Palestine - Solidarité

   



Malgré et contre le siège,
Nablus reprend ses activités culturelles et artistiques
IPC
 

Après cinq années où les activités culturelles et artistiques dans la province de Nablus étaient pratiquement absentes, du fait des raids répétés et des campagnes d'assassinats et de destructions menées par les forces de l'occupation et du fait du siège infernal imposé à la province, plusieurs institutions se sont mises en route pour donner à nouveau la considération nécessaire au rôle de la culture et des arts dans la société. Plusieurs associations locales ont ainsi donné l'occasion à des groupes et des individus de présenter leurs productions créatives, toutes empreintes de dimensions à la fois artistiques, politiques ou tout simplement humaines.

 
Au cours de l'été 2005, plusieurs expositions remarquables ont rassemblé des oeuvres locales et extérieures à la province. Le théâtre s'est renouvelé avec des pièces reprenant l'intérêt des citoyens depuis l'Intifada al-Aqsa, comme la pièce "Le jeu du brave" du metteur en scène Fathi Abdel Rahman, qui fut jouée dans plusieurs lieux à Nablus. Dans cette pièce, un seul acteur, l'artiste Muammar Saade, joue selon les moyens du théâtre expérimental l'histoire d'un jeune Palestinien que les services de renseignements israéliens transforment en traître. Le public a été tellement en symbiose avec le spectacle que les cris fusaient pour réclamer la pendaison du traître. C'est dire la place de la pièce dans la vie de la population. C'est ce qui a fait réfléchir plusieurs institutions civiles au rôle du théâtre et à la matière présentée qui devrait être un moyen d'éduquer la jeunesse sur les moyens utilisés par l'occupation pour recruter des tra îtres, le danger que peuvent représenter ces derniers sur leur société qui mène une lutte de libération contre l'occupation.
 
La troupe de théâtre et de chants "Manara" a présenté la pièce "Le marché aux poissons" tiré du roman de l'écrivain Afaf Khalaf, et mise en scène par Qays Awayes. Ce fut un début prometteur pour la troupe qui a réussi à capter l'intérêt du public, en traitant la vie quotidienne du citoyen palestinien contraint de traverser les barrages militaires israéliens pour se déplacer vers son travail ou ses études, les diverses humiliations qu'il subit de la part des soldats de l'occupation, à ces barrages, et les conséquences du siège sur la situation économique mais aussi l'état psychologique des membres de la famille. La pièce est un exemple de cette souffrance vécue par une famille dont les membres réagissent de manière négative à ce siège, comme par la violence à l'école, dans la rue et à l'intérieur de la maison. Le dialogue constitue un message incisif adressé aux parents, leur demandant de contrôler et de s'occuper de leurs enfants, des valeurs et des concepts positifs qu'ils doivent leur inculquer et des moyens positifs qu'ils doivent mettre à leur disposition afin que les enfants puissent surmonter les difficultés et faire face aux pressions extérieures.
 
Parmi les pièces de théâtre présentées cet été à Nablus figure "le sol de la patrie est tendre" de Fahd Samhan mis en scène par Nidal Allan, qui traite des difficultés vécues par les jeunes, les défis auxquels ils doivent faire face dans leur vie et notamment les entraves sociales imposées souvent sans raison.
 
D'autres pièces de théâtre comme "le plus heureux des heureux" mis en scène par Usama Milhis, "le barrage" de Mazen Dweikat et "le brave Muhammad", mis en scène par Raed Hawari et Khaled Awad, sont joués par la compagnie du théâtre de Huwwara.
 
Les activités musicales furent nombreuses à Nablus, plusieurs concerts ont eu lieu, accueillis par un public enthousiaste. L'orchestre de l'institut d'Edward Saïd a joué des morceaux de plusieurs artistes mondiaux, la compagnie du centre national en collaboration avec le centre culturel français et la municipalité de Nablus a joué à l'occasion de la fête de la musique, la troupe al-Bayader formée par l'association d'al-mustaqbal al-filistini pour le développement et la démocratie, a présenté des chants et des danses, la dabke, tirés du folklore palestinien.
 
La troupe de Nablus, Manara, a réussi à présenter des tableaux musicaux très vivants sous le thème "les rêves d'un enfant", où les rêves et les espoirs d'un enfant sont assassinés par les balles des soldats de l'occupation. Les chants posent des questions aux assassins à propos de leurs motivations et leurs buts, leur demandant de s'en aller afin que les enfants puissent jouer et rêver, et que la vie revienne à son cours normal.
 
L'université nationale al-Najah a organisé un concert pour le lauréat palestinien de SuperStar Ammar Hassan qui a été apprécié par le public, qui a également écouté les chansons de l'artiste américain David Rovox, qui a affirmé sa solidarité avec la résistance du peuple palestinien au cours de ses chansons. L'université a également organisé, dans le cadre du festival de l'art islamique, qui a dû s'arrêter ces cinq dernières années, un concert sous le thème "les mélodies de Bayt al-Maqdis" où les diverses mélodies ont été appréciées par le public de la ville.
 
Nablus a également assisté à plusieurs projections de films, dont Fahrenheit 911 de Michael Moore, "Aqbat Jaber, Salam bila Awda", le film syrien "Tawafan fi bilan al-baath", le film "Ghurfat tahkum" de Jihan Njeim, ainsi que plusieurs autres films projetés dans la salle du martyr Dhafer al-Masri, à l'université nationale d'al-Najah.
 
D'autre part, des dizaines de conférences et des rencontres littéraires et poétiques, ainsi que des expositions artistiques ont eu lieu.
 
