conclusion, il faut croire que le président Barack
Obama, même s'il est considéré comme Noir, ne l'est pas tout à
fait; même s'il est considéré comme chrétien, il ne l'est pas
tout à fait; même s'il est considéré comme un super héros,
l'avenir nous dira s'il l'est au moins un peu. La seule
certitude vient de sa position dans le dossier du Moyen-Orient.
Elle ressemble à celle de tous les présidents qui l'ont précédé
: un allié historique et indéfectible d'Israël.
En ce qui me concerne, «I have a dream». Celui de voir un jour à
la Maison-Blanche un président, quelle que soit sa couleur,
plaider en faveur de la justesse de la cause palestinienne.
À la prochaine élection alors.
Références :
1. Obama-Biden (Page
consultée le 17 janvier 2009). Obama has never been a muslim,
and is a committed christian, [En Ligne]. Adresse URL:
http://www.barackobama.com/factcheck/2007/11/12/obama_has_never_been_a_muslim_1.php
2. Paul Watson (Page
consultée le 18 janvier 2009). Islam an unknown factor in Obama
bid. Campaign downplays his connection during boyhood in
Indonesia, [En Ligne]. Adresse URL:
http://www.baltimoresun.com/news/nation/bal-te.obama16mar16,0,1634059,print.story?coll=bal_news_nation_promo
3. Daniel Pipes (Page
consultée le 18 janvier 2009). Was Barack Obama a muslim ?, [En
Ligne]. Adresse URL: http://www.danielpipes.org/article/5286
4. Shirley Christian (Page
consultée le 16 janvier 2009). Argentine, aiming to please, runs
as a Peron for the 90's, [En Ligne]. Adresse URL:
http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=950DE4D9113FF93BA35752C0A96F948260&sec=&spon=&pagewanted=2
5. Fight the smears (Page
consultée le 16 janvier 2009). Learn the truth about Barack
Obama, [En Ligne]. Adresse URL: http://fightthesmears.com/
6. Document téléchargeable à
partir de l'adresse URL: http://origin.barackobama.com/issues/foreign_policy/#onisrael
7. Fight the smears (Page
consultée le 16 janvier 2009). The truth about Barack Obama and
Rashid Khalidi, [En Ligne]. Adresse URL:
http://fightthesmears.com/articles/24/KhalidiSmear
8. France 24 (Page consultée
le 18 janvier 2009). Obama réaffirme que Jérusalem sera la
capitale d'Israël, [En Ligne]. Adresse URL:
http://www.france24.com/fr/20080723-barack-obama-a-sderot-etats-unis-israel-livni
9. Pepe Escobar (Page
consultée le 17 janvier 2009). And the winner is... the Israel
lobby, [En Ligne]. Adresse URL: http://atimes.com/atimes/Middle_East/JF03Ak01.html
10. Document téléchargeable
à partir de l'adresse URL:
http://ambafrance-us.org/spip.php?article860
11.
Aloys Evina (Page consultée le 18 janvier 2009). Etats-Unis :
les Noirs courent toujours après le rêve américain, [En Ligne].
Adresse URL: http://journalchretien.net/article15801.html
Ahmed
Bensaada, Docteur en physique - Montréal, Canada
Article publié sur
Le Quotidien d'Oran, 20 janvier 2009
Les analyses d'Ahmed Bensaada
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