CIREPAL : Centre
d'information sur la Résistance en
Palestine
La grande marche du retour: interview de
Khalid al-Batsh, dirigeant de la
coordination nationale
Dimanche 6 janvier 2019
Dénigrée par certains, relativisée par
d’autres, critiquée, approuvée ou
soutenue, la « grande marche du retour »
se poursuit, depuis le 30 mars 2018.
Mouvement de revendication, de
résistance, de contestation, la « grande
marche du retour » est devenue au fil
des semaines, des martyrs et des
blessés, un phénomène incontournable
dans le paysage palestinien, et
notamment dans la bande de Gaza.
Pourquoi la « grande marche du
retour » ? Qu’a-t-elle apporté ? Quelles
sont ses spécificités en tant que
mouvement populaire ? Que signifie
l’accalmie ? Khalid al-Batsh, dirigeant
de la coordination nationale pour la
marche du retour et membre du Bureau
Politique du Mouvement du Jihad
Islamique en Palestine, a répondu aux
questions du journaliste de la chaîne
iranienne « al-Alam » le 29 décembre
2018 (extraits).
« Après 12 années de blocus injuste,
puis l’offensive américaine contre la
cause palestinienne, qui s’est
manifestée par « le deal du siècle »,
consistant à déclarer que la ville d’al-Quds
est la capitale de l’entité sioniste, le
transfert de l’ambassade américaine vers
al-Quds, et la suppression de la cause
des réfugiés palestiniens et la
réduction de leur nombre, la restriction
des services aux réfugiés (UNRWA), et la
course arabe en direction d’ « Israël »,
nous avons décidé d’affronter, au lieu
de nous laisser abattre, affronter par
les masses et les armes à la fois. Il
n’y avait pas d’autres choix, la
confrontation devait être directe, et
nous avons transféré la bataille et
l’action vers la ligne de cessez-le-feu
en 1948, vers les colonies de
« l’enveloppe de Gaza ». Nous avons
développé cette action pour protéger
notre droit au retour et briser le
blocus injuste contre la bande de Gaza.
L’une des premières conséquences de « la
grande marche du retour » fut la remise
de la question palestinienne sur le
devant de la scène et de l’intérêt
international. Ensuite, elle a permis
aux nouvelles générations d’entrer en
conflit avec les « Israéliens », alors
qu’il était prévu qu’elles soient
dévoyées et vidées de tout sentiment
national. Ces marches ont remis les
choses vers la voie juste et la
confrontation directe avec l’occupant.
Le plus important est que nous disons à
l’occupant « si tu fais pression sur
nous par le blocus et l’agression, nous
ne nous soumettons pas, nous ne levons
pas le drapeau blanc, nous ne cherchons
pas de solutions, mais nous marchons
vers les lignes du cessez-le-feu pour
combattre.
Nous avons annoncé
deux buts essentiels pour la « grande
marche du retour », d’abord protéger
notre droit sur la Palestine et les
constantes de notre peuple, et ensuite
briser le blocus. Il est vrai que
jusqu’à présent, aucun des deux buts n’a
été atteint, mais nous sommes certains
qu’en poursuivant les marches et la
pression sur les colonies à l’est de la
bande de Gaza, en fin de compte,
l’ennemi saura répondre et reculera, et
il reconnaîtra notre droit à la vie. Il
est certain que nous, nous ne pouvons
accepter la situation actuelle.
Je voudrai ajouter
que le 14 mai dernier, lorsque Trump a
annoncé que la ville d’al-Quds est la
capitale de « Israël », et qu’il a
transféré son ambassade, nous sommes
sortis ce jour-là en « millions pour le
soutien à al-Quds ». 3000 martyrs et
blessés sont tombés en un jour. Nous
avons dit notre mot ce jour-là, et nous
continuerons à le proclamer, et nous
paierons le prix, car c’est le prix
demandé pour protéger notre droit sur la
Palestine et la protection des lieux
saints, musulmans et chrétiens, dans al-Quds.
