EODE THINK
TANK
Rapport Guinée
(1ère partie):
Des élections législatives 2013 sous
haute tension
Luc
Michel
Lundi 30 septembre 2013
Luc MICHEL pour EODE Think Tank /
avec AFP – RFI – Le Figaro - EODE Zone
Africa / 2013 09 29 /
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Elections législatives en Guinée
(Conakry) – ne pas confondre avec la
Guinée Bissau et la Guinée Equatoriale
(anciennes colonies portugaises) - ce 28
septembre 2013, sous tension et dans un
climat politique tendu, dans cette
ex-colonie française indépendante en
1958 et habituée à l'instabilité
politique et militaire …
Plus de 5 millions d’électeurs doivent
choisir leurs députés. Au total, 1.714
candidats, parmi une trentaine de
listes, en compétition pour 114 sièges à
pourvoir, sur un seul tour.
DES ELECTIONS ATTENDUES … ET DEJA
REPORTEES
Le scrutin a été repoussé plusieurs
fois, en raison d'absence de consensus
entre pouvoir et opposition, notamment
sur le fichier électoral. Le processus
électoral a été grippé pendant plusieurs
mois par un bras de fer entre les deux
camps, qui a parfois conduit à des
manifestations marquées par des
violences meurtrières.
Les élections législatives en Guinée,
prévues quatre jours plutôt, avait
encore été reportées à ce 28 septembre,
pour permettre de procéder à des
"ajustements", après des concertations
avec la classe politique guinéenne,
selon un responsable de l'ONU. Elles ont
été reportées plusieurs fois, pour être
finalement fixées à samedi, à cause des
divergences entre le pouvoir et
l'opposition, cette dernière ayant
menacé de ne pas y participer si des
corrections n'étaient pas apportées
notamment sur le fichier et le découpage
électoraux, parmi les points
fondamentaux de désaccord entre les deux
camps. L'opposition soupçonnait le
fichier électoral d'avoir été "gonflé"
en faveur du pouvoir dans les zones
considérées comme pro-Condé et réduit
dans des zones réputées fiefs des
opposants. Autre point de désaccord: la
Céni, jugée partiale par les opposants.
L'annonce du dernier report avait été
faite devant la presse à Conakry, la
capitale, par Saïd Djinnit, représentant
spécial du secrétaire général de l'ONU
pour l'Afrique de l'Ouest. Ètaient
également présents les responsables de
l'opposition, dont les ex-Premiers
ministres Cellou Dalein Diallo et Sidya
Touré, ainsi que de la majorité
présidentielle, dont Saloum Cissé et
Kiridi Bangoura.
La décision avait été alors saluée dans
la salle par des applaudissements et des
cris de joie, signe d'une décrispation
de la situation alors que quelques
heures auparavant, majorité et
opposition étaient divisées sur la
question d'un report. A l'issue de
"consultations" entre la classe
politique guinéenne et des représentants
de la communauté internationale, dont
l'ONU, "il a été convenu qu'un délai
exceptionnel de quatre jours soit
accordé à la Céni (Commission électorale
nationale indépendante) pour procéder
aux ultimes ajustements avant la tenue
du scrutin", avait expliqué M. Djinnit,
également "facilitateur" international
dans ce dossier.
"Au nom de la facilitation et de la
communauté internationale, il me plaît
d'annoncer aux Guinéens et aux
Guinéennes que toutes les parties
prenantes dans le processus électoral
ont souscrit à cet engagement. Nous
sommes convaincus qu'avec cet accord,
rien ne pourra plus entraver la tenue
des élections législatives dans des
conditions libres, transparentes, et
inclusives le samedi 28 septembre 2013
en Guinée et à l'étranger", avait-il
déclaré. Il avait encore invité "toutes
les autorités nationales concernées à
prendre les actes nécessaires à la mise
en oeuvre immédiate de cet accord".
LES ENJEUX DE CES LEGISLATIVES
GUINEENNES
Ce scrutin a été repoussé depuis près de
trois ans en raison d'absence de
consensus entre pouvoir et opposition.
Ces législatives devaient en effet être
organisées dans les six mois suivant
l'investiture, en décembre 2010, d'Alpha
Condé, le premier président
démocratiquement élu dans le pays, après
deux ans de transition agitée sous la
coupe de militaires putschistes.
Le scrutin ne se déroule pas dans la
plus grande sérénité : les élections ont
été à nouveau repoussées de 4 jours
après des émeutes dans la banlieue de
Conakry la semaine dernière.
D’autre part, la presse faisait état
cette semaine d’un possible coup d’Etat
sur fond d’exploitation du site du
Simandou, le plus grand gisement ferreux
encore non exploité dans le monde.
« Le scrutin, reporté maintes fois, se
tient samedi sur fond de tensions
politiques et de rumeurs de coup
d'État », commente Le Figaro (Paris).
