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Cher Docteur Yann et Mister Moix :
auquel des deux toi faut-il pardonner?
© AFP
Mardi 3 septembre 2019
TRIBUNE par : Simon Assoun (UJFP et
membre du NPA) Maxime Benatouil (UJFP)
Youssef Boussoumah (CCIPPP/PIR) Houria
Bouteldja (PIR) Joëlle Marelli (UJFP)
Héla Yousfi (sociologue)
La mise en scène
était parfaitement huilée. À peine
arrivé sur le plateau d’ONPC, tu te
refuses, homme d’honneur que tu es, à
faire la promotion de ton nouveau livre
sans présenter d’abord tes excuses à la
« communauté juive » et à ton « ami »
Bernard-Henry Levy. Il faut dire que tes
dessins et textes de jeunesse pour le
torchon fasciste « Ushoahia » ont été
exhumés. Antisémitisme, négationnisme :
un passé qui fleure bon l’extrême droite
européenne que tu as longtemps côtoyée.
« Toute (ta) vie,
(tu as) essayé de (t)’arracher à ce trou
noir, à cette espèce d’attraction
maléfique » - c’est ainsi que tu
caractérises ton antisémitisme passé. Tu
es même devenu le « meilleur défenseur
du judaïsme », confies tu à Libération.
Tu as « appris l'hébreu », et même le
Talmud. La belle affaire ! La langue
hébraïque aurait-elle ce pouvoir
philosophal de transformer
l'antisémitisme en judéophilie ? Ne
sais-tu pas que certains des plus
illustres racistes ont aussi été les
plus grands orientalistes ? Que dire de
tes nombreuses démonstrations d’adhésion
pleine et entière à la politique
coloniale de l'Etat d'Israël, dont tu
qualifies la création de « plus belle
épopée de l'histoire de l'humanité ».
Elles nous ont fait grande impression.
Comme elles doivent combler le cœur de
BHL qui s’empressera de récompenser ton
acte de contrition dans son dernier
billet.
Permets-nous de
nous interroger ? Quel hébreu as-tu
appris ? Celui, moderne, de l’État
d’Israël dont tu n’as eu de cesse de te
faire le porte-drapeau dans le mépris le
plus total des crimes contre l’humanité
qu’il commet régulièrement à l’endroit
des Palestiniens, ou celui,
traditionnel, de la pratique liturgique
d’une partie de ceux dont tu as moqué la
tragédie ? Cette question, aussi
rhétorique soit-elle est un beau
raccourci de ta trajectoire. Du mépris
haineux des victimes juives des camps de
la mort dont se glorifiait ton fanzine
négationniste tu serais passé à l’amour
inconditionnel des Juifs par le
truchement d’Israël. Sans déconner ?
À y regarder de
plus près, ton parcours célébré comme la
preuve d’un spectaculaire et inédit
« repentir » par ton « ami » BHL,
témoigne au contraire d’une profonde
cohérence. Penser pouvoir racheter sa
haine des Juifs en Europe par un soutien
indéfectible à la politique de l'Etat
d'Israël participe d'une gestuelle
antisémite bien rodée en Europe depuis
la fin de la seconde guerre mondiale.
Ton antisémitisme, si tu l’as converti
en un sionisme radical, n’a pas disparu
pour autant : tu as simplement
transformé la question juive, celle qui
obsédait le jeune Yann, en question
palestinienne qui agite aujourd’hui le
Moix quinqua. Ainsi en 2010 pour faire
oublier tes frasques passées tu t’es mis
à traquer l'expression
pro-palestinienne. C'est alors que
soutenu par ton inénarrable copain tu
avais attaqué le film The Time That
Remains, du réalisateur palestinien Elia
Suleiman ainsi que les cinémas Utopia
qui avaient osé distribuer celui-ci, les
qualifiant pour cela de "visage nouveau
de l'antisémitisme contemporain" et
assimilant la présentation de ce film à
du Robert Brasillach. Un acte délirant
pour lequel tu avais été condamné en
justice.
Mais dans le fond à
qui s'adresse ton « pardon » ?
Certainement pas à ceux indifférents
quant au devenir de l'Etat d'Israël. Ou
bien de ceux qui y sont hostiles, comme
l'étaient nombre de ceux dont tu
souillais la mémoire. Quelle est cette
« affection » que tu dis sincère pour la
« communauté juive » consistant à
assimiler sans cesse les Juifs de France
à Israël, en leur aliénant en permanence
le pays où ils vivent. On s'y perd,
Yann : où veux-tu en venir ? Ton
« philosémitisme »1 semble bien frelaté.
Il ressemble, à s'y méprendre, à cette
forme réinventée d'antisémitisme qui
aime les Juifs dans l'unique mesure où
il s'agit de leur faire porter une part
de la modernité occidentale, après
qu'ils en aient été les victimes.
« Je me
vomissais », as-tu déclaré d’un air
hagard à l’animateur de l’émission.
N’as-tu pas affirmé quelques minutes
plus tard que « (tu) avais essayé de
(te) racheter toute ta vie, de combattre
la xénophobie » ? Excuse-nous de te dire
que tu as encore du chemin à faire. En
effet tu ne demandes pas pardon aux
Ethiopiens, même si tu la déplores, pour
cette caricature charmante où avec
finesse et humour, tu dessines un enfant
victime de la famine faisant une
fellation à l’Abbé Pierre ? Cette
abjection se passerait-elle d’un examen
de conscience ? Tu implores un pardon,
mais es-tu sûr de l'avoir toi-même
concédé à d'autres ? En effet, nous
n’avons pas oublié comment tu as chaussé
avec brio les pataugas
néo-conservatrices des Zemmour et autres
Polony dans l’émission de Ruquier ? Te
souviens-tu par exemple comment tu as
laissé traîner dans la boue la jeune
chanteuse Mennel lors de l’émission
d’ONPC du 24 février 2018, contribuant
ainsi à briser sa carrière ?
Tu es venu à
l’émission de Ruquier quémander
l’absolution. C’est chose faite. Le
sérénissime éditorialiste du Point te
l’a bien volontiers accordée en échange
de tes gages.
Une démarche aussi suspecte que
l’indulgence papale obtenue jadis à prix
d’or par les chrétiens fortunés pour la
rémission de leurs péchés…Pour ce qui
nous concerne, nous ne pardonnons ni à
l’ancien Moix ni au nouveau car comme le
dit le chanteur de charme : « tu n’as
pas changé ».
Simon Assoun (UJFP
et membre du NPA)
Maxime Benatouil (UJFP)
Youssef Boussoumah (CCIPPP/PIR)
Houria Bouteldja (PIR)
Joëlle Marelli (UJFP)
Héla Yousfi (sociologue)
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