A la question de
savoir si « la grande marche du retour »
doit être revue ? Khalid al-Batsh a
répondu : « Elle a besoin d’être
développée, oui, d’être soutenue et de
se poursuivre. Nous sommes en guerre
ouverte avec cet occupant, dans tous les
sens et dans toutes les formes, la
bataille est ouverte aujourd’hui pour
les buts que nous avons cités. Que
faisons-nous de plus que de sortir et
dire : non au blocus, non à la
suppression du droit au retour ? Nous
sommes sortis avec nos corps, notre
chair, nos os, les jeunes sur la ligne
de séparation sont sortis démunis, la
poitrine exposée. Nous avons attaqué par
des outils à 100% pacifiques. Ils ne
portaient pas des RBG, mais seulement
leur conviction. Malgré cela, le monde
n’a pas répondu à nos revendications.
Nous essayons de
développer les marches, afin qu’elles
incluent notre peuple en Cisjordanie, et
plus tard notre peuple en 48, puis les
Palestiniens dans les pays autour. Ceci
est un essai, les marches deviendront
probablement un outil répandu et
important, nous pourrons probablement
retourner en Palestine par ce moyen.
Nous affirmons qu’il s’agit d’un outil
populaire, un acte populaire et
pacifique en même temps. Ce sont des
actions populaires protégées cependant
par les fusils de la résistance et de la
lutte. C’est pourquoi nous disons que
nous empruntons deux parcours
parallèles, les marches populaires et
pacifiques, et les fusils de la
résistance qui protègent les marches. Ce
dont nous avons été témoins les jours
précédents, au cours des deux
affrontements rapprochés, la bataille de
la riposte d’octobre, que les Saraya al-Quds
ont menée, et après l’agression contre
Gaza et le martyre de Nur Barakat, le
message est clair : le peuple est soudé,
il utilise le combat et la résistance
comme il le veut, dans le cadre d’un
état de symbiose entre les composantes
de la résistance.
A propos du cabinet
unifié de la résistance
Au départ, ce fut
la constitution du haut conseil national
des marches du retour et pour briser le
blocus, puis sur le terrain armé est
venu le cabinet unifié de la résistance,
avec la participation des forces de la
résistance, les Saraya al-Quds, les
Brigades d’al-Qassam, de Abu Ali
Mustafa, des Comités populaires et les
autres. Cette action a livré des
messages importants, disant que le
peuple palestinien est unifié sur le
terrain de la lutte, sur le terrain de
l’action populaire et le terrain de
l’action armée. Le message important est
que les constantes politiques et la
résistance rassemblent le peuple
palestinien, tout autre choix, par
contre, est sujet de discorde entre nous
Palestiniens.
Concernant la umma
arabo-musulmane
Nous n’avons jamais
douté des fils de notre nation
arabo-musulmane, la nation ne rassemble
pas uniquement les Arabes, mais les
musulmans, les peuples iranien,
pakistanais, indonésien, turc, tout
Arabe et tout musulman croit que al-Quds
est la première qibla, comme cela a été
révélé dans le saint Coran, et de ce
fait, nous avons placé notre confiance
et nous la plaçons toujours dans la
position populaire arabe et musulmane.
Les régimes nous ont déçus, tout au long
de 70 ans de conflit, les régimes se
disputent et se vantent de normaliser
leurs relations avec « Israël », ils
ouvrent leurs portes à « Israël » et les
ferment devant le peuple palestinien.
Après Dieu, nous plaçons notre confiance
dans les peuples qui pensent toujours
que la Palestine est une question
centrale et que l’ennemi sioniste est
l’ennemi central de la nation, et rien
d’autre.
Concernant
l’accalmie
La bataille est
ouverte avec « Israël ». L’ennemi
sioniste n’arrêtera pas son agression
contre nous, même si toutes les nations
interviennent, et nous nous continuerons
la résistance contre lui, même si ces
nations interviennent, c’est l’équation
du conflit, en toute clarté. Il n’y a
rien qui s’appelle « accalmie contre
accalmie », c’est une équation injuste.
Au Caire, en 2014, il y a eu des
ententes relatives à un cessez-le-feu,
des ententes acceptées par les deux
parties, le sioniste et le Palestinien,
par le biais du rôle égyptien.
