Actualité
Une lettre de notre camarade Antonin
Bernanos
Lundi 7 octobre 2019
Une lettre rédigée par Antonin,
incarcéré à la prison de la Santé, qui
nous a été transmise par ses proches et
qui est publiée simultanément, ce lundi
7 octobre, sur divers sites.
Je vous écris
depuis la maison d’arrêt de la Santé, où
je suis incarcéré dans le cadre d’une
procédure judiciaire ouverte le 18 avril
dernier à l’encontre de plusieurs
personnes et militants antifascistes,
suite à une confrontation ayant opposé
des antifascistes à des militants
d’extrême droite. Cela fait près de six
mois que je suis enfermé, six mois au
cours desquels j’ai subi différents
types de pressions de la part de
l’institution judiciaire et de
l’administration pénitentiaire.
« Une cour d’appel
aux ordres du parquet de Paris »
J’ai dans un
premier temps été écroué à la maison
d’arrêt de Fresnes, où la direction m’a
placé sous le régime de l’isolement
médiatique en raison de mon appartenance
à des « mouvances radicales et violentes
d’extrême gauche ». J’ai été ensuite
transféré du jour au lendemain à la
Santé, en transit pour un transfert dans
un établissement sécurisé en dehors de
l’Île-de-France - puisque je
bénéficierais, selon la direction
interrégionale des services
pénitentiaires de Paris, de « soutiens
extérieurs pouvant nuire à la sécurité
des établissements franciliens ». Par
ailleurs, il y a deux mois, la juge des
libertés et de la détention en charge de
mon dossier a ordonné la fin de ma
détention provisoire et ma remise en
liberté, décision aussitôt annulée par
une cour d’appel aux ordres du parquet
de Paris, qui a mobilisé son attirail
judiciaire pour empêcher ma libération.
Cet acharnement, assez typique de la
justice et de l'administration
pénitentiaire, est exercé à mon encontre
alors que toutes les autres personnes
incriminées ont été libérées et placées
sous contrôle judiciaire, et qu’il
n’existe aucun élément dans le dossier
permettant de m’associer d’une
quelconque façon à l’affrontement. Aucun
élément, sauf la déclaration d’un
militant identitaire, Antoine Oziol de
Pignol, hooligan du Kop of Boulogne, au
sein du groupe de la Milice Paris,
militant actif de Génération
identitaire, et proche du groupuscule
nationaliste des Zouaves Paris, avec qui
il était au moment de l’affrontement. Ce
dernier a donc porté plainte et s’est
constitué partie civile, affirmant
reconnaître des militants antifascistes
parmi les auteurs des violences dont il
aurait été victime, et déclarant que je
faisais partie du groupe qui a mis en
déroute ses camarades et lui-même le
soir des faits.
« Contexte de
révolte sociale et de répression
généralisée »
Au premier abord,
le fait que des militants d’extrême
droite, appartenant à des groupes
violents, et auteurs de nombreuses
exactions au cours des derniers mois
(agressions contre des femmes voilées ou
des migrants pour Génération
identitaire, attaques des jeunes du
Lycée autogéré de Paris ou,
dernièrement, du cortège du Nouveau
Parti anticapitaliste lors de l'Acte 11
du mouvement des Gilets jaunes pour les
Zouaves Paris) puissent collaborer de
manière aussi décomplexée avec la police
et les instances répressives est de
nature à surprendre. Mais il convient de
replacer ce phénomène dans un cadre plus
large, dans le contexte de révolte
sociale et de répression généralisée que
l'on observe depuis le début du
mouvement social contre la Loi Travail
en 2016 jusqu’au mouvement des Gilets
jaunes.
