Opinion
La tragédie de
Gaza à l'aune du « printemps » arabe
Ahmed
Bensaada
Lundi 10 décembre 2012
Il s’agit d’un nouveau rite israélien.
Entre l’« Election Day » et
l’« Inauguration Day », dates phares de
la démocratie étasunienne, Israël marque
cette période et prépare ses propres
élections en bombardant sans vergogne
Gaza et ses habitants. Tel un chasseur
godiche canardant au gros calibre tout
ce qui bouge dans une volière sous
prétexte qu’un volatile l’a
malencontreusement becqueté, l’état
hébreu extermine hommes, femmes et
enfants de Gaza, cette Terre
palestinienne volontairement transformée
en prison à ciel ouvert. Et cela ne
l’empêche pas de se bomber le torse et
de se vanter de ses « hauts faits
d’armes » sous les regards approbateurs
de pays occidentaux qui ne voient, dans
l’utilisation des canardières, que
l’équivalent de coups de becs.
Cependant, entre l’opération meurtrière
israélienne « Plomb durci » (fin
2008-début 2009) et celle étrangement
baptisée « Pilier de défense » qui a eu
lieu récemment, le monde arabe a connu
son fameux « printemps ». Et une
question fondamentale se pose : ce
bouleversement politique considéré par
certains comme fondamental, a-t-il une
incidence quelconque sur le sort des
Gazaouis en particulier et celui de la
cause palestinienne en général?
En dressant la liste des protagonistes
arabes ou musulmans qui se sont
accaparés le devant de la scène
médiatique et qui s’activaient autour
d’une éventuelle médiation entre le
Hamas et Israël, il est possible d’avoir
des éléments de réponse. De ce point de
vue, la bousculade au portillon du Caire
enregistrée le 17 novembre dernier est
assez éloquente.
Ce jour-là, le président égyptien
Mohamed Morsi, le premier ministre turc
Recep Tayyip Erdogan, l’émir du Qatar
Hamad ben Khalifa Al Thani et le chef du
Hamas Khaled Mechaal étaient tous
simultanément dans la capitale
égyptienne. Et cet « alignement des
planètes » était loin d’être fortuit.
L’Égypte de Morsi
Après son élection post-printanière,
Mohamed Morsi, président islamiste « de
secours » à la suite de l’inéligibilité
de Khaïrat al Chater (éminence grise de
la confrérie des Frères Musulmans), sait
pertinemment que le règlement du dossier
gazaoui est, pour lui, d’une importance
capitale à plusieurs égards.
Primo, il lui permettrait de gagner une
crédibilité dans le dossier palestinien,
crédibilité malmenée par la fermeture
récurrente du passage frontalier de
Rafah,
par la destruction des tunnels de
contrebande entre les deux pays
(provoquant pour la première fois l’ire
des Palestiniens depuis que Morsi est au
pouvoir) et surtout par la divulgation
de lettres très « affectueuses » entre
Morsi et le président israélien Shimon
Peres. En effet, cet échange de courrier
en apparence anecdotique a profondément
choqué les Égyptiens qui vouent à ce
qu’ils appellent « l’entité sioniste »
une haine viscérale. Il est vrai que des
expressions telles que «
mon cher et grand ami » et « votre
ami fidèle » [1] adressées par Morsi
à Peres ont de quoi abasourdir, surtout
quand on sait qu’elles ont été écrites
par un membre des Frères Musulmans,
confrérie qui a toujours prôné la lutte
contre l’occupant sioniste. La réaction
de la rue égyptienne a été tellement
vive que la présidence a tout d’abord
prétendu qu’il s’agissait d’un faux [2]
avant de la reconnaître en expliquant
que les expressions utilisées relevaient
du style « protocolaire » (sic) [3].
Les amabilités entre les deux présidents
se sont poursuivies ces jours-ci: le
président Peres a déclaré aux médias
qu’il saluait les « efforts » du
président Morsi « pour
introduire un cessez-le-feu » dans
le conflit à Gaza [4].
Il est à noter que ces familiarités
inter-présidentielles contrastent
nettement avec le comportement naturel
de certaines personnalités égyptiennes
piégées, à la même période, dans une
émission de type « caméra cachée » dans
laquelle on leur faisait croire qu’elles
étaient interviewées par une chaîne
israélienne [5]. Les réactions des
invités ont été invariablement à fleur
de peau, nerveuses et très violemment
anti-israéliennes, ce qui a irrité la
presse de l’état hébreu et a permis aux
accusations d’antisémitisme d’inonder la
blogosphère [6].
En ce qui concerne la destruction, par
l’armée égyptienne, des tunnels de
contrebande dans la région frontalière
entre l’Égypte et Gaza, elle a été
décidée par le gouvernement Morsi à la
suite des attentats meurtriers perpétrés
le 5 août 2012 par un commando qualifié
de djihadiste par les autorités [7].
Cependant, les Frères Musulmans dont est
issu le président Morsi ont accusé le
Mossad d’être derrière ces attaques,
affirmation qui a été reprise par Ismaïl
Haniyeh, le chef du gouvernement du
Hamas à Gaza [8]. Ce qui est très
plausible dans la mesure où la
démolition des tunnels ne sert
principalement que la sécurité de l’état
d’Israël. Le plus étrange dans cette
affaire, c’est la célérité avec laquelle
la décision de détruire ces passages
souterrains a été prise. De là à penser
qu’il y a eu connivence, il n’y a qu’un
pas. D’autant plus que les autorités
israéliennes ont curieusement accepté la
présence de soldats égyptiens dans la
zone « C » du Sinaï, zone normalement
permise à la police égyptienne, mais
totalement interdite aux militaires
égyptiens selon les accords de Camp
David [9]. Rappelons que cette zone est
une bande de terre de la péninsule du
Sinaï qui longe la frontière
israélo-égyptienne et le golfe d’Aqaba,
et qui s’étend de Rafah à Charm
el-Cheikh.
