Opinion
La proclamation de
l'Etat palestinien:
probabilités et conséquences
Wael Saad

Mardi 9 août 2011 Rapport d’évaluation stratégique
n°35
Le centre al-Zaytuna
pour la recherche et la consultation,
situé à Beirut, dirigé par dr.
Mohsen Saleh, vient de publier sa
dernière étude d’évaluation
stratégique, qui concerne cette
fois-ci la reconnaissance de l’Etat
palestinien par l’ONU au mois de
septembre prochain, ou ce qu’il est
convenu d’appeler « l’échéance de
septembre ».
Selon
cette étude d’évaluation
stratégique, il n’y a aucun doute
que les déceptions répétées subies
par le négociateur palestinien et
l’impasse dans laquelle se trouve le
processus de règlement, ainsi que
l’absence de la référence
internationale et le besoin de
concrétiser un acquis, même moral,
sont derrière l’idée de se tourner
vers les Nations-Unies pour
proclamer l’Etat palestinien et en
devenir membre à part entière. Pour
cela, il est nécessaire de mettre
fin à la division palestinienne sans
cependant prendre des mesures qui
susciteraient la colère israélienne
ou américaine. Si la direction
palestinienne parvient à supporter
les pressions américaine et
israélienne et poursuit sa
trajectoire en direction de l’ONU,
elle fera face au veto américain et
à plus d’un obstacle qui pourraient
entraîner l’annulation du projet ou
son report. Pour cela, la
proclamation de l’Etat va être
confrontée à plusieurs scénarios qui
peuvent se conclure soit par une
réussite totale ou partielle, ou
même un échec complet. Mais cela ne
changera rien au fait que l’entité
sioniste continue à l’heure présente
à se comporter comme un
« Etat au-dessus des lois ».
Introduction
Le négociateur
palestinien a été confronté à une
série de déceptions tout au long des
deux dernières décennies. Malgré les
concessions faites, il n’a rien
obtenu, alors que l’état sioniste a
poursuivi la politique du fait
accompli sur le terrain, les projets
de judaïsation et de colonisation en
Cisjordanie et notamment dans al-Qods.
Au moment où le gouvernement
sioniste essaie d’imposer la
reconnaissance de la judaïté de
l’entité sioniste, le négociateur
s’est retrouvé dans le besoin
pressant de concrétiser un acquis
sur le terrain, notamment dans le
cadre des changements arabes. La
direction palestinienne a alors
proposé la question de la
proclamation de l’Etat palestinien
en se dirigeant aux Nations-Unies, à
en devenir membre à parti entière,
avec une reconnaissance en tant
qu’Etat membre sur les frontières de
1967. Cette affaire a suscité
beaucoup de réactions dans le monde,
différentes analyses et explications
ont été données.
Arrière-plan historique
Les Palestiniens ont
tenté d’obtenir leur indépendance
dès l’occupation britannique de la
Palestine. Au cours de la guerre de
1948, les Palestiniens avaient
proclamé l’indépendance de la
Palestine le 1er octobre
1948, mais la domination de l’entité
sioniste sur 77% de la Palestine,
l’annexion de la Cisjordanie par la
Jordanie, et la mise de la bande de
Gaza sous administration égyptienne
ont empêché la création de l’Etat
palestinien. En 1964, l’OLP est
fondée dans le but de libérer toute
la Palestine. C’est ce qu’affirme la
charte nationale palestinienne en
1968.
Puis
l’OLP adopte en 1974 le programme en
dix points, basé sur l’idée de la
création d’un Etat palestinien sur
toute parcelle de territoire libérée
de la Palestine. Ce programme a
permis l’entrée de l’OLP à l’ONU en
tant qu’observateur.
Le 15 novembre 1988,
l’ONU proclame l’indépendance de
l’Etat de Palestine et accepte la
solution de deux Etats. L’ONU
reconnaît la proclamation
d’indépendance dans sa résolution
n°177/43 datée du 15 décembre 1988.
L’assemblée générale accepte
d’utiliser le terme de Palestine à
la place de l’OLP. En 1993, l’OLP
signe les accords d’Oslo et
reconnaît l’Etat « d’Israël ». En
1996, le conseil national
palestinien accepte de supprimer
tous les articles de la charte
nationale palestinienne qui sont en
conflit avec les accords d’Oslo, y
compris la lutte armée. En 1998, la
52ème session de l’AG de
l’ONU accorde à la Palestine, en
tant que membre observateur, les
privilèges de participer aux
sessions et travaux de l’assemblée
générale, de participer aux
conférences internationales tenues
sous l’auspice de l’AG ou de
conseils de l’ONU.
Attitude palestinienne
Bien
que la direction palestinienne ait
admis l’échec du processus de
règlement, elle a continué à
affirmer que les négociations
demeuraient un choix stratégique.