En effet, si les
liens entre la police et l’extrême
droite ne sont plus à démontrer1,
il est nécessaire de se pencher plus
précisément sur la coagulation
spécifique qui existe entre la police et
les groupes d’extrême droite impliqués
dans cette affaire. Ainsi le groupe
Génération identitaire s’est toujours
positionné en tant que supplétif de
l’État et de sa police : occupation de
mosquées dans un contexte d’explosion
des politiques islamophobes2,
campagne « DEFEND EUROPE » pour bloquer
les migrants en Méditerranée ou dans les
Alpes au moment où les politiques
migratoires européennes se radicalisent
et où des milliers d’hommes, de femmes
et d’enfants perdent la vie au cours de
leur voyage, ou plus récemment,
occupation de la CAF de Bobigny dans un
contexte de répression inédite à
l’encontre du plus grand mouvement de
lutte contre la précarité en France
depuis des décennies. En ce qui concerne
les Zouaves Paris, on peut rappeler,
entre autres, leurs multiples agressions
à l’encontre d’étudiants et de militants
lors des blocages et des occupations
d’université au cours du mouvement de
2018 contre la loi ORE. C’est également
eux qui, lors du 1er mai 2018, tentaient
de ratonner des manifestants en
périphérie de la place de la
Contrescarpe, au moment où Alexandre
Benalla et sa milice de barbouzes
tabassaient ceux qui n’arrivaient pas à
quitter la place, après une journée
caractérisée par un déchaînement de
violences policières contre la
manifestation internationale des
travailleurs. Si cet événement était
assez emblématique de la convergence et
de l’articulation entre violence
policière, violence de groupes armés
travaillant au service de l’État en
parallèle de l’institution policière, et
violence des groupes d’extrême droite,
c’est au cours du mouvement des Gilets
jaunes que l’on a vu cette stratégie
commune se déployer et se consolider à
l’encontre du mouvement social.
« Rendre illégitime
un mouvement soutenu par une large
majorité de la population »
Si les groupes et
militants d’extrême-droite ont
finalement été chassés du mouvement et
des manifestations à l’échelle
nationale, il faut rappeler qu’au cours
des premières semaines, leur présence
était bien réelle au sein des
mobilisations. On se souvient notamment
du discours rabâché par les médias de
masse selon lequel les violences à
l’encontre des forces de l’ordre étaient
commises par des groupes nationalistes «
infiltrés » dans le mouvement. S'il est
vrai que certains groupes
d’extrême-droite, dont les Zouaves et
leur chapelle du Bastion social, ont
participé au début aux affrontements
avec les forces de l’ordre, il faut lire
ces faits, et leur médiatisation, dans
le cadre d’une stratégie plus large au
bénéfice de l’État. Il s'agissait
d'élaborer une répression morale (qui
procédait en rendant possible la
répression policière féroce que l’on a
connue par la suite) stigmatisant le
mouvement des Gilets jaunes comme un
mouvement d’extrême-droite violent. La
présence des groupes d’extrême droite
était donc entretenue, mise en scène et
instrumentalisée afin de légitimer aux
yeux de l’opinion publique les
arrestations massives, les condamnations
à l’encontre des Gilets jaunes au cours
de comparutions immédiates expéditives,
la prison, la violence, les mutilations…
Entretenir la
présence de l’extrême droite et sa
publicité était le moyen pour l’État de
rendre illégitime un mouvement soutenu
par une large majorité de la population.
Une énième tentative de manipulation de
l’opinion publique, qui s’est déployée à
son paroxysme au moment de la polémique
autour de « l'agression » de
Finkielkraut et de « l'antisémitisme des
gilets jaunes ». Soyons clairs : il ne
s’agit pas de nier que des formes
d’antisémitisme et de complotisme ont pu
s’exprimer et se diffuser au sein du
mouvement. Il s’agit d’exhiber les
outils de répression morale de l’État,
et de comprendre que le fascisme et ses
idées en sont l'un des plus importants.