Secundo, Morsi sait pertinemment que des
gesticulations bien orchestrées dans le
conflit israélo-palestinien le
débarrasseraient de cette image négative
de président « roue de secours » sans
envergure et n’ayant que peu de charisme
[10]. C’est ce qui explique, par
exemple, le rappel de l’ambassadeur
égyptien en poste en
Israël et l’envoi de son premier
ministre à Gaza dès le début de
l’agression sur Gaza. Ces décisions
présentées comme « héroïques »
n’expliquent toutefois pas pourquoi il a
fallu attendre des bombardements pour
qu’un haut responsable égyptien se rende
dans l’enclave palestinienne. En effet,
compte tenu du voisinage, de l’affinité
idéologique entre le Hamas et les Frères
musulmans égyptiens et de la liesse
populaire gazaouie à l’annonce de
l’élection de Morsi à la magistrature
suprême, on se serait attendu à ce que
le président égyptien se rende à Gaza
juste après son élection. Mais non :
Morsi ne s’y est jamais rendu alors que
l’Émir du Qatar y a récemment effectué
une visite officielle.
Néanmoins, après la brouille du Hamas
avec les responsables syriens, le
gouvernement égyptien a autorisé
l’organisation palestinienne à procéder
au transfert de son principal siège de
Damas vers le Caire. Cette brouille a eu
pour cause la reconnaissance par le
Hamas de la rébellion syrienne,
coalition essentiellement composée de
combattants islamistes. Bien que la
décision égyptienne d’offrir un bureau
au Hamas ait fait grincer les dents de
nombreux observateurs, elle a été
favorablement accueillie par les Frères
musulmans égyptiens [11]. Ces
observateurs y ont vu un changement
majeur de la politique égyptienne qui
considérait l’OLP (Organisation de
Libération de la Palestine) comme
l’unique représentant légitime des
Palestiniens. Évidemment, il ne pouvait
en être autrement pour la confrérie.
Est-il utile de rappeler que pour sa
première visite officielle, le Premier
ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh,
s’était rendu chez les Frères musulmans
égyptiens? Et que ce même chef de
gouvernement avait déclaré que le Hamas
était
« un mouvement djihadiste des Frères
musulmans avec un visage palestinien » [12]?
Il faut se rendre à l’évidence que dans
le contexte du « printemps » arabe,
cette décision d’héberger le Hamas au
Caire relève aussi bien d’une volonté
d’isolement de Bachar el-Assad par le
président Morsi que du désir égyptien
d’influencer la stratégie future de ce
mouvement islamiste palestinien au
pouvoir à Gaza, de concert avec d’autres
intervenants influents comme le Qatar.
Tertio, le Raïs égyptien n’ignore pas
que l’obtention d’un cessez-le-feu dans
le conflit israélo-palestinien aurait
aussi pour effet de redonner un rôle
central à l’Égypte dans le dossier
palestinien. En outre, il permettrait à
sa diplomatie dans le monde arabe de
redorer son blason, après avoir été
fortement marginalisée, ces dernières
années, au profit de celles de certaines
monarchies du Golfe. Ainsi, outre le
problème de Gaza, la réunion tripartite
Égypte-Qatar-Turquie avait certainement
un autre point dans son agenda : celui
de la Syrie. En effet, deux jours après
la rencontre cairote on apprenait que la
nouvelle coalition de la rébellion
syrienne, constituée à Doha, allait être
basée au Caire [13], alors que le défunt
Conseil national syrien (CNS)
avait son quartier général à Istanbul.
Quatre
jours plus tard, le Qatar annonçait de
son côté la nomination d’un ambassadeur
de la coalition syrienne, organisation
constituée de groupes rebelles
disparates dont il avait, sous la
pression des États-Unis, « contraint »
la coalescence [14].
Notons au passage l’absence remarquée,
dans cette réunion du Caire, de l’Arabie
Saoudite, joueur majeur dans la
« printanisation » de la Syrie. Et cette
absence est loin d’être fortuite si on
en croit la différence du traitement
médiatique de l’agression israélienne
sur Gaza entre la chaîne Qatarie Al-Jazira
et la chaîne saoudienne Al-Arabiya qui
traduit implicitement les divergences
politiques entre ces deux pays dans le
dossier de Gaza [15].
Alors qu’il avait annoncé à maintes
reprises sa volonté de réviser les
accords de Camp David, Morsi a changé
d’avis lorsqu’Israël a opposé une fin de
non-recevoir à cette idée [16]. Cette
apparente « réussite » de Morsi dans
l’arrêt des hostilités entre le Hamas et
Israël lui permet toutefois de justifier
son changement de fusil d’épaule,
confortant ainsi l’idée de la nécessité
pour l’Égypte d’être un interlocuteur
« officiel » et crédible de l’état
hébreu et ce, grâce aux accords signés
entre les deux pays. Dans ce domaine,
Morsi n’est donc pas tellement différent
de son prédécesseur Moubarak, emporté
par la vague printanière.
