CIREPAL : Centre
d'information sur la Résistance en
Palestine
La seule alternative : la
résistance
Interview de M. Ziyad Nakhaleh
Jeudi 31 janvier 2019
M. Ziyad Nakhaleh,
secrétaire général du mouvement du Jihad
islamique en Palestine, a récemment
accordé au centre « Baheth » cette
interview
Question :
Après avoir pris vos fonctions de
secrétaire général du mouvement du Jihad
islamique, nous avons assisté à
plusieurs réactions négatives, notamment
de la part de l’ennemi sioniste, qui
vous décrivent comme un dirigeant
extrémiste. Que répondez-vous à ces
allégations ?
Réponse : Je
ne suis pas extrémiste, mais Palestinien
résistant à l’occupation. Cette
catégorisation adoptée par
l’ennemi israélien ne s’applique pas aux
Palestiniens ; les Palestiniens sont un
peuple qui subit une grande injustice,
sa terre a été spoliée et un autre
peuple a pris sa place. Par conséquent,
ce peuple doit se battre et défendre son
droit à la vie et à la terre. Si celui
qui défend sa terre est considéré
extrémiste, je le suis. Le Palestinien
doit combattre « Israël » et défendre
son peuple, consacrer tout ce qu’il
possède, même son âme, dans la voie de
la résistance à l’occupation. « Israël »
peut dire ce qu’il veut à notre propos,
et nous, nous pouvons agir comme nous le
voulons.
Si « Israël »
considère que le combattant est
extrémiste, c’est un grand signe
d’honneur pour moi que de l’être selon
la conception israélienne, car je penche
entièrement vers la
cause de mon peuple.
Q. : Vous
avez maintes fois insisté sur le
maintien de la résistance comme unique
alternative pour libérer la terre.
Tenez-vous toujours à cette optique dans
le cadre de l’insistance de l’Autorité
palestinienne à parier sur le choix du
règlement ?
R. : Quelle
que soit l’attitude de l’Autorité, et
tout ce qui se dit à propos de la
situation palestinienne, les
Palestiniens n’ont d’autre choix que le
combat s’ils veulent retourner en
Palestine et y vivre dignement. Les
autres voies ne conduisent pas à la
Palestine.
« Israël » n’avait
pas pu mettre en place une police
palestinienne composée de citoyens
palestiniens avant les accords d’Oslo.
Mais après la défaite de l’OLP au Liban,
en 1982, l’Israélien est parvenu à lui
faire signer un accord, après la
dispersion de ses forces suite à
l’agression sur Beirut. Cet accord entre
« Israël » et l’OLP avait pour objectif
de créer une police palestinienne
gouvernant les citoyens.
En réalité, l’accord d’Oslo ne fut pas
un accord, mais une formule entre
vainqueur et vaindu, où les forces de
l’OLP dispersées dans plusieurs pays ont
été introduites en Palestine pour
maîtriser le mouvement des gens qui
refusaient l’occupation.
Ensuite,
l’expérience a prouvé qu’ « Israël » n’a
pas respecté cet accord, car ce n’était
pas un accord juridique, il n’était pas
protégé par le conseil de sécurité ni
par l’ONU, mais ce fut plutôt un accord
entre une partie puissante et une partie
faible, qui est mort à l’instant même où
a commencé son application.
Plus tard, le
peuple palestinien s’est révolté contre
l’accord d’Oslo. Nous avons assisté en
2000 à la grande Intifada. Les
conséquences de cet accord
catastrophique, nous les percevons
aujourd’hui, lorsque l’Autorité de
Ramallah est devenue un simple outil
recevant l’aide et l’argent d’
« Israël » ; même les bombes de gaz avec
lesquelles l’Autorité affronte les
manifestants à Ramallah sont de
fabrication israélienne. Par conséquent,
l’Autorité palestinienne est devenue,
avec regret, une police de répression
des citoyens pour le compte
d’ « Israël ». Tout au long de 25 ans,
nous avons perdu la Cisjordanie pour le
compte des colonies israliennes ; la
Cisjordanie qui a une superficie de 6000
km2, Les Palestiniens n’y circulent que
sur 40km2 seulement.
