Moyen-Orient : Kofi Annan
adresse un 'message franc' à toutes les parties
12 décembre 2006 – Le Secrétaire
général a saisi aujourd'hui l'occasion de son dernier exposé
au Conseil de sécurité sur la situation au Moyen Orient pour
demander la relance du processus de paix, soulignant les
aspirations légitimes des deux parties, lançant un
avertissement à leurs opposants respectifs et abordant le rôle
de l'ONU et du Quatuor pour poser les conditions d'un règlement
final au conflit.
« Je suis convaincu que les aspirations fondamentales des
deux peuples peuvent être conciliées », a déclaré le Secrétaire
général devant le Conseil de sécurité, réuni pour une séance
publique consacrée à la situation au Moyen-Orient, qui
concerne traditionnellement le conflit israélo-palestinien et
la situation au Liban.
« Je crois au droit d'Israël à exister et à bénéficier
d'une sécurité pleine et entière et permanente – à
l'abri du terrorisme, des attaques et mêmes des menaces
d'attaques », a-t-il affirmé.
« Je crois au droit des Palestiniens à réaliser leur
droit à l'autodétermination. Ils ont été misérablement
exploités et maltraités, par Israël, par le monde arabe,
parfois par leurs propres dirigeants et même en certaines
occasions par la communauté internationale. Ils méritent de
voir réaliser leur simple aspiration à vivre dans la liberté
et la dignité », a-t-il insisté.
« Peut-être que la plus grande ironie de cette triste
histoire est qu'il n'y a pas de remise en cause sérieuse du
cadre général d'un règlement global », a-t-il ajouté.
« Les parties elles-mêmes [?] ont été très près de
combler le fossé qui les sépare [?] Elles ont toutes les
raisons d'essayer de nouveau », a-t-il estimé.
« Il nous faut d'urgence un nouvel élan pour la paix »,
a souligné Kofi Annan, avant de rappeler les éléments d'un
règlement global de la crise.
D'abord, « deux Etats, Israël et la Palestine, à l'intérieur
des frontières reconnues et négociées sur la base de celles
du 4 juin 1967. La paix avec les autres voisins d'Israël,
c'est-à-dire le Liban et la Syrie. Des relations
diplomatiques et économiques normales ».
Cela suppose aussi « qu'Israël et la Palestine fassent de
Jérusalem leur capitale internationalement reconnue et
garantissent l'accès de tous à leurs lieux saints, quelle
que soit leur religion ».
Enfin, il faut trouver une « solution qui respecte le
droit des réfugiés palestiniens qui soit cohérente avec la
solution des deux Etats et le caractère des Etats de la région
».
Au Quatuor, le Secrétaire général a recommandé de «
faire plus pour restaurer la confiance dans son propre sérieux
et dans sa détermination ainsi que dans la possibilité de
mise en oeuvre de la Feuille
de route », notamment en « institutionnalisant ses
consultations avec les partenaires régionaux ».
« Il est temps que le Quatuor soit plus clair dès l'abord
sur les paramètres d'un accord final », a-t-il affirmé.
Sur le rôle de l'ONU, Kofi Annan a souligné que « les
mesures de certains organes des Nations Unies pouvaient être
eux-mêmes contreproductifs ».
« Le Conseil des droit de l'homme, par exemple, a déjà
tenu trois sessions extraordinaires sur le conflit israélo-palestinien.
J'espère qu'il fera attention à traiter la question avec
impartialité et à ne pas monopoliser son attention aux dépends
d'autres situations où sont commises des violations aussi
graves si ce n'est pire », a-t-il redit.
« Dans la même veine, ceux qui se plaignent de ce que le
Conseil de sécurité est coupable d'appliquer une politique
de 'deux poids deux mesures' – en imposant des sanctions à
des Etats arabes et musulmans mais pas à Israël – feraient
bien attention à ne pas utiliser deux poids deux mesures dans
l'autre direction, en jugeant Israël à l'aune de normes
qu'ils refusent d'appliquer à d'autres Etats, aux adversaires
d'Israël ou à eux-mêmes », a-t-il affirmé.
« Certains ressentent peut-être une satisfaction à voir
l'Assemblée générale voter de façon répétée des résolutions
ou tenir des conférences condamnant le comportement d'Israël.
Mais il faudrait se demander si ces mesures apportent un
quelconque répit ou bénéfice aux Palestiniens », a-t-il
fait remarquer.
« Il y a eu des décennies de résolutions [?], une prolifération
de comités spéciaux, de sessions extraordinaires et de
divisions et unités du Secrétariat », a-t-il rappelé.
