VOSTFR
Norman Finkelstein sur l'élection de
Netanyahu, le racialisme en Israël et
les « Jihadistes Juifs »
Capture
d'écran PalSol
Mardi 24 mars 2015
Interview-débat entre Norman
Finkelstein et Gil Hoffmann (Jerusalem
Post), présenté par Peter Lavelle –
CrossTalk, Russia Today, 20 mars
2015.
Vidéo sous-titrée
en français : Norman
Finkelstein sur l'élection de Netanyahu,
le racialisme et les « Jihadistes Juifs
»
Vidéo originale
intégrale :
https://www.youtube.com/watch?v=elO0_NtL2iE
Traduction &
sous-titres :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Transcription
:
[Les
interventions de Norman Finkelstein sont
retranscrites intégralement. Les autres
sont résumées]
Peter Lavelle :
Norman, pour revenir à notre
question, quel est le vrai visage de
l'électorat israélien selon vous ?
Pourquoi ont-ils voté pour Benjamin
Netanyahou alors que les sondages le
disaient perdant auparavant ?
Norman
Finkelstein : Eh bien, toutes les
analyses montrent que durant les
derniers jours, Benjamin Netanyahu a
fait campagne sur deux points
particuliers : le premier point était «
Non à un Etat Palestinien », et le
deuxième est l'alarmisme raciste dans
lequel il s'était engagé en disant à
l'électorat juif israélien que les
Arabes votaient en masse, et qu'il
fallait une mobilisation pour stopper ce
raz-de-marée arabe aux bureaux de vote
et c'est cela qui a fait basculer les 4
ou 5% de voix en faveur de Netanyahu.
Maintenant, je suis d'accord avec M.
[Gil] Hoffmann [contradicteur de M.
Finkelstein, journaliste au Jerusalem
Post] pour dire qu'il se passe des
choses insensées dans la région, c'est
une évidence : vous avez les fous
furieux de Daech (Etat Islamique) en
Syrie et ailleurs, vous avez les fous
furieux Saoudiens, et bien sûr, vous
avez aussi les fous furieux israéliens.
Je ne vais pas me
mettre à chanter des hymnes patriotiques
à la gloire des Etats-Unis : nous avons
très clairement aussi des problèmes de
racisme, nous avons une police raciste,
nous avons un système judiciaire
raciste, mais la réalité est que durant
les deux dernières élections, le peuple
américain a élu à deux reprises un Noir
à la Présidence, un Afro-Américain. Mais
en ce qui concerne Israël, ils viennent
d'élire rien moins que le Grand Dragon
du Ku Klux Klan à la Présidence. Il y a
beaucoup de choses démentes qui se
passent en Israël, et ces élections ont
montré le véritable visage d'Israël, le
vrai visage de l'électorat israélien.
[Gil Hoffmann
soutient que Netanyahu est en faveur
d'un Etat Palestinien, mais pas tout de
suite, à cause du danger Daech ; que
Netanyahu n'est pas anti-Arabes
Palestiniens mais anti-ingérence
étrangère arabe].
Peter Lavelle :
Norman, en parlant d'influence
étrangère, si je peux revenir à vous,
que faisait Netanyahu à Washington ? Ca,
c'est une influence étrangère
intéressante sur la politique américaine
! Allez-y on vous écoute !
Norman
Finkelstein : En fait, Gil nous
donne un bon aperçu de la mentalité
israélienne. Il nous dit que le monde
entier, qu'absolument TOUS les
dirigeants du monde qui ont affirmé que
Netanyahu s'est opposé à un Etat
Palestinien, ils se trompent tous ! Ils
sont tous victimes d'illusions, ils sont
tous en plein délire ! Le New York Times
a tout faux, tous les dirigeants
mondiaux ont tout faux, car en réalité,
Benjamin Netanyahu a soutenu la solution
avec deux Etats ! Telle est la mentalité
israélienne ! Elle n'a rien à voir avec
le monde réel.
