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Gaza - Palestine
Lettre ouverte à un enfant de Gaza
Othmane
Gamins de Naplouse - Photo G. Caré
AFPS
Lundi 12 janvier 2009
Cœur ouvert aux enfants de ton pays...
Cher Enfant de Gaza,
Je sais tu ne me connais pas, en plus je parle français mais
après tout, tu es un Enfant et tu pourras comprendre toutes les
langues, toutes les intentions. Tu es un Enfant.
Je t'écris de France...
...Un pays loin de ton pays, de ta maison. Dans mon pays, tu
sais, je suis un professeur des écoles, je suis un maître
d'école. Tous les jours dans ma classe, j'ai la joie de
participer à l'instruction et l'éducation des enfants de mon
pays.
Je t'ai vu à la télé, je t'ai vu dans les journaux...J'ai vu
aussi que la « seule démocratie du Moyen-Orient » a tué 800
personnes de ton pays (ou de ce qu'il en reste) en deux
semaines. Tu vis un massacre. Si je t'écris c'est que je
souffre, j'ai mal au fond de moi, je pleure...Oui, même des
grands peuvent pleurer, tu n'est pas le seul mais après ça va
mieux. J'ai entendu à la radio qu'il y avait des enfants qui
étaient restés près de leur maman, morte. En plus, les soldats
qui occupent ton pays ont empêché les secours qui voulaient
aider ces enfants. Cette image je ne l'oublie pas, comme toi, tu
n'oublies pas tout ce que tu vois. Nous n'oublierons pas,
Enfant, le cynisme et la barbarie, nous allons lui offrir des
sourires et de beaux dessins, de justes desseins.
Ils veulent dessiner l'Apartheid, on dessinera l'espoir.
Je sais que tu ne vas
pas à l'école, tu n'y vas plus, des soldats valeureux l'ont
peut-être détruite. Je te parle car je t'ai vu jouer sur un tas
de pierre avec tes copines et tes copains. Oui, je sais, tu
joues encore, car tu es en jouant, si tu ne joues plus, tu te
meurs, tu meurs comme disent de grands spécialistes des enfants.
Oui, il existe des personnes qui te connaissent bien et
connaissent ta souffrance. Ta souffrance? La notre aussi, ne
t'inquiète pas, Enfant. Tu joues encore, même dans un enfer de
ferrailles, d'odeurs, de bruits horribles qui t'empêche de
dormir toi et ta famille. Dans ma classe, je découvre les
guerres du passé avec mes élèves, toi tu les vis. Je leur
explique les droits des enfants qu'ils ont la chance d'avoir,
toi on te les vole, on les viole. Je leur explique qu'en France
nous vivons pour et grâce à de merveilleux principes: la
liberté, l'égalité, la fraternité. Il n'y a que le mot
fraternité que tu dois comprendre. La liberté c'est toi, mais tu
ne vas sûrement pas la voir chez les grands, on leur a volée en
grandissant.
Tu sais, dans ma classe, avec les enfants on apprend à écrire,
on fabrique des livres, on écrit un journal, on apprend à
réfléchir, on apprend à penser...Peut-être qu'un jour, ils
pourront t'écrire et te parler! Toi aussi tu pourrais nous
écrire, nous raconter ta vie, tes jeux et peut-être nous rendre
visite. Nous on ne pourra venir chez toi, car les grands de ton
pays vivent dans une grande, grande prison à ciel ouvert. Le
monde des grands est vraiment injuste, tu sais.
Dans le monde on parle de justice mais à la racine, on l'a
arrachée.
Quand tu grandiras...enfin si tu peux grandir, tu verras
l'hypocrisie du monde, l'hypocrisie de beaucoup de gens qui
parlent de principes partout mais ne voudront jamais les
appliquer pour ton pays. Pour eux, tu n'existes pas, la
souffrance et la mort de tes camarades n'existent pas, ton
humanité n'existe pas. Tu sais dans mon pays, nous donnons tout
aux enfants, on essaie de tout donner. Tu comprendras que dans
notre planète il existe des enfants qui ne sont pas comme les
autres, ils valent moins que les autres, ils ne représentent que
des statistiques macabres. L'enfance de ton pays est sacrifiée
sur l'autel des principes à géométrie variable.
Je t'écris de mon cœur...
...Ne t'inquiète pas, je
te le jure, beaucoup dans le monde, t'aiment. Tu es en nous, on
fera tout pour te rendre le sourire, c'est juré. Beaucoup ont
conscience de leur profonde humanité, de la fragilité et de la
grandeur de leur existence.
Je vais te proposer un jeu, si tu le veux. Je sais que dans ton
pays il y a de superbes oliviers. Tu sais, je vais planter un
petit arbre chez moi, je te demanderai de planter un olivier
dans le coin de terre que tu trouveras. Demande à tes copains de
t'aider et arrosez-le de temps en temps (je sais que l'eau te
manque, elle est plein de saletés). Chaque fois que je verrai
cet arbre, je penserai à toi. Pense à nous quand tu verras le
tien. Un jour ces arbres donneront leurs fruits. Et puis je sais
que la vie est fragile pour toi et tes copains, apprend leur ce
jeu.
Enfin, tu sais que tous les enfants du monde te connaissent, ils
sont comme toi. Ils sont la vie qui rayonnent en nous. Continue
à jouer, à sourire, à partager, à t'émerveiller, à t'exprimer, à
tâtonner...
Tu sais, ensemble, nous sommes le monde. Si tu n'es plus là nous
ne sommes plus rien. On a besoin de toi, pour retrouver notre
humanité et notre solidarité.
Mon rêve est qu'un jour les Frontières, Les Barrières, les
Œillères n'existent
plus!
Pour que l'on puisse te rendre visite et t'aider à prendre soin
de ton olivier. Tu pourrais venir chez nous, en France,
pour nous apprendre l'humanité et la joie de vivre.
Si tu n'es plus, nous ne sommes plus rien.
Cœur ouvert aux enfants de tout pays...je t'écris.
Othmane
Un professeur des écoles, un citoyen du monde.
Crédits photo : G. Caré - AFPS
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