Mais cette absence de témérité politique
du président islamiste n’a rien changé à
l’ardeur de certains militants
pro-démocratie qui ont présenté, devant
le tribunal administratif du Caire, une
demande d’annulation du traité de Camp
David afin que leur pays
puisse
jouir
d’une pleine souveraineté politique et
militaire dans la péninsule du Sinaï. Le
30 octobre dernier, les plaignants
furent déboutés pour
motif « d’incompétence en la matière »
du tribunal arguant que les domaines de
la politique internationale et de
souveraineté du pays sont de la
compétence du président de la république
[17].
Morsi daignera-t-il un jour aller de
l’avant avec cette promesse qui était
aussi celle de la confrérie dont il est
issu?
Dans le contexte géopolitique actuel, il
est permis d’en douter.
Le Qatar et la « printanisation » des
arabes
Le 23 octobre 2012, soit exactement
trois semaines avant la sauvage
agression israélienne baptisée « Pilier
de défense », l’émir du Qatar effectua
un visite officielle à Gaza. Cette
courte visite, qualifiée d’«
historique » par certains observateurs
car étant la première d’un chef d’état
depuis 2007, année de prise
(démocratique) du pouvoir du Hamas à
Gaza, n’aurait jamais été possible sans
l’approbation de l’Égypte et surtout
d’Israël. Évidemment, ce voyage de
l’émir s’est accompagné d’une généreuse
distribution de pétrodollars, mais il
apparaît clairement que son but n’est
pas uniquement philanthropique. Sinon,
comment expliquer que la générosité
qatarie ne profite qu’au gouvernement
islamiste du Hamas et non à toute la
population palestinienne? Et pourquoi
l’émir du Qatar n’a-t-il pas profité de
l’occasion pour aller en Cisjordanie et
rendre visite à l’Autorité
palestinienne?
D’ailleurs, sur ce point, le Comité
exécutif de l'Organisation de libération
de la Palestine (OLP)
n’a pas du tout apprécié cette
visite. « Les
pays arabes ne devraient pas poursuivre
la politique d'établissement d'une
entité séparatiste dans la bande de
Gaza, qui sert fondamentalement les
desseins israéliens », a-t-il
déclaré [18].
En fait, le comportement qatari à
l’égard de la Palestine est en parfaite
adéquation avec la volonté
d’omniprésence de cet émirat dans la
« printanisation » du monde arabe,
action qui s’articule sur le soutien
indéfectible des islamistes du monde
arabe et en particulier des Frères
musulmans. Cette politique est visible
en Égypte, en Tunisie, en Libye, en
Syrie et actuellement à Gaza.
D’autre part, comme le Qatar possède des
relations privilégiées avec les
États-Unis et nombre de pays occidentaux
(relations qu’il n’a jamais cherché à
dissimuler, bien au contraire), on est
en droit de penser que cette visite a
une portée politique qui servirait
également d’autres intérêts que ceux de
la Palestine. Dans cet ordre d’idées,
Jean-Pierre Bejot se pose les questions
suivantes : « Les
Américains, qui aiment à laisser penser
qu’ils coachent les Qataris, ont-ils
donné leur feu vert à cette visite ?
Cette visite vise-t-elle à isoler la
Syrie et l’Iran qui étaient, jusqu’à
présent, les principaux partenaires du
Hamas ? » [19].
Rachid Barnat va encore plus loin : « A
moins que son "jeu" [celui du Qatar]
n'entre dans la stratégie des
États-Unis: 1- neutraliser les
extrémistes de "l'intérieur", tout en
les soustrayant à une probable
récupération iranienne chiite! Ce que
vient de faire l'émir du Qatar avec le
Hamas de la bande de Gaza qui flirtait
avec le régime des Ayatollahs et
soutenait Bachar el-Assad, l'autre «ami»
des iraniens. Et 2- permettre une
reprise du dialogue entre les
Palestiniens et les Israéliens afin qu'Obama
[…] concrétise son beau
discours-programme lors de sa prise du
pouvoir: en finir avec un problème qui
empoisonne les relations internationales
depuis plus de 60 ans ! »
[20].
À ce sujet, certaines sources bien
informées ont rapporté une discussion
extrêmement intéressante entre Hamad ben
Khalifa Al Thani et
Ismaël Haniyeh, lors de
la visite de l’émir à Gaza. Selon elles,
la rencontre s’est achevée par un
désaccord manifeste car l’aide qatarie
était soumise à des conditions
précises : a) la rupture de l'alliance
avec l'Iran, b) l’ouverture de
négociations avec l’entité sioniste
sans conditions préalables, c)
la reconnaissance d'Israël, d) la
reconnaissance de Jérusalem comme
capitale d'Israël et l’abandon de
la récupération de sa partie
orientale et e) l’annonce de la fin de
la résistance armée et l’ouverture
des négociations comme seule
option de solution [21].
En définitive, il semblerait que la
présence du Qatar au Caire comme
médiateur important dans le dossier
palestinien soit reliée à un double
agenda. Le premier est relatif à la
« printanisation » de la cause
palestinienne en favorisant la
prépondérance du Hamas par rapport aux
autres groupes rivaux de Gaza et en
marginalisant, de facto, l’Autorité
palestinienne en Cisjordanie. Le but
ultime serait-il la constitution d’un
seul gouvernement islamiste dirigé par
le Hamas dans tous les territoires
palestiniens?