La Cisjordanie
s’est transformée en colonies et en
casernes militaires. Selon le
plan israélien, le nombre de colons en
Cisjordanie atteindra en 2020 le chiffre
du million. Le résultat de l’accord
d’Oslo fut une défaite dont les
Palestiniens paient le prix, l’Autorité
n’a pu diriger le peuple palestinien ni
concrétiser ses aspirations légitimes.
Q. : Au
cours des affrontements militaires et
populaires avec l’occupation israélienne
dans la bande de Gaza, le rôle du
mouvement du Jihad a été particulier.
Que pensez-vous de la stratégie des
marches du retour et dans quelle mesure
elles complètent la stratégie de la
résistance militaire ?
R. : Le
peuple palestinien possède un esprit de
résistance élevé, les dirigeants et les
organisations ont un rôle important,
soit ils mènent le peuple vers
l’élévation et la résistance à
l’occupation, soit ils l’entraînent dans
une autre direction.
Lorsque le
dirigeant est en situation d’échec
intérieur, il ne peut élever son peuple
pour résister à l’occupation ; nous
pouvons (en tant que dirigeants et
organisations) déplacer le peuple
palestinien vers un état de résistance ;
le mouvement du Jihad islamique y a un
rôle primordial. Les marches du retour
font partie de la marche du peuple,
elles ont été déclenchées pour ajouter
un nouveau moyen à l’état de
résistance ; le monde a atteint un tel
degré d’insolence pour dire au peuple
palestinien d’abandonner sa patrie. Pour
cela, le peuple est sorti pour annoncer,
par sa marche pacifique, qu’il tient
toujours à son droit au retour et à la
résistance.
Les marches ont
satisfait le désir d’une partie du
peuple qui a considéré qu’elle pouvait
convaincre le monde du droit au retour
et à la vie, à travers ces marches.
Cependant, les marches du retour ne sont
pas un objectif central, ni un objectif
final, mais plutôt un outil parmi les
autres utilisés par le peuple
palestinien pour résister à
l’occupation.
Je pense qu’il n’y
a pas d’autre alternative à tout
Palestinien dans le monde, quelles que
soient les causes et les justifications,
autre que la revendication de son droit
au retour et son droit à sa patrie.
Les Arabes ont
essayé de lancer plusieurs initiatives
de paix avec « Israël ». Mais le temps a
prouvé qu’ « Israël » ne veut pas la
paix, comme par exemple l’initiative de
paix égyptienne, ou l’accord de Camp
David, qui n’a eu aucun impact sur la
domination d’ « Israël » sur la région ;
car ce fut un accord au détriment du
peuple palestinien et du peuple
égyptien, alors qu’ « sraël » a
poursuivi son agression. Tout comme
l’initiative de « paix » arabe, qui
était plus grave que la promesse
Balfour, « Israël » ne l’a pas acceptée,
car elle incluait un retrait israélien
de la Cisjordanie.
Donc, « Israël » ne
donne aucune occasion pour la paix,
c’est un Etat fondé sur la spoliation de
la terre. Quiconque appelle à un projet
de paix avec « Israël » a choisi la voie
de la défaite.
Nous sommes les
propriétaires de la terre, il n’est pas
convenable pour les peuples arabes
qu’ils se soumettent à l’invasion
sioniste de la région, invasion soutenue
par l’Occident, et notamment par les
Etats-Unis.
Q. : Nous
avons remarqué l’intérêt égyptien à la
réconciliation palestinienne et la levée
du blocus contre la bande de Gaza, mais
il n’y a eu aucun résultat à ce propos.
Quelle est la nouvelle conception du
Mouvement du Jihad islamique concernant
les efforts en vue de la réconciliation,
qui ne devraient pas altérer les
constantes déclarées par les
organisations palestiniennes ?