Elle a conçu le mouvement de
septembre comme un complément au
processus de règlement, et non pas
comme un pas « unilatéral » comme le
voient « Israël » et son allié
américain. Mahmoud Abbas a considéré
que la victoire de la démarche à
l’ONU nécessite une unité
palestinienne, même de façade. Il a
rapidement conclu l’accord entre le
Fateh et le Hamas le 3 mai 2011.
De
leur côté, les forces de la
résistance palestinienne ne se
sentent pas concernées pour
contester l’obtention du statut de
membre à part entière aux
Nations-Unies, tant que cela
n’aboutit pas à faire des
concessions relatives aux droits
palestiniens. Elles considèrent que
le succès de la réconciliation
palestinienne et son effet sur
l’échéance de septembre dépendent de
la capacité de la direction de l’OLP
à se libérer des pressions
américaines et israéliennes et à se
débarrasser des intérêts partisans,
sectaires et personnels, en mettant
en avant l’intérêt suprême national,
et en exécutant les articles de la
réconciliation, y compris la réforme
de l’OLP, l’élaboration d’un projet
national d’ensemble et la définition
d’un agenda national palestinien.
Les
pas palestiniens possibles
1 –
la poursuite de la campagne
diplomatique pour obtenir la
reconnaissance par le plus grand
nombre de pays dans le monde, et la
mobilisation pour un soutien à
l’assemblée générale des
Nations-Unies pour garantir plus de
deux tiers de ses membres ; jusqu’à
présent, 123 pays sur 193 l’ont
fait, il manque donc 6 pays
supplémentaires pour parvenir aux
2/3.
2 –
La rédaction d’un projet de
résolution pour l’adhésion aux
Nations-Unies acceptable par un
large éventail international, ce qui
pourrait éviter l’utilisation du
veto américain.
3 –
le maintien de la réconciliation
sans cependant introduire de
changement sur la scène
palestinienne, qui pourrait susciter
la colère israélienne et américaine,
et pouvant être utilisé contre le
climat favorable nécessaire à la
proclamation de l’Etat aux
Nations-Unies. Cela pouvant se
traduire par le fait d’éviter la
formation d’un gouvernement où le
Hamas aurait un rôle essentiel dans
la nomination de ses membres et la
prise de décisions en rapport avec
la réforme des appareils
sécuritaires, la libération des
détenus et la liberté d’action des
institutions rattachées au Hamas en
Cisjordanie.
L’attitude israélienne
Le
gouvernement israélien de droite a
montré son incapacité à proposer une
initiative politique de négociations
acceptée par les parties
palestinienne et arabe et pouvant
ramener le négociateur à la table
des négociations. Cela n’a cependant
pas empêché toutes les forces
politiques israéliennes, à
rassembler leurs forces pour
mobiliser l’opinion publique
internationale contre la
reconnaissance de l’Etat palestinien
dans les frontières du 4 juin 1967.
Nous pouvons résumer l’attitude
israélienne par les points
suivants :
1 –
l’accord des partis israéliens pour
des négociations en vue d’imposer la
vision israélienne du règlement
(incluant les trois « non ») avec la
poursuite de la politique du fait
accompli sur le terrain.
2 –
maintenir un processus de règlement
où la partie palestinienne est
isolée, sans couverture
internationale et légale, et
l’empêcher de recourir aux
Nations-Unies en tant que référence
pour les négociations.
3 –
le fait qu’un grand nombre de pays
reconnaisse la Palestine est
considéré par « Israël » comme une
avancée diplomatique favorable à la
question palestinienne.
4 –
l’adhésion palestinienne aux
Nations-Unies réaffirme que les
territoires occupés en 1967, que la
partie israélienne considère comme
des territoires contestés, sont des
territoires appartenant à un Etat
sous occupation, selon la
reconnaissance de l’ONU, ce qui
renforce les mesures juridiques
palestiniennes et internationales
contre « Israël ».
5 –
« Israël » craint que la
reconnaisance de l’Etat palestinien
n’augmente son propre isolement et
n’élargisse l’opposition de
l’opinion internationale à ses
pratiques.
6 –
L’adhésion de la Palestine à l’ONU
avec le statut de membre à part
entière n’entraîne pas
nécessairement un changement sur le
terrain en Cisjordanie, mais peut
constituer une occasion pour alléger
le blocus contre la bande de Gaza.
Depuis la décision palestinienne de
se diriger à l’ONU, la diplomatie
israélienne a lancé une série de
prévisions, allant du déclenchement
d’une guerre à la menace de la
suppression des accords d’Oslo. Il
est clair que l’état sioniste se
trouve dans une impasse, ne pouvant
avancer d’arguments valables
expliquant l’annulation du processus
de règlement, tout comme l’appui à
ses pratiques répressives est en
recul constant au moment où le
soutien populaire à la cause
palestinienne prend de l’ampleur
dans le monde.