Le second est relatif à l’abandon par le
Hamas de sa branche militaire et de son
éloignement de l’ « Iran chiite » qui
lui fournit des armes.
À la lumière de ce qui précède, tout
laisserait à penser à ce que la trame de
fond de ces manœuvres soit la
négociation d’une « paix à rabais » avec
l’état hébreu sous la bénédiction
israélo-américaine.
Et l’émir du Qatar détient une carte
importante pour réussir son projet :
Khaled Mechaal, le chef du Hamas qui
vient de s’aligner ouvertement avec la
politique du Qatar en reconnaissant la
rébellion syrienne, en rompant avec
Bachar el-Assad (qui l’a soutenu et
financé pendant des années) et en
quittant Damas où il vivait pour
s’installer à l'hôtel Four Seasons de
Doha, « sous
protection de ses hôtes qataris »
[22].
L’émir du Qatar ne maîtrise-t-il pas
l’art de débaucher ceux qui deviennent
par la suite ses hommes de main?
Moins d’une semaine après la fin de
l’opération « Pilier de défense », cette
volonté du Hamas de s’éloigner de l’Iran
s’est confirmée par la voix de Moussa
Abou Marzouk, chef adjoint du bureau
politique du Hamas. Depuis ses nouveaux
bureaux du Caire, il déclara que « l’Iran
doit reconsidérer son soutien au régime
syrien » [23].
Ce désir d’affranchissement de l’Iran a
aussi été formulé, mais prudemment, par
Ziad Nakhal, le secrétaire général
adjoint du Jihad Islamique Palestinien.
Tout en reconnaissant que « sans
l’appui militaire de l’Iran, la
résistance palestinienne n’aurait pas pu
combattre depuis de nombreuses années »,
il ajoute que « si
les Arabes veulent remplacer l’Iran, ils
seront les bienvenus et nous
remercierons l’Iran » [24].
Cette invitation s’adresse tout
particulièrement au Qatar. En effet,
comment se fait-il que ce richissime
émirat du Golfe qui arme les rebelles
islamistes dans tous les pays arabes en
quête d’un éventuel « printemps » et qui
soutient leur lutte contre des
gouvernements arabes naguère amis,
puisse demander aux militants du Hamas
d’abandonner leur lutte armée contre
l’état israélien, un état spoliateur,
xénophobe et assassin? Pourquoi, à
l’inverse, n’armerait-il pas les
combattants d’une cause aussi juste et
aussi sacrée que celle de la Palestine
−ne serait-ce que pour qu’ils acquièrent
une force de dissuasion qui leur
permettrait de négocier en position de
force− comme il le fait ouvertement en
Syrie? Bachar el-Assad serait-il un
ennemi et Netanyahou un ami?
La réponse de l’émir du Qatar est sans
équivoque : lors de la conférence de
presse tenue le 19 novembre 2012 (alors
qu’Israël bombardait Gaza), à l’occasion
de la visite à Doha de Mario Monti, chef
du gouvernement italien, il
affirma que « le
soutien du Qatar pour la bande de Gaza
est limité à l'aide humanitaire et à la
reconstruction, mais exclut l'armement »
[25].
Les armes du Hamas et la filière
soudanaise
La nuit qui suivit la visite de l’émir
du Qatar à Gaza (du 23 au 24 octobre
2012), plusieurs avions israéliens
bombardèrent le complexe militaire
soudanais de Yarmouk, situé au sud de
Khartoum. L’attaque ne dura que quelques
minutes, mais les explosions qui
suivirent durèrent plusieurs heures, ce
qui indique que le stock de munitions
qu’il contenait était considérable. Les
photos satellitaires prises avant et
après l’attaque israélienne montrent une
destruction totale du site [26]. Le
ministre soudanais de l’information, M.
Ahmed Bilal Osman, a déclaré que quatre
avions étaient impliqués dans l’attaque
et que des preuves matérielles (des
armes qui n’auraient pas explosé)
accusaient directement Israël [27]. Bien
qu’il ait assuré que ce complexe ne
fabriquait que des « armes
traditionnelles », de nombreux
rapports affirment qu’il servait aussi
de dépôt de missiles iraniens Shehab et
qu’il était très plausible que des
expert iraniens fournissent une
assistance technique pour la fabrication
d’autres type d’armes.
Israël n’a jamais reconnu cette attaque,
mais des responsables israéliens ont
accusé le Soudan d’être un point de
transit névralgique pour l’envoi des
armes iraniennes à destination des
combattants du Hamas [28]. Des missiles
iraniens, tels que les « Fadjr-5 » qui
ont atteint Jérusalem durant le récent
conflit israélo-gazaoui, ont
certainement été acheminés de l’Iran
vers Gaza, en passant initialement par
le Soudan et, par la suite, introduits
dans l’enclave palestinienne via les
tunnels du Sinaï [29]. Ainsi, il est
aisé de comprendre l’intérêt d’Israël
d’impliquer l’Égypte dans la fermeture
de ces passages clandestins.
Mais ce qui attire le plus l’attention
dans cette affaire c’est le fait que les
avions israéliens ont parcouru, dans
cette mission, près de 3600 km
(aller-retour) sans qu’ils ne soient
détectés, ni par le Soudan, ni par les
pays « amis » limitrophes comme
l’Égypte, la Jordanie ou l’Arabie
Saoudite.