R. : la voie
de la réconciliation était bloquée car
nous ne sommes pas parvenus à un accord
clair et précis, soit à un projet
national palestinien. L’Autorité est
attachée à sa position basée sur
l’accord d’Oslo, elle a pris
l’engagement envers les « Israéliens »
de n’autoriser aucune arme ni aucune
résistance.
Quant aux
organisations de la résistance
palestinienne, et à leur tête le
mouvement du Jihad islamique, elles
refusent la formule de l’accord d’Oslo.
C’est pourquoi il n’est pas possible de
mettre en place un programme commun
entre l’Autorité palestinienne et les
organisations de la résistance. Et parce
que l’Israélien est présent dans tous
les dossiers, l’Autorité ne peut oser
formuler un accord incluant la
reconnaissance de la résistance.
Quant au rôle
égyptien, il est important, nous en
avons besoin pour améliorer la situation
palestinienne, notamment dans la bande
de Gaza. Mais l’Egypte reconnaît
l’Autorité en tant que partie légale
représentant le peuple palestinien, et
de ce fait, elle est d’accord avec la
voie de l’Autorité pour signer un accord
de paix avec « Israël ». De même,
l’Egypte considère que la bande de Gaza
représente une menace à la sécurité de
la frontière égyptienne. La vision de
l’Egypte est celle de la poursuite de ce
qui s’appelle processus de paix avec
« Israël ». C’est pourquoi l’Egypte joue
le rôle d’intermédiaire neutre (presque)
entre le Palestinien de Gaza et le
Palestinien de la Cisjordanie, et entre
les Palestiniens et les « Israéliens » !
Je pense que
l’Egypte ne joue pas son rôle naturel
comme étant le plus grand Etat arabe,
devant soutenir clairement
la résistance. C’est pourquoi il
n’y a pas de réalisations égyptiennes
concernant le dossier de la
réconciliation palestinienne.
En tant que
mouvement du Jihad islamique, nous
pensons que la réconciliation doit
inclure un programme politique qui
protège et adopte la résistance, tout
comme nous refusons l’accord d’Oslo.
Comment est-il possible que l’Autorité
palestinienne, incapable de gouverner la
Cisjordanie, où l’Israélien est le
gouverneur, veuille gouverner les forces
de la résistance dans la bande de Gaza.
C’est pourquoi il n’y a pas de
réconciliation dans le cadre de la
vision de l’Autorité palestinienne.
Cette insistance de
l’Autorité à remplir ses engagements
envers l’accord d’Oslo, qui n’a donné
aucun bénéfice au peuple palestinien, va
entraîner une séparation historique et
une menace historique à l’unité de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza. En
Cisjordanie, « Israël » détient les
rênes de l’unité géographique et de
l’unité du peuple.
Par conséquent,
l’Autorité ne peut avancer d’un pas si
« Israël » ne l’approuve pas, et la
réconciliation est devenue liée à la
conception israélienne. « Israël » fait
en sorte de s’emparer entièrement de la
Cisjordanie et d’y liquider le rôle de
l’Autorité, et de faire de la bande de
Gaza l’identité politique du peuple
palestinien. Il y a, avec grand regret,
une large collaboration arabe dans ce
sens.
Q. : Après
avoir été élu à la direction du
mouvement du Jihad islamique, beaucoup
de choses ont été dites à propos de
votre financement et de votre
orientation iranienne, politique et
militaire et (confessionnelle). Comment
répondez-vous à ces allégations ?
R. : la
résistance palestinienne est évidemment
encerclée par tous, à l’exception de la
république islamique qui a ouvert ses
portes à la cause palestinienne, depuis
la victoire de la révolution islamique.
Elle a transformé
l’ambassade israélienne en ambassade de
la Palestine, et a reçu Yasser Arafat.
Le Fateh fut le premier mouvement à
nouer des relations avec l’Iran.