« C'est pour achever un très long
processus que la Guinée organise samedi
pour la première fois des élections
législatives libres ». «Cela doit mettre
un terme à la transition commencée à la
mort du président Lassana Conté en
2008», explique le politologue Mamadou
Alliou Barry.
Le Figaro dresse un bon constat de la
situation politique : « Ce scrutin suit
la victoire d'Alpha Condé en novembre
2010, lors d'un vote historique libre et
à peu près transparent. Le délai entre
les deux étapes montre l'extrême
difficulté à mettre en place des
élections ouvertes, dans un pays qui
n'avait jamais connu jusque-là que la
dictature. Les difficultés
d'organisation sont l'une des raisons de
ces retards. Mais surtout la
présidentielle, extrêmement serrée,
entre l'opposant de toujours Alpha Condé
et l'ancien premier ministre Cellou
Dalein Diallo, a laissé des traces. «Cellou»,
le leader de l'UFDG (Union des forces
démocratiques de Guinée) n'a jamais
accepté sa défaite face au chef du RPG
(Rassemblement du peuple de Guinée).
Sorti très largement en tête du premier
tour, Cellou Dalein Diallo avait été
battu sur le fil. Samedi, en dépit de
plus de 1 700 candidats, l'élection
prend essentiellement les allures d'un
nouveau duel entre ces deux formations
et entre ces deux hommes, dans un climat
très tendu. »
CE 28 SEPTEMBRE: UNE FORTE AFFLUENCE ET
DES DYSFONCTIONNEMENTS SIGNALES
Les premières élections législatives
libres en Guinée depuis 2002 se sont
donc enfin tenues ce samedi 28
septembre. Cinq millions d'électeurs
étaient appelés aux urnes pour choisir
114 députés. Les bureaux de vote ont
fermé et le dépouillement a commencé.
« Tout s'est passé dans le calme, malgré
quelques dysfonctionnements techniques ;
la participation semblait au
rendez-vous » commente RFI. La
Commission électorale nationale
indépendance annonçait une participation
de 40% dans l'ensemble du pays à la
mi-journée. Les premiers résultats
provisoires étaient attendus dans les
trois jours à venir.
A Conakry en ce jour de vote à noter
« la belle affluence dans les bureaux de
vote » selon RFI. « Les Guinéens se sont
déplacés en masse et globalement dans le
calme. Il y a certes eu quelques
incidents, notamment des électeurs
frustrés de ne pouvoir voter parce
qu’ils n’avaient pas reçu leur carte
d’électeur ».
Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est
que la commission électorale, la Céni, a
passé la journée à corriger des
dysfonctionnements.
En dépit du calme ayant généralement
prévalu lors du scrutin, des problèmes
liés à l'organisation du vote se sont
posés dans plusieurs bureaux. Des
représentants de l'opposition, des
observateurs et la presse locale ont
fait état de difficultés liées à
l'organisation du vote.
Dans plusieurs bureaux de vote à
Conakry, des problèmes matériels liés
notamment à l'absence ou la qualité de
l'encre indélébile et d'enveloppes.
Plusieurs personnes munies de leur
récépissé d'inscription sur les listes
électorales n'ont notamment pas pu voter
à cause de la décision prise par la Céni
de ne pas les accepter comme sésame
électoral.
"C'est à Conakry que nous avons
rencontré le plus grand nombre de
problèmes. Nous avons essayé de les
corriger", a déclaré samedi soir le
directeur de la communication de la Céni,
Alpha Yéro Condé, lors d'une conférence
de presse à Conakry, sans s?appesantir
sur ces "problèmes".
RFI dressait le constat de ces
dysfonctionnements : « En banlieue de
Conakry notamment beaucoup de bureaux
manquaient encore - le samedi matin - de
matériel. A Sangoya, Wanindara, Simbaya,
les bureaux de vote ont été livrés dans
l’après-midi, mais on a parfois dû
improviser et, par exemple, partager des
bulletins de vote entre plusieurs
bureaux de vote pour pallier les
manques. En province, certains opposants
signalent des bureaux de vote trop
éloignés des électeurs ou même carrément
introuvables et des dérogations
excessives ainsi que des enveloppes
manquantes ».
Un accouchement délicat donc pour
ces élections législatives, mais une
participation qui, notamment à Conakry,
devrait être plus qu’honorable.
Plus d'une centaine d'observateurs de
l'Union européenne et l'Union africaine
supervisaient le vote, dont les
résultats provisoires doivent être
annoncés par la Commission électorale
nationale indépendante (Céni) dans les
72 heures suivant le scrutin, d'après
les dispositions légales.
Le comptage de voix se poursuivait ce
dimanche en Guinée au lendemain
d'élections législatives qui se sont
déroulées dans le calme et ont mobilisé
les électeurs en dépit de craintes de
violences. Ces inquiétudes de troubles
n'étaient toutefois pas dissipées, face
aux réactions imprévisibles que pourrait
susciter l'annonce des résultats
officiels provisoires, prévue pour le 2
octobre par la Commission électorale
nationale indépendante (Céni).