Dans un article détaillé sur l’attaque
du complexe soudanais publié par le
Sunday Times, Uzi Mahmaini et Flora
Bagenal expliquent que les avions
israéliens avaient
emprunté un trajet qui longe la
mer Rouge en contournant le système de
défense aérien de l’Égypte [30].
Certains journalistes égyptiens se sont
même demandé si les avions n’avaient pas
transité par l’espace aérien de leur
pays. Dans sa chronique intitulée « Morsi
a-t-il peur d’Israël? », Mohamed
Dassouki Rachdi écrit : «
Je ne mets pas en doute les capacités
égyptiennes et je n’ai pas à le faire,
mais je revendique simplement le droit
du peuple à savoir si son territoire ou
son ciel ont été utilisés dans l’attaque
d’un pays frère ou non ». Et
d’ajouter : « Comment
se fait-il qu’Israël a réussi à mettre
en œuvre l’opération de destruction du
complexe soudanais avec toute
cette précision
et tout ce silence, sans que
l’Égypte ne s’en rende compte ou sans
qu’il y ait de réaction des autorités
égyptiennes? Comment se fait-il que des
avions puissent voler pendant quatre
heures pour détruire une partie d’un
pays frère sans que le sommeil des
responsables égyptiens ne soit
perturbé? » [31]. C’est la
présidence de la République elle-même
qui s’est chargée de répondre (ce qui
révèle la gravité des soupçons), niant
toute utilisation de l’espace aérien
égyptien par les avions israéliens mais
ne démentant pas l’information
concernant l’itinéraire avancé par le
Sunday Times [32].
Si l’hypothèse avancée par le journal
britannique est vraie, il est légitime
de se poser de sérieuses questions sur
les capacités du système de défense
aérien de l’Égypte, sauf si le pays des
pharaons a volontairement fermé les yeux
sur le bombardement du Soudan pour
s’assurer que les armes stockées au
Soudan soit détruites et que les
nouveaux missiles iraniens ne transitent
plus par les tunnels du Sinaï.
Une autre hypothèse concernant le trajet
emprunté par les avions israéliens a été
avancée par Ali Akbar Salehi, le
ministre iranien des Affaires
étrangères. Selon ses informations,
l’escadrille aurait survolé la Jordanie,
l'Arabie saoudite et l'Érythrée avant de
bombarder la cible soudanaise, ce qui
expliquerait le fait que des témoins
soudanais aient noté que les avions
ennemis venaient de l’est
du pays [33].
Quelle que soit l’hypothèse retenue, de
sérieux doutes planent sur l’implication
de différents pays arabes dans
l’agression du Soudan, un pays « frère »
qui est, de surcroît, membre de la Ligue
Arabe.
À moins qu’Israël n’ait utilisé
directement une de ses bases situées sur
l'archipel érythréen des Dahlak [34],
mais cette éventualité n’a été avancée
par aucun observateur.
La Turquie et le néo-ottomanisme
La politique étrangère du premier
ministre turc Recep Tayyip Erdogan et de
son ministre des Affaires étrangères
Ahmet Davutoglu relève plus de
l’opportunisme que de la realpolitik.
Prônant à l’origine la doctrine
de « zéro problème » avec les pays
voisins, cette politique a
progressivement évolué d’une
non-ingérence à une ingérence active à
mesure que le « printemps » arabe
poursuivait sa progression, du Caire à
Damas.
Ainsi, bien qu’il déclarât initialement
« qu’il
n’avait pas non plus l’intention de
s’immiscer dans les affaires intérieures
des pays arabes » [35], Erdogan
s’engagea en faveur des rebelles du
Conseil national de transition libyen
(CNT), oubliant que seulement quelques
mois auparavant, il recevait, à Tripoli,
le prix Kadhafi 2010 des Droits de
l'homme décerné par le colonel Kadhafi
[36]. Mais le glas de la politique de «
zéro problème », qui somme toute n’a été
qu’éphémère, a sonné lorsque le conflit
syrien a éclaté. Sous l’impulsion des
États-Unis, Erdogan a lâché le président
syrien, celui-là même qu’il considérait
naguère comme un « ami », donnant à la
Turquie un rôle de premier plan dans
cette sanglante guerre civile.
Cette position belliqueuse envers un
pays avec lequel la Turquie avait signé
des accords de libre-échange en 2004 et
avait aboli les visas en 2009 (et qu’Erdogan
visita la dernière fois le 17 janvier
2011 à l’invitation de son « ami »
Bachar el-Assad) n’a rien à voir avec
des principes moraux dictés par
l’instauration d’une éventuelle
démocratie en Syrie. Le précédent libyen
est très instructif à ce sujet. La
Turquie veut plutôt surfer sur la vague
de l’éclosion des gouvernements
islamistes qui ont pris le pouvoir dans
les pays arabes « printanisés » et qui
désirent se donner comme modèle l’AKP (Adalet
ve Kalkınma Partisi ou Parti de la
justice et du développement) d’Erdogan.
Le néo-ottomanisme, mis de l’avant par
Erdogan et Davutoglu, se définit comme
la volonté turque de réinvestir, aux
niveaux diplomatique et économique, sa
sphère d’influence ottomane [37]. Ainsi,
la mise en œuvre de cette politique de
reconquête tire profit de l’accession au
pouvoir de l’Islam politique sunnite
dans bon nombre de républiques arabes
tout en présentant la Turquie comme un
modèle de réussite économique réalisée
par un gouvernement islamiste.