Ledit antisémitisme, dont l’État se
targuait d’être le plus vif opposant,
doit également se comprendre comme un
outil, une réalité entretenue sciemment
au sein du mouvement. Si les thèses
antisémites notoires, comme celles
d'Alain Soral, ont pu se diffuser au
sein du mouvement, par l’intermédiaire
d’auxiliaires ou de militant fascistes,
c’est parce que celles-ci ont été
largement exacerbées et relayées par les
médias de masse et le gouvernement. Et
si tel a été le cas, c’est parce que ces
thèses prétendument « anti-système »
sont en réalité au service de celui-ci,
et sont mobilisées en son sens. De
l’extérieur, l’État s’en sert pour
délégitimer le mouvement aux yeux de
l’opinion publique. De l’intérieur, les
thèses sur la « finance juive »,
articulées notamment autour de la banque
Rotschild, permettent aux vrais ennemis,
tels que la finance au sens large et le
capitalisme en tant que système de
domination et d’exploitation, d’être
écartés, segmentés, pour cibler une
soi-disant partie du problème plutôt que
le problème en lui-même. Une fois de
plus, stratégie répressive et stratégie
fasciste font corps à l’encontre du
mouvement social.
« Autonomes et
antifascistes se sont placés au service
du mouvement »
Reprenons le fil de
notre propos. La présence des groupes
d’extrême droite (comme les Zouaves
Paris) au sein des Gilets jaunes, ne
s’est pas limitée à un rôle
d’épouvantail du pouvoir. Ces derniers
étaient avant tout présents pour tenter
de chasser les militants antifascistes,
autonomes et révolutionnaires. Il
s’agissait de s’en prendre à ceux qui
étaient également la cible des forces de
police, en raison de leur soutien
logistique et stratégique dans le
mouvement, au cours de blocages
économiques, ou dans les manifestations,
en tant que force active dans
l’autodéfense des cortèges face aux
attaques de la police, auprès des Gilets
jaunes.
À cette stratégie
militaire s’ajoute la tentative
d’infiltration des services d’ordre,
mise en lumière par la présence d'un
militant identitaire notoire, Victor
Lenta3
devenu membre auto-proclamé d’un service
d’ordre au sein duquel on a pu retrouver
nos fameux zouaves de service4.
Une fois de plus la stratégie fasciste
faisait pleinement écho à la stratégie
de maintien de l’ordre. Il s’agissait
pour l’extrême droite d’intégrer des
instances du mouvement pour mieux
pouvoir s’en prendre aux groupes
antifascistes, mais surtout, pour tenter
d’imposer un cadre autoritaire aux
manifestations, afin d’empêcher toute
forme de débordement, et museler ainsi
les nouvelles formes de luttes
offensives, propres au surgissement des
gilets jaunes au sein du champ politique
traditionnel. Ce fut la dernière
tentative d’organisation réelle des
forces fascistes. En effet, c’est en
assumant un antifascisme de terrain que
les antifas et les gilets jaunes
antiracistes ont chassé les militants
d’extrême droite à Paris, à Lyon et
ailleurs, faisant des manifestations des
espaces où leur présence n’était pas
admise et non négociable. C’est en
devenant acteur du mouvement, et en
ignorant les injonctions à boycotter
celui-ci (provenant souvent de
« militants » de notre propre camp, qui
s’étaient laissés berner par
l’association d’État « Gilets jaunes –
extrême droite ») que nos combats
quotidiens ont finalement payé. Ce
travail de lutte, qui s’est mis en place
chaque samedi pendant plusieurs
semaines, n’a pu se faire qu’en étroite
collaboration avec les groupes de gilets
jaunes à l’échelle locale et nationale
et ne s’est pas réduit aux affrontements
de rue avec les militants fascistes.
Autonomes et antifascistes se sont
placés au service du mouvement, tant sur
le plan logistique que stratégique,
acceptant de faire avec les nombreuses
contradictions qui le traversaient,
transformant celui-ci tout en acceptant
d’être transformé à son tour, en se
détachant des schémas sclérosés de la
politique contestataire. Il a fallu pour
cela mobiliser et mettre en place des
stratégies et des formes de luttes
nouvelles, affronter physiquement les
groupes d’extrême droite, organiser la
protection de leurs cibles, mettre en
place des cortèges festifs et
antiracistes, participer aux assemblées
générales locales, s’investir sur les
ronds-points, dans les blocages,
mobiliser nos pratiques et notre savoir
des luttes pour organiser des groupes de
désarrestations face aux interpellations
policières, ou encore protéger les
cortèges contre la violence des forces
de l’ordre. Tout cela n’a été rendu
possible que grâce à la collaboration
entre camarades d’horizon parfois très
différents, mais avant tout grâce à la
solidarité issue de nos alliances avec
des gilets jaunes à l’échelle locale, en
particulier les gilets jaunes de Rungis,
sans qui la réussite du mouvement dans
la métropole parisienne n’aurait pas été
possible. Et c’est précisément ces
alliances, ces rencontres, ce travail
politique qui sont ciblés dans le cadre
de l’affaire qui m’a conduit aujourd’hui
à être de nouveau incarcéré et qui place
une fois de plus l’antifascisme autonome
sur le banc des accusés. Car il s’agit
bien ici d’une stratégie commune de
l’extrême droite et des institutions
répressives qui tentent par la voie
légale, pénale et carcérale, de s’en
prendre au mouvement et à ses différents
protagonistes.