Ces activités peuvent paraître normales et ordinaires pour ceux qui ne sont pas au courant de la situation sur le terrain, mais il suffit d'une seule visite à Nablus pour comprendre la situation. La ville de Nablus est devenue une grande prison, depuis cinq ans, lorsque l'armée d'occupation a fermé toutes les voies de passage, installant des barrages militaires. Alors qu'elle était la capitale économique de la Palestine, la ville est marquée par la pauvreté et le chômage.
 
Les activités culturelles dans la province de Nablus traduisent la détermination de sa population à défier le siège imposé contre eux, en pratiquant une vie normale, en élevant la voix du refus de toutes les oppressions auxquelles elle est soumise. Le metteur en scène Qays Awayes exprime cela en disant : la souffrance est souvent une source de créativité, et le siège imposé sur Nablus a exercé son influence sur les composantes de la vie quotidienne du citoyen. Il a suscité en lui un état de révolte et de refus de la situation, proclamant son défi. Nous avons ressenti cela par l'accueil positif du public de toutes les oeuvres culturelles et artistiques ont il était assoiffé." Awayes ajoute : "Conjointement au message que nous essayons de faire passer, par ces oeuvres, nous assistons également à une invasion culturelle contre nos valeurs et nos traditions, ce qui nécessite un effort supplémentaire pour y faire face afin que nos oeuvres p ortent une signification civilisationnelle positive respectant les valeurs du public".
 
De son côté, le directeur des relations publiques à l'université nationale d'al-Najah, Saed Abu Hajle, expose la situation sur le terrain dans la province de Nablus, et les motivations de la réactivation de l'activité culturelle, disant que le siège israélien imposé sur la ville a mené à l'étouffement de la population, il visait à la faire plier par le biais de plusieurs facteurs, notamment économiques. L'occupant veut casser la volonté de la population représentée par la résistance et son attachement ferme aux constantes nationales. Israël veut, par ces pressions, obliger à rabaisser le niveau politique des exigences palestiniennes, pour faire passer des plans, n'importe quels plans, que le citoyen accepterait pour faire cesser sa souffrance. Abu Hajle poursuit, disant que l'occupation exerce des pressions sur les Palestiniens, des pressions psychologiques et sociales, suscitées par le siège imposé, où les Palestiniens voient s'affaib lir leur niveau économique en même temps que les entraves à leurs déplacements. De plus, le siège imposé sur la province la sépare de toute la patrie, de toute la vie culturelle du pays, avec ses villes, ses villages et ses camps. Les habitants de Nablus ont assisté à la coupure des liens culturels et sociaux avec le reste de la patrie. Le citoyen ne pouvait plus se déplacer d'une région à une autre, pour assister à une exposition, conférence ou manifestation culturelle, les énergies artistiques se sont distendues à l'intérieur de la patrie unique. Une guerre totale contre le peuple palestinien a lieu pour isoler les agglomérations les unes des autres, ce qui peut engendrer des conséquences sociales, économiques, culturelles et psychologiques destructrices.
 
Abu Hajle considère que face à l'occupation dont les effets sont visibles dans tous les aspects de la vie palestinienne, il est naturel que la résistance globale se poursuive, que ce soit en soutenant les citoyens, en consolidant leur résistance, en relevant leur moral, en appuyant leur détermination politique, que ce soit par leur activité économique, psychologique, sociale ou culturelle, dans le sens de la mobilisation dans tous les domaines. L'activité culturelle joue un rôle important pour former la structure idéologique et culturelle de la société.
 
L'intérêt pour la vie culturelle est l'une des principales composantes de la résistance à l'occupation et au siège qu'elle impose.
Saed Abu Hajle rappelle que c'est l'histoire culturelle de Nablus, à travers les siècles passés, qui soutient le renouvellement du mouvement culturel dans la province, cette histoire a fait de Nablus un phare pour toute la patrie. Pendant toute la période du mandat britannique, de la présence jordanienne et l'occupation israélienne, jusqu'à l'Intifada al-Aqsa, la vie culturelle dans la ville a été riche.
 
Avec l'intifada al-Aqsa, la culture fut mise de côté pour mettre en avant les autres formes de la résistance, ce qui a eu des répercussions négatives sur la jeune génération qui doit faire face aux diverses pressions de ces dernières années.
 
C'est pour surmonter ces pressions que les intellectuels, artistes et les parties intéressées ont agi pour donner à nouveau une place importante au mouvement culturel et artistique, en tant qu'aspect de la résistance.
 
A propos du rôle de l'université nationale d'al-Najah dans les activités culturelles, Abu Hajle affirme que l'université a pleinement conscience de l'ampleur du problème issu du recul de la situation culturelle dans la province de Nablus, c'est pourquoi elle prend en charge et soutient les diverses activités, avec les moyens et les structures limitées qu'elle possède, mais il y a un engagement de l'université, représentée par le conseil scientifique et administratif, pour accomplir son rôle à ce niveau. L'université accueille diverses activités culturelles, soit en s'associant avec le mouvement des étudiants de l'université soit avec des institutions de la société civile. Abu
Hajle s'attend par ailleurs à ce que les diverses activités culturelles soutenues par l'université fassent un bond qualitatif lorsque le théâtre de l'université deviendra opérationnel pour accueillir environ mille personnes, avec ses nouvelles installations techni ques selon les nouveaux critères internationaux.
 
L'image de Nablus exprime sa réalité, d'une part des soldats qui tuent, détruisent et assiègent et de l'autre, une population qui persiste à vivre, travailler, et chanter, se remémorant la parole chantée par Khaled al-Habr, "lorsque le chanteur se tait, se fondent en lui les raisons de sa survie... Nous chanterons, nous chaterons et nous reviendrons avec vous pour la meilleure des rencontres".
 
Traduit par : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine


Source : Palestine en marche


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