Ajoutons à tout cela que la Turquie
s’est constitué un remarquable capital
de sympathie dans le monde arabe en
optant pour des positions
pro-palestiniennes médiatisées et très
populistes. Le clash provoqué par
Erdogan à Davos le 29 janvier 2009 en
est un exemple très explicite [38] et sa
présence à la réunion tripartite
Égypte-Qatar-Turquie du 17 novembre 2012
au Caire rentre très certainement dans
ce cadre.
Mais il faut souligner que pour la
Turquie, être pro-palestinien ne veut en
aucun cas dire être anti-israélien. Et
même si les relations politiques entre
la Turquie et Israël se sont fortement
refroidies depuis l’opération « plomb
durci » et l’affaire de la flottille de
la liberté, dans le domaine militaire ou
économique c’est « business as usual ».
Voici quelques exemples éloquents. Près
d’un an après l’incident de Davos, Ehud
Barak, le ministre de la défense
israélien, a été reçu à Ankara avec
toute sa délégation. À l’issue de la
visite, le ministre turc de la défense a
déclaré que : «
Tant que nous avons les mêmes intérêts,
nous travaillons ensemble, pour résoudre
les problèmes communs. Aussi, nous
sommes alliés, nous sommes des alliés
stratégiques, tant que nos intérêts nous
force à l'être ». De leur côté, des
officiels israéliens ont commenté la
visite en précisant que « malgré
les tensions diplomatiques […], leur
impression est que la visite a été un
succès et que les Turcs sont intéressés
à préserver de bonnes relations »
[39].
En juin 2011, le journal israélien
Haaretz rapporte des « discussions
directes secrètes Israël-Turquie pour
réduire la rupture diplomatique ».
On y apprend que « des
responsables
israéliens et turcs ont tenu des
pourparlers directs secrets pour tenter
de résoudre la crise diplomatique entre
les deux pays »
et que « les
négociations ont le soutien des
Américains »
[40].
Dans un article au titre révélateur « Israël
répare et renvoie quatre drones à la
Turquie en signe possible de
réchauffement des relations »,
publié le 19 mai 2012 par le « Times of
Israël », il est mentionné qu’Erdogan
aurait déclaré qu’« il
peut y avoir des problèmes entre les
gens et des ressentiments, ils peuvent
s'abstenir de se rencontrer. Tout cela
est possible, mais quand il s'agit des
accords internationaux, il y a une
éthique du commerce international »
[41].
Ainsi, il est clair que le
néo-ottomanisme de la Turquie d’Erdogan
et de Davutoglu ne se fait pas au
détriment des relations israélo-turques,
même si les apparences montrent un
discours vindicatif contre l’état
hébreu, discours destiné aux peuples
arabes pour qui la cause palestinienne
est un sujet très sensible.
Obama et les petits plaisirs asiatiques
L’agression israélienne contre Gaza a
coïncidé avec une courte mais agréable
tournée asiatique du président Obama.
Ainsi entre quelques postures et regards
coquins de la séduisante Première
ministre thaïlandaise Yingluck
Shinawatra et quelques bises « volées »
à l’icône de l’opposition birmane Aung
San Suu Kyi [42], le président américain
savourait son séjour pendant que les
bombes israéliennes détruisaient Gaza et
les Gazaouis.
Il faut se rendre à l’évidence que les
Prix Nobel de la Paix ne valent plus
grand-chose par les temps qui courent.
Sinon, comment expliquer l’absence de
compassion de deux lauréats de cette
prestigieuse distinction, en
l’occurrence Obama (2009) et Aung San
Suu Kyi (1991), pour les victimes de
Gaza et qu’aucun appel à la Paix ne soit
lancé, de concert, par ce couple
nobélisé du haut du perron de la
résidence de l’ex-dissidente birmane à
Rangoun? Bien au contraire, Obama n’a
cessé de réaffirmer « le
droit d'Israël à se défendre »,
c'est-à-dire de bombarder à l’arme
lourde tout un peuple assiégé.
Force est d’admettre que le soutien
inconditionnel du président américain à
l’état hébreux est en complète
contradiction avec son fameux discours
du Caire où il prétendait que « depuis
plus de soixante ans, il [le peuple
palestinien] connaît la douleur de la
dislocation. Beaucoup attendent dans des
camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza
et dans des terres voisines de connaître
une vie de paix et de sécurité à
laquelle ils n'ont jamais eu le droit de
goûter. Ils subissent au quotidien les
humiliations […] la situation du peuple
palestinien est intolérable. L'Amérique
ne tournera pas le dos à l'aspiration
légitime du peuple palestinien à la
dignité, aux chances de réussir et à un
État à lui ».
À propos de ce fameux « droit à
l'auto-défense » d'Israël, la
journaliste israélienne Amira Hass le
qualifie de « formidable
victoire de la propagande » en
ajoutant qu’« en
soutenant l'offensive israélienne sur
Gaza, les dirigeants occidentaux ont
donné carte blanche aux Israéliens pour
faire ce qu'ils savent le mieux: se
vautrer dans leur statut de victime et
ignorer la souffrance des Palestiniens »
[43].
Après une semaine de conflit, Hillary
Clinton se rendit en Israël et en Égypte
pour discuter avec les protagonistes du
conflit. Le cessez-le-feu entre le Hamas
et Israël fut proclamé le jour même de
son arrivée au Caire et tout le crédit
fut octroyé au président Morsi. Étrange
consécration pour le président égyptien
qui avait, sans succès, annoncé la fin
des hostilités pour la veille et qu’il
n’avait même pas pu arrêter les
bombardements sur Gaza (ne serait-ce que
momentanément et malgré les promesses
israéliennes) alors que son premier
ministre Hicham Kandil se trouvait en
visite dans l’enclave palestinienne
[44].