« La violence qui
s’est abattue sur le mouvement des
Gilets jaunes vient de loin »
Ce que j’ai décrit
précédemment n’est pas quelque chose de
nouveau. Depuis des décennies l’État
français et l’extrême droite sont
intimement liés dans la défense d’un
capitalisme néocolonial – depuis la
guerre d’Algérie et l’instauration du
premier état d’urgence, qui sera à
nouveau mobilisé pour tenter de mater
les révoltes des quartiers populaires en
2005, puis à l’encontre des musulmans au
prétexte de la lutte anti-terroriste,
avant de s’abattre contre le mouvement
social traditionnel et de s’étendre à la
société dans son ensemble par la
constitutionnalisation de ses
prérogatives. Si la rencontre entre
Gilets jaunes et quartiers populaires
n’est restée pour l'instant qu’à l’état
embryonnaire, il est nécessaire de
rappeler que la violence d’État quant à
elle fait depuis longtemps le lien entre
les habitants des banlieues et les
franges des classes populaires qui se
sont organisées au sein des dernières
mobilisations, en faisant des cibles
privilégiées. La violence qui s’est
abattue sur le mouvement des Gilets
jaunes vient de loin. Cette nouvelle
doctrine du maintien de l’ordre
s’élabore depuis la répression des
peuples en lutte pour leur liberté dans
les anciennes colonies françaises. Les
DAR et les BRAV ne sont que l’évolution
des BAC, elles-mêmes créées pour
réprimer les colonisés de l’intérieur
après la guerre d’Algérie. Le flash-ball
et les grenades qui ont mutilé tant de
gilets jaunes sont des instruments
perfectionnés depuis des années dans les
banlieues des grandes métropoles. Et
derrière toute cette violence, le
fascisme veille au grain, toujours prêt
à être mobilisé comme instrument de
cette même violence. Depuis l’OAS,
organisation d’extrême-droite recrutant
policiers et militaires pour commettre
des attentats contre les algériens.
Depuis les années 1980, où les groupes
fascistes ratonnaient les étrangers,
avant de passer le relais aux forces de
l’ordre, qui ont depuis retrouvé le
monopole de la violence raciste, à
travers son vecteur principal : les
violences policières quotidiennes qui
continuent à humilier, mutiler et tuer
les habitants des quartiers populaires,
parce qu’ils sont pauvres, noirs, arabes
ou musulmans. Depuis longtemps, la
police d’État et les groupes fascistes
se partagent la violence raciste. Et
c’est aujourd’hui cette même violence,
construite dans la collaboration entre
l’extrême-droite et les forces de
l’ordre, qui a été mobilisée contre le
mouvement des Gilets jaunes et ses
différents acteurs. La police et
l’extrême-droite collaborent à une cause
commune : mater les révoltes populaires
et défendre le système capitaliste.
« Le fascisme est
une tendance matérielle qui se développe
au présent »
Les dernières
semaines ont offert un concentré
spectaculaire de ce processus qui ne
cesse de s'approfondir. La police, prise
dans une radicalisation ininterrompue,
se comporte toujours plus comme une force
autonome : que l'on songe au meurtre
de Steve à Nantes lors de la fête de la
musique, que l'on songe à la
manifestation illégale devant le siège
de La France insoumise appelée par le
syndicat d’extrême droite Alliance, ou
tout récemment à la plainte déposée
contre Assa Traoré (ultime étape d'un
acharnement sans limite). À chaque pas
en avant, les policiers reçoivent le
soutien indéfectible du gouvernement, à
chaque nouveau crime, ils savent pouvoir
compter sur sa couverture systématique.