Il est manifeste
que Benjamin Netanyahu n'a jamais
soutenu une solution à deux Etats, et il
s'est maintenant ouvertement déclaré
contre. Et l'électorat israélien – car
il ne s'agit pas seulement de M.
Netanyahu mais également de tous les
partis à sa droite qui s'opposent à une
solution à deux Etats, et qui
représentent la majorité d'Israël.
Cela fait des
années et des années qu'on nous répète
que les Israéliens supportent une
solution à deux Etats, mais si vous
regardez les sondages d'opinion, 75% des
Israéliens sont en faveur de l'annexion
des principaux blocs de colonies, 75%
des Israéliens sont en faveur de la
conservation de la vallée du Jourdain
par Israël, 75% des Israéliens sont en
faveur de la conservation de l'ensemble
de Jérusalem pour Israël... Ce n'est pas
ça, la solution à deux Etats. C'est un
Etat « plus territoires complémentaires
» pour Israël, et une décharge pour les
Palestiniens. Tel est l'électorat
israélien. Telle est la réalité.
Si vous voulez
comprendre Israël, en tant qu'Américain,
tout ce que vous avez à faire, c'est
considérer la situation du Sud des
Etats-Unis avant le mouvement (noir) des
Droits Civiques. La même cruauté, le
même racisme implacable, le même
sentiment de supériorité. Mais en ce qui
concerne les Israéliens, ce n'est pas
seulement une supériorité envers les
Arabes, il y a cette sorte de
suprématisme juif, de supériorité juive
envers tout le monde. C'est pour cela
que lorsque M. Netanyahu est venu au
Congrès, les premiers membres du Congrès
qui se sont retirés sont les membres de
la coalition des Noirs, car ils ont
immédiatement compris qu'il ne
s'agissait pas seulement d'un
suprématiste juif, mais bel et bien d'un
sale raciste vicieux qui insultait le
Président des Etats-Unis car c'est un
Afro-Américain.
Tout le monde sait
bien...
Gil Hoffmann :
Est-ce que vous plaisantez ? »
Norman
Finkelstein : ...que si c'est George
Bush qui avait été au pouvoir et non
Barack Obama, M. Netanyahu n'aurait
jamais osé une telle provocation. Il l'a
fait car en plus d'être un suprématiste
juif, c'est un raciste.
Peter Lavelle :
Ok Norman, je veux vous accorder un
temps égal, si vous voulez répondre Gil,
allez-y, c'est le but de cette émission.
[Gil prétend que
Finkelstein n'a pas dit un mot de
vérité, qu'il n'y a pas de racisme en
Israël mais aux Etats-Unis. Il refuse de
s'exprimer sur les colonies pour Juifs
exclusivement et dénonce la menace
nucléaire iranienne. Il affirme que la
grande majorité des députés Juifs sont
pour un Etat Palestinien.]
Peter Lavelle :
Ok Norman, voulez-vous réagir brièvement
avant la pause ?
Norman
Finkelstein : Eh bien, nous avons là
un autre exemple du degré de connexion
d'Israël avec la réalité, à quel point
ce degré est faible. Il nous dit
maintenant, après que Netanyahu ait
explicitement déclaré sur une tribune «
Non à un Etat Palestinien » et qu'il ait
remporté ce qu'on caractérise maintenant
comme une victoire écrasante en Israël,
nous avons maintenant M. Gil Hoffmann
qui vient dans votre émission et nous
déclare que l'opposition à un Etat
Palestinien est inexistante en Israël.
C'est ce qu'il vous dit. L'opposition à
un Etat Palestinien...
Gil Hoffmann :
Ce n'est pas ce que j'ai dit.
[Interrogé sur
les colonies, Hoffmann répond que le
danger de l’Etat Islamique s’oppose à un
Etat Palestinien maintenant mais que
Netanyanhu y est favorable, et que ce
sont les Palestiniens qui ont élu le
Hamas terroriste qui rejette toute
négociation avec Israël.]
