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REMDH
Active
mais tacitement consentante : La réponse de l'UE à l'offensive
militaire israélienne sur la bande de Gaza
RESUME EXECUTIF

Jeudi 20 août 2009
Face à
l’offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza lancée
entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, ayant causé, à
ce jour, un nombre inégalé de victimes et de dégâts matériels,
le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) a
entrepris l’examen, au moyen de ce rapport, des politiques de
l’Union européenne (UE) vis-à-vis de ce conflit.
Ce rapport analyse les politiques de l’UE
envers Israël et les Palestiniens et la manière dont elles ont
étés mises en oeuvre, avant et pendant l’opération « Plomb Durci
»1
. Le rapport constate que la réaction collective de l’UE a été
caractérisée par une réitération d’actions politiques
inchangées, marquées d’anciens dilemmes et émergeant d’un
consensus global entre les Etats membres :
• Sur le plan
diplomatique, l’UE reste largement inefficace:
- Elle appelle à un cessez-le-feu immédiat et permanent, mais
échoue à garantir cet objectif, du fait de son refus d’exercer
des pressions sur Israël et de s’engager avec - et donc exercer
une influence sur - le Hamas.
- L’UE condamne les attaques contre les civils ainsi que contre
les bâtiments, le personnel et les véhicules médicaux et ceux
appartenant aux Nations Unies, tout en s’abstenant d’appeler à
une enquête internationale indépendante sur les violations du
droit humanitaire international et des droits de l’Homme.
- L’UE réclame l’ouverture des frontières ainsi que l’arrêt de
la contrebande d’armes, alors qu’elle ne s’est engagée que dans
des négociations mineures sur la nature et la quantité précises
de l’aide humanitaire autorisée à entrer dans la bande de Gaza.
• Concernant l’aide de l’UE au Territoire Palestinien Occupé
(TPO), l’UE a proposé une augmentation de son aide humanitaire,
mais n’a exigé aucune compensation ni aucune investigation sur
la destruction durant l’offensive israélienne des
infrastructures en construction financées par l’UE. De plus,
l’UE propose un accroissement de l’aide malgré une constante
incapacité à acheminer efficacement les fonds vers la bande de
Gaza, et sans tenir compte du caractère non durable de sa
politique d’aide envers le territoire palestinien.
• Enfin, l’UE a affirmé son intention politique de poursuivre un
rehaussement de ses relations bilatérales avec Israël, malgré
les violations du droit humanitaire international et des droits
de l’Homme commises par Israël durant et après l’opération «
Plomb Durci », et sans avoir trouvé une solution légale à la
mauvaise mise en oeuvre de certains accords UE
- Israël.
Le rapport
affirme qu’avant l’opération Plomb Durci, et en particulier
depuis la victoire du Hamas aux élections du Conseil Législatif
Palestinien en 2006, l’UE a agi dans un contexte international
favorable à l’escalade récente du conflit.
Plus
spécifiquement, les politiques de boycott du Hamas, d’isolement
de la bande de Gaza, de financement de la Cisjordanie contrôlée
par l’Autorité palestinienne et de soutien inconditionnel à
Israël, n’ont permis ni un meilleur respect du droit humanitaire
international, ni d’atteindre une solution à deux Etats. Au
contraire, ces actions politiques ont rendu l’accomplissement de
ces deux objectifs affirmés de l’UE pour un Moyen-Orient
pacifique moins probable. L’offensive militaire sur la bande de
Gaza est l’illustration tragique de ce fait.
Le degré
des divergences entre les Etats membres explique en grande
partie l’émergence de trois ambiguïtés dans la politique
actuelle de l’UE:
• Tout d’abord,
concernant la cause affirmée du conflit : certains Etats membres
attribuent clairement la responsabilité du conflit au Hamas,
tandis que d’autres prennent de la distance avec ce point de
vue.
• Ensuite, concernant les efforts de l’UE en matière de contrôle
des frontières de la bande de Gaza : Alors que dans la majorité
des cas, les initiatives de l’UE s’inscrivent dans la nécessité
de garantir un accès ouvert et de mettre en oeuvre l’Accord sur
le Mouvement et l’Accès (AMA), à d’autres occasions, l’accent est
mis sur la lutte contre la contrebande d’armes, ce qui pourrait
impliquer une fermeture plus grande encore des frontières de la
bande de Gaza, en particulier si des actions sont entreprises
pour détecter et détruire des tunnels avant même que l’accès ne
soit assuré par les points de passage.
• Enfin, le troisième point ambigu concerne la formation d’un
gouvernement palestinien d’unité nationale et en particulier si
la réconciliation est véritablement encouragée par l’UE sur tout
le territoire palestinien occupé, ou si l’UE cherche avant tout
à rétablir l’Autorité palestinienne à Gaza, étant donné son
incapacité à assurer le contrôle des frontières et à mener à
bien sa politique de reconstruction et d’aide sous les
conditions actuelles.