"Le comptage des voix ne devrait pas
durer. Il a commencé et des bureaux de
vote ont même commencé à donner des
résultats" partiels provisoires, à
Conakry et en province, a affirmé
dimanche à l'AFP un responsable de la
Céni. La commission électorale a annoncé
qu'elle communiquera des "résultats
partiels provisoires" lundi et mardi, et
puis les chiffres "totaux provisoires"
mercredi 2. Selon la loi, les résultats
définitifs doivent être donnés par la
Cour suprême dans les dix jours qui
suivent le scrutin.
UNE PARTICIPATION MASSIVE
Selon la Céni, la participation au
scrutin de samedi a été importante, avec
"une tendance de plus de 80%". "Nous
avons relevé le défi de la participation
massive. (...) Nous avons passé une
journée de vote calme. Il n'y a pas eu
de +clash+ (heurts), les Guinéens se
sont bien comportés", s'était réjoui le
responsable de la Communication de la
Céni, Alpha Yéro Condé, lors d'une
conférence de presse samedi soir à
Conakry. Plus de cinq millions
d'électeurs étaient appelés aux urnes.
UN CLIMAT DE VIOLENCE MEURTRIERE SUR
FOND DE TENSIONS ETHNIQUES ET
RELIGIEUSES
La contestation politique a été marquée
ces derniers mois par plusieurs
manifestations qui ont dégénéré en
débordements meurtriers.
Des incidents entre des militants du
Rassemblement du peuple de Guinée (RPG,
pouvoir), qui dirige la coalition
RPG-Arc en ciel, et du principal parti
d'opposition, l'Union des forces
démocratiques de Guinée (UFDG) de
l'ex-Premier ministre Cellou Dalein
Diallo, avaient fait les 22 et 23
septembre au moins un mort et plus de 70
blessés, selon un bilan officiel. Ces
heurts avaient opposé de jeunes Malinké,
ethnie du président Condé, à de jeunes
Peuls, ethnie de Cellou Dalein Diallo,
dans un pays où les divisions politiques
recoupent souvent les dissensions
ethniques.
Le Figaro rappelle le poids de ces
rivalités ethniques sur la politique
guinéenne : « Derrière les acronymes
politiques, c'est en fait une lutte
interethnique qui se joue entre les deux
groupes dominants: les Malinkés d'Alpha
Condé et les Peuls de Cellou Dalein
Diallo. En deux ans, ces tensions ne se
sont en rien apaisées. Ainsi, l'UFDG
soupçonne le pouvoir de vouloir
organiser des fraudes. Le parti rejette,
en termes violents, la commission
électorale (Céni), pas assez
indépendante et professionnelle à ses
yeux. Non sans raison. «La Céni est
inquiétante et n'a pas vraiment donné de
gages de compétence», affirme un
diplomate. »
« Ces derniers jours, précise encore Le
Figaro, des heurts ont opposé forces de
l'ordre et militants de l'IFDG, faisant
un mort et 70 blessés. Et les partisans
de Cellou Dalein Diallo ne cessent de
dire qu'ils sont prêts à s'opposer par
la force à une élection qu'ils
jugeraient frauduleuse. Le gouvernement
martèle qu'il n'entend pas laisser la
violence s'installer. Ces rivalités ont
totalement balayé les programmes, et
notamment les pistes pour développer la
Guinée, l'un des pays les plus pauvres
du monde alors qu'il dispose de réserves
de bauxite et de fer estimées à
plusieurs dizaines de milliards
d'euros. »
A cela s’ajoute encore des tensions
religieuses entre chrétiens et
musulmans.
La Guinée, pays francophone de quelque
11 millions d'habitants, compte près de
90% de musulmans, et environ 10% de
chrétiens, à côté d'adeptes de croyances
traditionnelles.
A la veille de ce scrutin, deux chefs
religieux, l'un musulman, l'autre
chrétien, ont appelé vendredi à des
élections législatives apaisées : « Mon
souhait pour mon pays est la paix. (...)
Il faut que le Guinéen se ressaisisse et
pense à son pays », a affirmé
l'archevêque de Conakry, Mgr Vincent
Coulibaly. « J'appelle tous les acteurs
politiques à mettre la Guinée devant »,
avant leurs intérêts, a déclaré le grand
imam de Conakry, Mamadou Saliou Camara.
La peur restait de voir de nouvelles
violences reprendre à l’occasion de ces
élections. Après le jour de vote de
samedi marqué par une suspension des
activités, un ralentissement de la
circulation notamment, la vie avait
timidement repris dimanche matin, jour
non ouvrable en Guinée …
Luc MICHEL / EODE Press Office /
(infographie AFP)
http://www.eode.org/eode-think-tank-rapport-guinee-1ere-partie-des-elections-legislatives-2013-sous-haute-tension/
# A lire sur la
Guinée (Conakry) :
Alain Cournanel, L’Economie politique de
la Guinée, Editions
Le dossier Afrique noire
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