Norman
Finkelstein : Gil, vous êtes
vraiment en train de vous ridiculiser.
Vous n'êtes pas en Israël. Vous êtes sur
une émission qui est diffusée dans le
monde entier. Comment pouvez-vous dire
les choses que vous osez prononcer sur
cette émission ? Les Palestiniens ne
veulent pas négocier ? Ce sont les
Palestiniens qui sont un obstacle ?
Vous savez très
bien que votre Premier Ministre a dit «
Non à un Etat Palestinien ». Vous savez
très bien que l'électorat israélien,
pour recourir au langage employé
actuellement en Israël, a massivement
voté pour ce Premier Ministre. Vous
savez très bien que l'Autorité
Palestinienne a essayé désespérément de
parvenir à une résolution du conflit
avec deux Etats depuis maintenant 30 ou
40 ans environ, et avant l'Autorité
Palestinienne, c'était l'Organisation
pour la Libération de la Palestine :
déjà aussi loin qu'en 1976, 1978, les
Palestiniens essayaient de négocier une
telle résolution du conflit.
Vous savez très
bien que c'est Israël qui constitue un
obstacle, et pas parce qu'Israël est
maléfique. C'est un fait très basique :
Israël a une politique d'Occupation qui
ne lui coûte rien. Les Européens paient
les factures en Cisjordanie, et
l'Autorité Palestinienne fait le sale
boulot : ils emprisonnent et torturent
les Palestiniens – c'est ce qu'Israël
appelle la coopération sécuritaire –, et
les Etats-Unis protègent Israël sur le
plan diplomatique à l'ONU et dans
d'autres institutions internationales.
Par conséquent, pourquoi les Israéliens
devraient-ils se retirer (des
territoires occupés) ? Ils ont le beurre
et l'argent du beurre : ils peuvent
construire leurs communautés luxueuses
sur les territoires palestiniens, voler
les ressources aquatiques et la majorité
des terres arables palestiniennes, ils
peuvent se relocaliser dans les
territoires palestiniens avec des
subventions du gouvernement, et ils ne
perdent absolument rien. C'est une
Occupation qui ne coûte rien, et c'est
probablement la première Occupation
gratuite dans l'histoire de l'humanité.
Par conséquent, pourquoi les Israéliens
devraient-ils se retirer ?
Il n'y a qu'une
manière de parvenir à une solution à
deux Etats : c'est de faire en sorte
qu'Israël paie le prix de son Occupation
illégale, immorale et inhumaine des
territoires palestiniens qui dure
maintenant depuis bientôt un
demi-siècle.
[Gil Hoffmann
prétend que les Palestiniens ont refusé
une offre de paix juste d'Ehud Olmert en
2008.]
Norman
Finkelstein : Le problème avec M.
Hoffmann est qu'il compte sur
l'ignorance de vos auditeurs, mais je
suis désolé de vous dire, M. Hoffmann,
que je connais parfaitement le détail
des faits (historiques), et je vais les
rappeler.
Premièrement, [Olmert]
n'a pas offert 100% de la Cisjordanie :
il voulait garder pour Israël ce qui est
maintenant désigné comme 8.7% de la
Cisjordanie, mais qui constitue en
réalité les principaux blocs de colonies
[Hoffmann : « J'ai dit ‘avec des
échanges de territoires’ »], et qui
inclurait les ressources aquatiques
vitales qui reviendraient à Israël,
ainsi que la meilleure partie des terres
arables palestiniennes. Les Palestiniens
auraient été coupés en deux au Nord et
également au Centre avec le bloc de
colonies de Ma'ale Adumim s'étendant de
Jérusalem à Jéricho.
Vous prétendez
qu'il a proposé d'accueillir des
milliers de réfugiés. Mais considérons
précisément ce qu'il a proposé : il a
proposé d'accueillir 5000 réfugiés,
alors qu'il y a environ de 5 à 6
millions de réfugiés Palestiniens. Il a
proposé d'accueillir 5000 réfugiés, 1000
par an sur une durée de 5 ans au titre
de ce qui est appelé le « regroupement
familial ».