L’Iran est
aujourd’hui le seul pays qui soutient le
Palestinien, et elle paie le prix de ce
soutien avec le blocus qui est imposé
contre ce pays par les Etats-Unis et
d’autres Etats. Les Etats arabes,
malheureusement, ne soutiennent pas le
peuple palestinien mais lui demandent
des comptes s’il reçoit l’aide de
l’Iran. Quant à l’aspect confessionnel,
il a été introduit de force, mais n’a
aucune présence. Les Iraniens ne
cherchent pas à rendre shi’ites les
sunnites de Palestine, et le peuple de
Palestine ne tend pas vers l’adoption du
shi’isme.
A mon avis, la
carte confessionnelle ne devrait jamais
être abordée. Il faut qu’il y ait un
minimum de coexistence, de rencontres,
de rapprochement, sur la base que nous
sommes musulmans. Parler de la question
confessionnelle reste exagéré, et cette
exagération n’est pas éloignée des
complots qui se trament contre nous. Le
soutien de l’Iran, à nous et aux autres
organisations, n’a jamais été accordé
sur une base confessionnelle, et nous
poursuivons cette relation fraternelle.
Je peux dire que tous les moyens dont
dispose la résistance sont dûs à la
faveur du soutien que lui a accordé la
république islamique.
Q. :
L’alliance américano-sioniste vise à
liquider la cause palestinienne, avec
une complicité et même un soutien arabe,
par le biais de ce qui a été appelé
« deal du siècle ». Le mouvement du
Jihad islamique a-t-il une stratégie
claire pour faire échec à ce projet ?
R. : Il y a
deux dossiers essentiels pour les
Etats-Unis dans la région : le pétrole
et « Israël ». Il est probable que
l’intérêt des Etats-Unis au pétrole ne
soit plus très grand, mais les
Etats-Unis et l’occident demeurent des
soutiens puissants à « Israël ».
Depuis la fondation
de l’entité sioniste, l’Occident a tenté
de l’intégrer dans la région, par le
biais de ses projets de « paix ». Parmi
ces projets, le deal du siècle que Trump
essaie de mettre en place pour protéger
« Israël » et lui assurer une place
stable dans la région.
Quant à la
complicité arabe, elle est devenue
claire après le ciblage de la Syrie et
le ciblage de la résistance dans la
région. Elle est
également devenue claire après
l’ouverture arabe envers le projet
israélien et l’annonce de relations avec
l’entité sioniste. Certains Etats arabes
commencent à parler positivement
d’ « Israël » en disant qu’il fait
partie de la région. Par conséquent, le
simple fait de reconnaître « Israël »
signifie l’annonce de la défaite arabe
face au projet israélien.
Le régime arabe, en
tant que régime, a subi la défaite face
au projet sioniste, et les Palestiniens
ont été abandonnés seuls pour affronter
ce projet. Le peuple palestinien n’a
d’autre alternative que la résistance,
et ne pas se soumettre à cette honteuse
ouverture arabe à « Israël ».
Tout ce qui se
passe dans la région vise à entériner
« Israël », que le projet s’appelle
« deal du siècle » ou autre. La réussite
de ce projet ou son échec dépendent de
nous, les Palestiniens, et de la
résistance en Palestine, tout comme ils
dépendent des êtres libres dans la
région et de ceux qui soutiennent la
résistance, comme le Hezbollah et
l’Iran. Le rôle de la Syrie dans le
soutien à la résistance est également
important.
Mais, nous en tant
que Palestiniens, nous sommes grandement
déçus par le régime arabe, tant au
niveau du soutien, de l’appui ou du
réconfort. Donc, notre problème n’est
plus seulement « Israël », mais
également ce régime arabe conçu pour
résorber les conséquences de la présence
de « l’Etat d’Israël ». Auparavant, on
disait que la Jordanie a été fondée dans
ce but, mais il semble aujourd’hui que
le régime arabe ait été taillé pour
résorber la domination d’ « Israël » sur
la Palestine. Nous payons par conséquent
le prix de la faiblesse du régime arabe
face à « Israël ». Mais nous
affronterons « le deal du siècle » et
tout autre deal visant à liquider la
cause palestinienne, ou à entériner la
domination d’ « Israël » sur ce qui
reste de la Palestine.
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