Les
pas israéliens possibles :
1 –
la poursuite de la campagne pour
annuler l’initiative palestinienne
avant le mois de septembre.
2 –
Pressions sur l’autorité
palestinienne par des mesures
punitives.
3 –
l’utilisation de la politique de la
carotte et du bâton avec la
direction de l’OLP et l’Autorité
palestinienne, en utilisant ses
outils de pression en Cisjordanie,
ou en avançant des propositions pour
le retour aux négociations.
4 –
Utilisation de son influence dans
l’administration américaine pour
exercer des pressions sur la
direction palestinienne.
Le
comportement international
Il
faut plutôt insister sur l’attitude
des Etats membres permanents du
conseil de sécurité de l’ONU
susceptible d’admettre la Palestine
à l’ONU et capable d’annuler le
mouvement palestinien en utilisant
le droit de veto, ainsi que
l’attitude de quelques Etats
européens influents. La Russie et la
Chine reconnaissent l’Etat
palestinien, mais les autres Etats
comme les Etats-Unis, la France et
la Grande-Bretagne, qui ont des
relations diplomatiques avec l’OLP,
ne reconnaissent pas l’Etat. Alors
que l’attitude de l’Union européenne
consiste à appeler à la reprise des
négociations bilatérales à propos de
l’échéance de septembre comme issue
au désaccord des membres de l’Union
européenne.
Les
Etats-Unis affichent clairement leur
soutien à la position israélienne.
Le Congrès a voté une résolution
pour l’utilisation du droit de veto
contre toute résolution de
reconnaissance de l’Etat
palestinien, comme il a agité la
menace de rupture de l’aide
américaine à l’Autorité
palestinienne, ce qui est en
contradiction avec la position
antérieure du président américain
Obama, en septembre 2010.
Conséquences
1 –
le succès de la proclamation de
l’Etat palestinien en tant que
membre des Nations-Unies n’aura
probablement aucune conséquence sur
le terrain, où l’occupation
israélienne se poursuit, avec le
soutien américain et un comportement
international avec « Israël » comme
un Etat au-dessus des lois. Mais il
peut approfondir l’isolement
israélien.
2 –
L’échec de la direction
palestinienne à adhérer aux
Nations-Unies affaiblira le courant
adepte des négociations sur la scène
palestinienne au profit des forces
de la résistance.
3 –
le refus des pressions américaines
par la direction palestinienne
risque d’entraîner des sanctions
économiques sévères.
4 –
l’utilisation du veto américain
contre la démarche palestinienne
donnera une nouvelle preuve de
l’alignement américain aux côtés de
l’entité israélienne.
5 –
Certains analystes considèrent que
l’acquisition du statut de membre à
parti entière aux Nations-Unies, à
partir de la résolution de partage
n°181 est susceptible de consolider
l’idée de la judaïté d’Israël et de
l’internationalisation d’al-Qods,
tel que cela est mentionné dans la
résolution internationale.
Scénarios
1 – l’OLP réclame le
statut de membre à part entière au
secrétaire général de l’ONU, la
demande est transmise au conseil de
sécurité, qui approuve la demande de
l’adhésion de l’Etat de Palestine
dans les frontières de 1967 avec la
partie orientale d’al-Qods pour
capitale, et par conséquent,
l’assemblée générale des
Nations-Unies approuve la demande.
2 –
Cette demande fera l’objet d’un veto
américain, et de ce fait, c’est
l’échec de la démarche
palestinienne.
3 –
l’OLP réclame l’adhésion complète
mais le conseil de sécurité reporte
la décision, pour plusieurs raisons,
soit pour un point d’ordre, soit
pour une proposition de modification
du texte, avec report jusqu’à accord
sur les modifications, ce qui
reporte ou annule le projet dans son
ensemble.
4 –
L’OLP se dirige directement vers
l’assemblée générale des
Nations-Unis pour obtenir le statut
de membre non définitif, ce qui
n’introduit pas de changements
décisifs, si l’OLP dépasse les 2/3,
sauf dans la forme de la
représentativité palestinienne, où
la Palestine devient un Etat membre
observateur à l’AG.
5 – Report de la
démarche en direction de l’ONU si
les Israéliens présentent un
ensemble de propositions valables
pour une reprise des négociations,
comme le fait d’incluer une partie
du discours d’Obama concernant
l’Etat palestinien.
Il
semble que les possibilités se
précisent selon la manière dont la
direction palestinienne compte
présenter la demande. Il est clair
que l’OLP aura à affronter un veto
américain ( deuxième scénario), mais
elle peut aussi recourir au
quatrième, pour éviter
l’affrontement avec l’administration
américaine, même pour réaliser une
victoire formelle, ce qui laissera
la porte ouverte pour revenir une
nouvelle fois vers les Nations-Unies
et réclamer le statut de membre à
part entière.
rédigé par M.
Wael Saad, chercheur au centre al-Zaytuna.
Traduction: Rim al-Khatib
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