Le lendemain de l’annonce du
cessez-le-feu, le New York Times
publiait un article sur les motivations
réelles de l’opération « Pilier de
défense ». Les auteurs, David E.
Sanger et Thom Shanker, nous expliquent
que « pour
Israël, le conflit de Gaza est un test
pour une confrontation avec l’Iran ».
En effet, selon certains responsables
américains et israéliens, cette
opération militaire qui a duré une
semaine est un entrainement pour une
éventuelle future confrontation avec
l’Iran [45]. Ces exercices ont permis
aussi bien d’analyser l’efficacité des
nouvelles roquettes de fabrication
iranienne capables d’atteindre Jérusalem
que de tester la fiabilité du système
anti-missiles « Dôme de fer » mis en
place par Israël. Élément hautement
intéressant : l’article rapporte
également que le bombardement israélien
du complexe soudanais de Yarmouk n’était
que le premier volet d’un plan plus
général d'affaiblissement de l'Iran qui
s’est poursuivi avec le conflit de Gaza.
Force est de constater que, pour Israël,
les
deux attaques ont des objectifs
stratégiques similaires: i) la
destruction de stocks d'armes ennemis et
ii) l'entrainement des troupes
israéliennes pour un éventuel conflit
armé direct avec l'Iran. En effet, la
précision et la maîtrise avec laquelle
l'opération contre le site soudanais a
été menée (distance parcourue,
ravitaillement en vol, brouillage des
communications ennemies, frappes
chirurgicales) prouvent que
l'état hébreu possèdent les
moyens techniques pour opérer une frappe
aérienne sur les sites nucléaires
iraniens qui, eux, sont située à des
distances égales ou inférieures à celle
séparant Israël de Yarmouk. D'autre
part, l'anéantissement des réserves
d'armement destiné ou utilisé
(respectivement au Soudan et à Gaza) par
la résistance palestinienne permet de
minimiser les risques d'ouverture de
fronts de combat supplémentaires si la
décision d'attaquer l'Iran venait à être
prise. Si on ajoute à cela la
participation active de l'Égypte dans la
fermeture des tunnels du Sinaï et
l'implication du Qatar pour persuader le
Hamas d'accepter un changement de
paradigme révolutionnaire, les
conditions d'une attaque israélienne
contre des cibles iraniennes deviennent
de plus en plus favorables pour Israël
et, évidemment, pour les États-Unis,
leur allié indéfectible dans cette
« croisade ».
Effectivement, commentant l'article de
David E. Sanger et Thom Shanker, Lucio
Manisco écrit que « l’enquête
du New-York Times éclaire l’étroite
collaboration entre Washington et
Jérusalem dans les préparatifs de
l’offensive contre Gaza, et dans celle à
plus ample portée prévue dans de
prochains mois contre l’Iran » [46].
Il existe, d’autre part, de fortes
présomptions de collaboration entre ces
deux pays dans l’attaque sur le complexe
de Yarmouk. Ainsi, le quotidien arabe
Al-Hayat a cité des responsables
soudanais qui ont affirmé que les
États-Unis étaient au courant de la
frappe puisqu’ils ont rapidement fermé
leur ambassade à Khartoum par crainte de
représailles [47].
Si on tient compte de tout cela, on
comprend aisément la nonchalance et le
flegme du président Obama lors de son
voyage asiatique : il attendait
patiemment que l’entraînement planifié
par les forces israélo-américaines
prenne fin pour envoyer sa secrétaire
d’État afin de ficeler un cessez-le-feu
entre les belligérants.
On comprend aussi pourquoi Israël,
contrairement à ses habitudes, n’a ni
exercé de représailles à la suite de
l’attentat du 21 novembre 2012 visant un
autobus de Tel-Aviv, ni reporté la date
de la fin des hostilités.
Sunnisme-Chiisme : un schisme politique
La reconfiguration géopolitique de la
région MENA (Moyen-Orient et Afrique du
Nord) à la suite du « printemps » arabe
a provoqué un schisme politique
sunnite-chiite. Ce schisme, qui est
devenu prépondérant dans le conflit
syrien à cause de la diversité cultuelle
de ce pays, a une incidence directe sur
la cause palestinienne. Deux
axes
ont vu le jour dans la région: l’axe
sunnite représenté, entre autres, par
l’Égypte, le Qatar et la Turquie et
l’axe chiite constitué par l’Iran, la
Syrie et le Hezbollah.
Le premier axe possède de très bonnes
relations avec les pays occidentaux
alors que le second groupe représente
actuellement « l’axe du mal » pour ces
mêmes pays.
On voit bien que la réunion du 17
novembre au Caire regroupait
exclusivement des pays sunnites et que
la présence de
Khaled Mechaal avait certainement pour
but de soutirer le Hamas du giron chiite
(en particulier l’Iran) qui lui fournit
ses armes. Il est clair que les
Américains et les Européens jouent sur
cette division pour mieux isoler, et
donc affaiblir, l’axe chiite.
