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Opinion
Gros malaise à
l'ONUCI: Les militaires grognent contre Choï
Abdoulaye Villard Sanogo
Jeudi 23 décembre 2010
Ça ne va plus à l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire
(ONUCI). Les fonctionnaires, notamment les militaires qui y
travaillent sous la responsabilité du Sud-Coréen Choï, ne se
sentent plus du tout à l’aise. Ils dénoncent l’entêtement de
leur patron et ses choix multiples qui créent un certain
désarroi en leur sein.
Sur le plan militaire, les collaborateurs de Choï qui ne
cachent plus leur colère, ont le net sentiment de n’être plus
dans le mandat qui les a envoyés en Côte d’Ivoire pour instaurer
et accompagner la paix. Depuis la fin des opérations de vote et
la posture qu’a prise leur premier responsable «en faisant de
l’ONUCI, qui est venue faire la paix, un allié d’une opposition
qui n’a pas de vision claire. Plus grave, les Forces nouvelles
utilisent aujourd’hui tous les symboles de l’ONU pour combattre
leurs frères d’armes. C’est unique au monde et nous ne
comprenons pas cela», clame, dépité, un jeune soldat de l’ONUCI.
«Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, tout le monde n’est pas Choï
et tout le monde ne pense pas comme Choï. Nous sommes des
humains. Nous avons fait les bancs et nous réfléchissons. Tous
les jours, nous sommes interpellés (en tout cas certains d’entre
nous) par des amis, des parents lointains qui habitent ici et
qui pensent que nous voulons les tuer».
Selon le militaire onusien, la réponse qu’ils donnent à tous
ceux qui les interpellent, c’est d’écrire à leurs pays
respectifs pour dénoncer ce qu’ils voient et attirer ainsi
l’attention de leurs présidents de la République. A l’ONUCI, la
déchirure est si profonde aujourd’hui que tous ceux qui estiment
qu’il faut revenir au plus vite à la mission initiale de
l’ONUCI, qu’ils soient administratifs ou militaires, sont
automatiquement écartés. Il en est ainsi de ceux qui ont voulu
parler du rapport des observateurs de l’Union africaine dont des
membres ont été séquestrés à Korhogo, libérés et exfiltrés de la
ville par les militaires de l’ONUCI présents le jour du vote
dans la ville. «Choï ne voulait pas en entendre parler. Il a
banalisé le rapport et l’a jeté loin de lui. Pour lui, ce sont
des conneries», raconte amer, un fonctionnaire.
Un autre militaire raconte aussi qu’on les envoie à la
rencontre de certaines communautés ivoiriennes pour leur dire :
«Soulevez-vous, soulevez-vous !».
Seulement, quand ils y vont, ils trouvent sur place des gens
paisibles qui vaquent à leurs occupations. De sorte qu’il leur
est difficile voire impossible d’accomplir la tâche. Evidemment,
certains le font, mais pas tous. Aujourd’hui, il n’y a plus de
doute dans l’esprit des collaborateurs de Choï qu’il fait du
départ de Laurent Gbagbo du pouvoir son affaire personnelle. Au
point où, s’insurge un fonctionnaire de l’ONUCI, les rumeurs de
charnier que l’on entend ici et là sont mal gérées par leur
patron. C’est d’ailleurs cette affaire de charnier qui a fait
déborder le vase. C’est que les orientations que leur donne la
hiérarchie vont dans un seul sens, alors que ces rumeurs
proviennent de tous les camps. «Décidément, notre patron veut
faire de la Côte d’Ivoire un Irak ou un Afghanistan où tout est
sens dessus-dessous», râle le fonctionnaire.
Un militaire avec qui nous avons parlé au téléphone va plus
loin dans la dénonciation de l’attitude du patron de l’ONUCI.
«En faisant utiliser les symboles des Nations unies aux
militaires des Forces nouvelles, nous oublions qu’en Côte
d’Ivoire, ils se connaissent. En plus, ils ont appris à se
connaître davantage dans le CCI. Donc, les hommes du général
Mangou savent si ce sont les FN que nous avons habillés en
uniforme onusienne».
Il prend un autre exemple : «Regardez la position dans
laquelle nous sommes aujourd’hui. C’est toujours les mêmes que
nous sommes obligés de garder. Nous sommes face à face depuis
quelque temps avec les FDS avec lesquelles nous avons travaillé
en parfaite harmonie pendant longtemps. Et on n’a jamais été si
proche de la paix. A cause des pressions qui s’exercent sur
notre patron, nous avons pris un virage à 190°. Les gens nous
voient tous les jours assis dans les camions, face-à-face, en
train de patrouiller, mais on ne voit pas les choses de la même
manière».
Sur le plan de l’administration, les choses se passent aussi
de la même manière. Depuis que les tensions sont devenues
quelque peu vives, la discrimination qui fonde la philosophie du
Sud-Coréen s’est accentuée. Seuls les expatriés bénéficient de
faveurs. Les Africains et, surtout, les Ivoiriens sont mis à
l’écart. Pour être bien vu, il faut afficher farouchement son
anti-gbagboïsme. C’est, selon une source bien introduite, ce qui
explique la posture de «radio mille collines» adoptée par
ONUCI-FM, la radio des nations unies en Côte d’Ivoire qui lance
journellement des messages de haine, de division,
d’affrontements entre les Ivoiriens. Plus grave, sur instruction
de Choï, la radio lance des appels à l’insurrection au sein de
la population. Elle relaie même des propos irrévérencieux, des
injures à l’endroit des autorités de ce pays.
A l’ONUCI, il ne fait pas bon de parler de respect des lois
ou du mandat qui l’a créée en Côte d’Ivoire. Il ne faut surtout
pas se faire passer pour un défenseur de la légalité. Si vous
faites l’erreur, au cours d’une réunion, pour dire que l’ONUCI
n’a pas mandat de dire que tel ou tel a gagné l’élection
présidentielle, vous êtes banni ou même excommunié du centre des
opérations. D’ailleurs, Choï ne reçoit plus ses instructions de
l’ONU, mais bien de l’ambassadeur de France. Il a écarté
plusieurs responsables pour ne gérer la crise qu’il a créée
qu’avec la Licorne.
La position de Choï dans la crise ivoirienne gêne beaucoup
nombre de ses collaborateurs qu’il a obligés à se terrer parce
qu’ils ont eu le malheur de demander la stricte application des
termes du mandat qui fonde l’ONUCI. La grogne contre ses
méthodes a commencé. Elle continuera certainement puisqu’on
annonce même des démissions dans les jours et semaines à venir.
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