« Est-ce que tout cela a eu un quelconque effet sur les
politiques d'Israël, à part renforcer la conviction en Israël
et parmi nombre de ses partisans que cette grande Organisation
est trop partiale pour pouvoir jouer un rôle significatif
dans le processus de paix au Moyen-Orient », s'est-il
interrogé.
Kofi Annan a prévenu contre la tentation des partisans des
Palestiniens de « refuser d'admettre que les opposants d'Israël
ont eux-mêmes commis des crimes atroces et inexcusables et
qu'aucune résistance à l'occupation ne justifie le
terrorisme ».
Pire, a-t-il souligné, « une partie de la rhétorique
utilisée sous-entend un refus de reconnaître la légitimité
même de l'existence d'Israël ».
« Nous ne devons jamais oublier que les Juifs ont de très
bonnes raisons historiques de prendre au sérieux toute menace
à l'existence d'Israël. Ce qui a été fait aux Juifs et à
d'autres par les Nazis demeure une tragédie indéniable,
unique dans l'histoire humaine », a déclaré le Secrétaire
général, à l'heure où l'Iran tient une conférence visant
à remettre en cause la réalité historique de l'Holocauste.
« Aujourd'hui les Israéliens sont souvent confrontés à
des paroles et des actions qui paraissent confirmer leur peur
que l'objectif de leurs adversaires est d'annihiler leur
existence en tant qu'Etat et en tant que peuple », a-t-il
expliqué.
A Israël et aux partisans d'Israël, le Secrétaire général
a dit qu'ils ne pourraient faire changer le comportement des
Palestiniens, des Arabes et Musulmans qu'à condition « de
comprendre et reconnaître clairement le grief fondamental
exprimé par les Palestiniens, à savoir le fait que la création
de l'Etat d'Israël a impliqué la dépossession de centaines
de milliers de familles palestiniennes, faisant d'eux des réfugiés
et qu'elle a été suivie 19 ans plus tard d'une occupation
qui a placé des centaines de milliers d'autres arabes
palestiniens sous la domination d'Israël ».
« Israël est à juste titre fier de sa démocratie et de
ses efforts pour édifier une société fondée sur le respect
de l'Etat de droit. Mais la démocratie israélienne ne peut
prospérer que si l'occupation d'un autre peuple prend fin »,
a-t-il souligné.
« Je reconnais avec Israël et ses partisans qu'il existe
une différence – morale comme juridique – entre d'une
part des terroristes qui visent délibérément des civils et
d'autre part des soldats d'une armée régulière qui, dans le
cadre d'une opération militaire, tuent ou blessent non
intentionnellement des civils malgré les efforts pour éviter
ces victimes », a-t-il affirmé.
« Mais plus le nombre de victimes civiles croît, et plus
le caractère purement formel de ces précautions s'accentue,
et plus la différence s'amenuise », a-t-il ajouté.
Le Secrétaire général a aussi rappelé que malgré la
reconnaissance par la plupart des politiciens israéliens de
la nécessité de mettre fin à l'occupation, des centaines de
milliers d'Israéliens vivent encore dans les territoires
occupés en 1967 et qu'un millier s'y ajoute chaque mois.
« Témoins de cette activité, les Palestiniens voient
aussi une barrière se construire sur leur territoire en
contravention de l'Avis consultatif de la Cour internationale
de justice (CIJ) et sont
soumis à plus de 500 points de contrôle régissant leurs
mouvements, ainsi qu'à la présence de l'armée israélienne
», a-t-il rappelé.
« Les actions d'Israël seraient accueillies avec plus de
compréhension si elles visaient clairement à mettre fin à
l'occupation plutôt qu'à la consolider », a-t-il ajouté.
Se tournant par ailleurs vers la situation dans la région,
Kofi Annan a rappelé qu'au Liban, « où la transformation
politique du pays reste incomplète et où ses dirigeants font
face à une campagne d'intimidation et de déstabilisation »,
le pays reste « otage de sa propre histoire difficile ».
Si chaque conflit, au Liban, en Iraq, en Israël et dans
les territoires palestiniens, a « sa propre dynamique »,
plus le temps passe et plus ils deviennent liés de façon
inextricables et alimenteront l'extrémisme, a prévenu le
Secrétaire général, qui a souligné que la communauté
internationale ne pouvait faire l'économie de faire face à
ses responsabilités.
Source : Centre de nouvelles ONU
http://www.un.org/french/newscentre/
|