Le schisme politique a son pendant
religieux, moins sournois mais tout
aussi virulent. Ainsi, le
téléprédicateur vedette de la télévision
qatarie Al-Jazira, Cheikh Al-Qardaoui, a
attaqué les Iraniens sur leur rôle en
Syrie, déclarant qu’ils « ont
manqué à leur mission et ils tuent
désormais les musulmans
[i.e.
les Syriens sunnites]
qui ne sont pas du même courant
religieux qu’eux ».
Il appela ensuite tous les pèlerins
musulmans à implorer Dieu pour punir
l’Iran
[48].
On est loin du temps où le Cheikh
fustigeait Israël, priant Dieu de lui
donner l’opportunité, au crépuscule de
sa vie, de « de
tirer une balle sur les ennemis d’Allah,
les juifs »
[49].
Le « printemps » arabe étant passé par
là, son allégeance à l’émir du Qatar ne
lui permet d’émettre des condamnations à
mort qu’envers les Arabes ou les
musulmans : un alignement exemplaire du
politique et du religieux.
C’est pour cette raison sans doute qu’on
ne l’a guère entendu condamner la
sauvage agression israélienne contre le
peuple de Gaza.
En conclusion, on peut affirmer que la
cause palestinienne est indéniablement
influencée par le « printemps » arabe.
Le bloc sunnite représenté par l’Égypte,
le Qatar et la Turquie (pays ayant tous
trois d’excellentes relations avec les
États-Unis) cherche à soustraire le
Hamas de la zone d’influence chiite
iranienne qui lui fournit les armes
nécessaires à sa résistance contre
l’occupation israélienne. La rupture de
Khaled Mechaal avec Bachar al-Assad, son
allégeance envers l’émir du Qatar et le
déménagement du principal siège du Hamas
de Damas vers le Caire sont tous des
signes avant-coureurs qui ne trompent
pas. La seule inconnue dans cette
affaire est la position de la résistance
palestinienne qui œuvre à l’intérieur de
Gaza et qui a un besoin vital d’armes
pour asseoir sa légitimité conformément
à l’idéologie de son mouvement. À moins
que le Qatar ne réussisse le tour de
force de les convaincre d’abandonner les
armes et d’opter pour une vision plus
pacifiste, ce qui pourrait les amener à
s’affranchir de leur étiquette
d’ « organisation terroriste » qui
leur a été attribuée par de nombreux
pays occidentaux et rejoindre la table
de négociations. Cependant, considérant
la faiblesse des résultats obtenus par
l’Autorité palestinienne en adoptant une
telle approche, on peut s’attendre à ce
que le Hamas n’ait pas plus de succès.
Quoi de plus clair que la déclaration de
Leïla Shahid, la déléguée générale de
l'Autorité palestinienne auprès de
l'Union européenne : « Notre
stratégie non-violente face à Israël est
un échec […] on a arrêté la lutte armée
[…] et Israël nous a donné une claque
» [50].
Par ailleurs, et contrairement aux
apparences : i) le gouvernement
islamiste de Morsi semble entretenir des
relations privilégiées avec l’état
hébreu (correspondance affectueuse,
destruction des tunnels du Sinaï, aucune
réaction à l’attaque du complexe
soudanais); ii) la politique néo-ottomaniste
de la Turquie ne se fait pas au
détriment des relations
turco-israéliennes qui demeurent
stratégiques; iii) les relations
israélo-américaines sont au beau fixe
et, sur les dossiers palestinien et
iranien, la collaboration est
exemplaire.
Quant à la Ligue arabe, qui faisait
jadis de la question palestinienne le
cœur de ses préoccupations, elle est
actuellement complètement inféodée aux
intérêts américains. Ce qui fait dire à
certains que cette institution ne peut
réellement décider que des actions qui
nuisent au Monde arabe!
Finalement, il est intéressant
d’observer le mouvement de balancier qui
s’opère en Palestine : à Gaza, tout est
fait pour que le Hamas devienne
fréquentable au grand plaisir d’Israël
et des États-Unis; en Cisjordanie,
l’autorité palestinienne
provoque
l’ire de Tel-Aviv et de Washington en
obtenant, malgré les pressions et les
intimidations, son statut d’État
observateur à l’ONU.
Ce qui nous ramène à la question
existentielle : avant de discuter du
rôle de pays tiers,
peut-il
y avoir une quelconque solution au
problème de la Palestine sans la
réunification politique des deux
territoires palestiniens?
Montréal, le 6 décembre 2012
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5-
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égyptien intitulé « El Hokm baad El
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visionner des extraits d’émissions ayant
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http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/
2012/08/06/003-egypte-deuil-attaque-sinai.shtml
9-
Une excellente carte interactive du
Sinaï peut être consultée sur le site de
la FMO (Force
Multinationale d'Observateurs au Sinaï)
à l’adresse URL :
http://mfo.org/sinai
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Morsi: Brotherhood's backroom operator
in the limelight »,
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http://www.guardian.co.uk/world/2012/may/25/mohammed-morsi-
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http://www.elwatannews.com/news/details/48396
12-
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praising Hitler's antisemitism »,
Vidéo mise en ligne le 10 février 2009,
http://www.youtube.com/watch?v=HStliOnVl6Q&feature=player_embedded
50-
Leïla Shahid, « Notre
stratégie non-violente face à Israël est
un échec »,
RTBF, 18 novembre 2012,
http://www.rtbf.be/info/monde/detail_violences-a-gaza-entretien-exclusif-avec-leila-shahid?id=7876355
Le
sommaire d'Ahmed Bensaada
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