Pendant ce temps-là, Marion Maréchal-Le
Pen5
et Éric Zemmour rivalisent de rhétorique
haineuse et appellent sans complexe à
des pogroms contre les musulmans en
direct sur la chaîne de télévision d’un
milliardaire français. Quant à Macron,
qui a beau jeu de se poser en rempart
face à l’extrême-droite, il ne se
contente pas d’appuyer aveuglément sa
police déchaînée, mais décide de lancer
une campagne sur l’immigration en
reprenant littéralement les mots de
l’extrême droite. La question n'est pas,
comme le pense une social-démocratie
aussi passive qu'apeurée, d'y voir les
symptômes d'un sombre futur, les
prémices du fascisme qui vient –
possibilité dont on ne saurait se
prémunir qu'en faisant confiance aux
« progressistes » auto-proclamés et
autres défenseurs du « front
républicain ». C'est tout le contraire
que nous montre la situation actuelle :
le fascisme n'est pas un horizon, c'est
une tendance matérielle qui se développe
au présent, au sein même des
institutions – et que le macronisme,
loin de constituer un rempart, accélère.
C'est à cette mutation autoritaire de
l'État que les mouvements sociaux
naissants, dans leurs tentatives
d'alliances et de renforcement
réciproque, auront à se confronter.
« Toute lutte
révolutionnaire ne peut être qu’anticarcérale »
Il ne s’agit donc
pas seulement ici de réclamer ma
libération et l’abandon des charges à
l’encontre des antifascistes inculpés.
Même si c'est
là l’un des enjeux de la lutte qui
s’ouvre à nous, il serait stérile et
sectaire de rester centrés sur
nous-mêmes, assurant la défense de nos
forces à un moment où la répression
s’abat sur des franges de plus en plus
larges des classes populaires. Si l’une
des grandes forces de l’État est bien
l’art du mensonge, de la déconstruction
de la vérité, de la manipulation des
faits et de leur réécriture médiatique,
notre rôle à nous, en tant
qu’antifascistes, est de réaffirmer le
lien réel et fondamental qui unit les
luttes actuelles, de l’antiracisme aux
luttes contre la précarité. Nous ne
devons pas oublier que des milliers
d’êtres humains périssent aux portes de
l’Europe. Nous ne devons pas oublier les
jeunes de Mantes-La-Jolie, et les
victimes des crimes policiers, depuis
Malik Oussekine jusqu’à Adama Traoré et
Zineb Redouane. Nous ne devons pas
oublier les victimes des crimes
fascistes, depuis Brahim Bouharam
jusqu’à Clément Méric, mort sous les
coups de nervis d’extrême-droite il y a
quelques années. Il est ma force au
quotidien et mon phare dans la pénombre
du monde carcéral. Nous ne devons pas
oublier tous les Gilets jaunes blessés
ou enfermés dans les geôles de l’État
français. J’ai croisé la route de
beaucoup d’entre eux derrière les
barreaux, souvent isolés, oubliés et
démunis de tout soutien politique
extérieur. Plus largement, nous ne
devons pas oublier toutes celles et ceux
qui peuplent les prisons françaises,
enfermés avant tout pour ce qu’ils sont
et ce qu’ils représentent. Toute lutte
révolutionnaire ne peut être qu’anticarcérale.
Nous ne devons pas
oublier que toutes ces choses sont liées
au sein d’un projet que nous devons
combattre, mais aussi, et surtout,
n’oublions pas que tous les mots, tous
les textes, toutes les postures de
principe ne valent rien si elles ne se
concluent pas par des actes. La séquence
de luttes qui s’ouvre doit être celle
des alliances qui se tissent depuis des
années et des fronts communs, celle de
l’autodéfense populaire et de toutes les
révoltes.
Antonin Bernanos
Prison de la
Santé, le 3 octobre 2019.
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