Aujourd’hui, en cas d’agression, nous ne
reculons pas. Quand
l’Egypte propose de revenir aux ententes
de 2014, nous acceptons, ainsi que le
sioniste, mais nous n’accordons pas à
l’ennemi une accalmie, lui non plus ne
nous l’accorde pas. C’est pourquoi
lorsque l’agression s’intensifie, comme
le fait de tuer 5 Palestiniens, le
cabinet unifié de la résistance dit : si
tu continues à tuer des innocents, la
riposte sera militaire. Ce vendredi
(28/12), un martyr est tombé et 5
Palestiniens ont été blessés. Le message
du cabinet unifié a eu un fort impact,
malgré le déséquilibre criant des forces
militaires. C’est pourquoi il n’y a pas
d’accalmie, car nous sommes un peuple
sous occupation, nous avons le droit de
résister, par tous les moyens. Mais
certains moments, l’Egypte intervient
pour faire cesser le feu. Nous acceptons
seulement une accalmie de terrain, qui
s’achève aussitôt, la preuve en est
qu’il y a toutes les deux semaines un
retour aux accords. Pourquoi ? Parce que
nous savons que ce conflit ne peut être
conclu ou fermé, et notre tâche consiste
à garder la flamme de la résistance vive
sur la terre de Palestine. La résistance
ne s’arrêtera pas.
Quelle est la ligne
rouge qui vous oblige à riposter ?
« Nous avons dit
que nous respectons cette accalmie et le
cessez-le-feu tant que l’ennemi les
respecte. Concernant la lutte, nous
avons la permission de nous battre, Dieu
nous a autorisé la lutte et le jihad.
Mais nous riposterons à toute agression,
personne ne peut nous interdire de nous
défendre, aucune entente ne nous
l’interdit, car au départ, il s’agit de
notre terre, et par conséquent, nous
avons le droit de résister, selon le
texte du Coran et les textes
internationaux.
Mais il n’y a pas
de règlement, nous n’utilisons pas, en
tant que mouvements de la résistance, ce
terme. Tout ce qu’il y a eu, sous
l’égide de l’Egypte, c’est un
cessez-le-feu de terrain, ou un
désengagement. Notre règle d’or est
notre respect de l’accalmie et du
cessez-le-feu tant que l’ennemi les
respecte, mais s’il les rompt, le
cabinet unifié de la résistance
ripostera.
La situation interne
Après le sujet de
la grande marche du retour, le
journaliste a posé des questions
relatives à la situation interne
palestinienne et ses derniers
développements. Khalid al-Batsh a
répondu :
« Tout le monde
sait qu’il ne s’agit pas d’un conflit
entre le Hamas et le Fath, mais porte
essentiellement sur le programme
palestinien, entre ceux qui
reconnaissent « Israël » et ceux qui ne
la reconnaissent pas. Nous avon signé un
accord au Caire en 2011, et le problème
réside dans le refus de son application.
Le mouvement du Jihad Islamique, le
Front Populaire et d’autres avons
consacré des efforts pour une
réconciliation, mais l’unité nationale
palestinienne ne s’est pas encore
concrétisée. Il y a eu des initiatives
négatives, la plupart venant de Mahmud
Abbas, qui a instauré des sanctions
contre la bande de Gaza, et qui vient de
chasser Hamas du système politique, en
dissolvant le conseil législatif.
J’adresse un message à Mahmud Abbas, à
ce propos : si tu es convaincu de la
gravité du plan de liquidation de la
cause palestinienne qui est en cours, le
moment n’est-il pas venu de concrétiser
l’unité nationale ? » En réalité, la
clef de la réconciliation se trouve
entre les mains de Mahmud Abbas, lui
seul peut convoquer à une réunion des
secrétaires généraux des mouvements de
la résistance, pour discuter de tous les
problèmes et clore la phase de division.
Par ailleurs, le projet national a
besoin d’être clarifié, et l’OLP a
besoin d’être reconstruite. Cependant,
il faut d’abord réunir les secrétaires
généraux des mouvements palestiniens.
La dissolution du
conseil législatif traduit une crise.
S’il s’agit de sortir des accords d’Oslo
et du règlement politique avec
« Israël » et annuler la décision de le
reconnaître, et reconstruire l’OLP et la
participation nationale, nous approuvons
la dissolution, mais s’il s’agit de
chasser Hamas du système politique
palestinien, alors qu’il en fait
pleinement partie, cela ne fait
qu’entériner la division. Dans lle
premier cas, il faudrait également
revoir le poste de président et la
formation du gouvernement. Si Mahmud
Abbas ne va pas dans ce sens, il
entérine la division.
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