Et en réalité,
cette proposition a été avancée à titre
informel et Olmert était déjà en train
de quitter le pouvoir à cause de
scandales de corruption. Il n'y avait
donc aucune possibilité pour que cette
offre absolument insatisfaisante et
inacceptable [pour les Palestiniens]
soit mise en œuvre.
Gil Hoffmann :
Vous ne serez satisfait que lorsque
l'Etat juif aura complètement disparu.
Je vous connais, je connais votre passé
Norman
Finkelstein : M. Hoffmann, si vous
me connaissez, puisque vous prétendez me
connaitre, vous savez que je suis très
conservateur sur cette question : je
suis en faveur de l'application du droit
international qui préconise deux Etats
sur les frontières de juin 1967 avec une
solution juste de la question des
réfugiés. C'est ce que l'Assemblée
Générale des Nations Unies, comprenant
environ 165 pays membres, soutient
chaque année. C'est ce que la Cour
Internationale de Justice soutient.
C'est ce que les principales
organisations de droits de l'homme
soutiennent.
Gil Hoffmann :
Si des millions de réfugiés viennent de
partout dans le monde, il n'y aura plus
d'Etat Juif.
[Interrogé sur
une possible entente Obama-Netanyahu,
Gil Hoffmann répond que le peuple
américain ainsi que les Démocrates et
Républicains soutiennent Israël,
contrairement à Obama qui croit
vainement pouvoir faire pression sur
Netanyahu. Mais dès qu'Obama sera parti,
ça ira mieux.]
Peter Lavelle :
Norman, que répondez-vous à cela ?
Est-ce que la relation US-Israël a
vraiment des conséquences pour les
Palestiniens ?
Norman
Finkelstein : Voilà encore un autre
exemple de la mentalité israélienne. «
M. Obama essaie de faire pression sur
Netanyahu » [mots de Gil Hoffmann]. M.
Obama, les 4 autres membres du Conseil
de Sécurité permanent de l'ONU ainsi que
l'Allemagne essayent depuis longtemps de
négocier un accord diplomatique avec
l'Iran. Il n'y a que deux pays au monde
qui sont opposés à cet accord pacifique,
deux Etats déments qui rejettent la
diplomatie et veulent entrer en guerre
Gil Hoffmann :
Le Canada et l'Australie ? »
Norman
Finkelstein : Ce sont les
djihadistes wahhabis d'Arabie Saoudite,
et les djihadistes juifs d'Israël. Tels
sont les deux seuls extrêmes : l'Arabie
Saoudite et Israël…
Gil Hoffmann :
Et l'Egypte et les pays du Golfe.
Norman
Finkelstein : …veulent entrer en
guerre, et le reste du monde veut un
accord diplomatique. Et ensuite, M.
Netanyahu fait irruption au Congrès
américain afin d'humilier M. Obama.
M. Hoffmann, encore
une fois, je ne suis pas un nationaliste
cocardier, mais vous pensez vraiment que
le peuple américain a besoin que
Netanyahu vienne brandir son
illustration (issu des dessins animés)
Looney Tunes à la Daffy Duck pour nous
expliquer la diplomatie avec l'Iran ?
Excusez-moi, mais nous sommes assez
intelligents pour pouvoir comprendre ces
questions...
Gil Hoffmann :
J'ai les sondages pour les Etats-Unis,
70% des Américains soutiennent les
positions de Netanyahu sur l'Iran, pas
celles d'Obama
Norman
Finkelstein : ... sans les dessins
Looney Tunes de M. Netanyahu.
Peter Lavelle :
Très bien Messieurs, nous n'avons plus
de temps. La plupart des Américains sont
en faveur d'une solution à deux Etats.
Merci beaucoup à mes invités à New York
et à Jérusalem.
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