Lorsqu’on évalue la réponse de l’UE à l’offensive militaire
israélienne sur la bande de Gaza2,
on reste stupéfait par le fossé qui se creuse entre, d’une part,
les objectifs politiques de l’UE et ses obligations légales, et
d’autre part l’absence de mesures concrètes pour atteindre ces
objectifs et respecter ces obligations. Ainsi, après avoir
analysé la réponse de l’UE, le rapport établit que
l’une des principales raisons qui explique la divergence entre
le discours et les actes réside dans la poursuite « active » par
l’UE de la solution des deux Etats, parallèlement à un «
consentement tacite » aux violations des droits de l’Homme et du
droit humanitaire international. Comme le souligne un
représentant de l’UE, « l’Union européenne et ses Etats membres
ont été aveuglés par leur principal objectif de créer un Etat
palestinien, négligeant l’amélioration du respect des droits de
l’Homme et du droit humanitaire international »3.
Afin de
dépasser les anciens dilemmes et de résoudre les nouvelles
ambiguïtés qui apparaissent, des efforts concertés en vue d’une
approche globale plus cohérente et consistante basée sur les
droits de l’Homme et le droit humanitaire international, sont
nécessaires. Des recommandations spécifiques assurant une
politique de l’UE plus consistante, crédible et effective
vis-à-vis du conflit, et permettant à l’UE de réaliser sa vision
politique et de respecter ses obligations légales, incluent :
• Premièrement, l’UE
et ses Etats membres devraient promouvoir et soutenir des
enquêtes indépendantes à la fois internationales et locales sur
les violations présumées commises durant le conflit par toutes
les parties;
• Deuxièmement, l’UE doit donner une orientation sur le
long-terme à son aide au TPO tout en étant attentive au respect
des principes de neutralité, impartialité, et indépendance dans
l’acheminement de l’assistance humanitaire ;
• Troisièmement, l’UE doit formuler une stratégie viable et bien
conçue pour s’engager avec un nouveau gouvernement palestinien,
représentant une première étape vers la réconciliation
palestinienne et le respect des droits de l’Homme et des
principes démocratiques.
• Quatrièmement, l’UE doit réévaluer ses activités de contrôle
des frontières, en s’assurant que les efforts des Etats membres
dans la lutte contre la contrebande d’armes ne prennent place
qu’après l’ouverture régulière de tous les points frontaliers
vers la bande de Gaza. Pour cela, L’UE doit soit recevoir des
garanties contraignantes de la part d’Israël que celle-ci ne
bloquera pas l’accès des contrôleurs de l’UE à Rafah, soit faire
stationner les contrôleurs de l’EUBAM en Egypte plutôt qu’en
Israël. L’UE doit également faire en sorte que le point de
passage de Rafah ne soit pas le seul point d’accès, et qu’Israël
autorise l’accès complet de et vers la bande de Gaza.
• Enfin, l’UE doit sérieusement réévaluer ses relations
bilatérales avec Israël. Il est temps pour l’UE de ne plus
ignorer les violations israéliennes et d’introduire la logique
de droits de l’Homme et du droit humanitaire international comme
pierre angulaire de son approche « politique » du conflit.
1
Tout en
se focalisant sur les réactions de l’UE avant, pendant et après
l’opération « Plomb Durci », le rapport commence par rappeler le
contexte politique et légal dans lequel les réactions de l’UE
s’inscrivent. Le cadre légal dans
lequel s’inscrivent les décisions de l’UE concernant le conflit
israélo-palestinien, est composé de 2 groupes de normes : (1)
les principes et normes se rapportant aux droits de l’Homme et
au droit humanitaire international, ainsi qu’aux règles
concernant la responsabilité des Etats et des organisations
internationales ; et (2) les engagements et instruments
spécifiques à l’UE, qui peuvent être de nature contraignante ou
non. Les instruments spécifiques que l’UE peut déployer dans le
but de contribuer à l’accomplissement de ses objectifs peuvent
être regroupés en trois catégories : diplomatie, relations
contractuelles et renforcement des capacités, cette dernière
comprenant l’aide et les missions de la Politique Européenne de
Sécurité et de Défense (PESD) dans le TPO.
2
Concernant l’offensive militaire en elle-même, le rapport décrit
brièvement les principales actions et les violations du droit
humanitaire international commises. Tandis que la réponse de
l’UE est analysée à l’intérieur du cadre légal des droits de
l’Homme et du droit humanitaire international, le rapport
cherche à présenter les principales violations du droit
humanitaire international commises par toutes les parties, dans
le but d’analyser cette réponse européenne, et ce sur base des
informations provenant des organisations membres du REMDH,
d’autres ONG, du CICR et des Nations Unies.
3
Entretien avec un représentant de l’UE, mars 2009.
Le rapport complet en anglais
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