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Palestine - Solidarité

 

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Par Fériel Berraies Guigny. Paris

Wangari Maathai prix Nobel de la Paix 2004
« Le bien de mon peuple, de ma terre, de l'Afrique sont les moteurs de ce combat. C'est le combat de toute une vie» !


Wangari Maathai - Photo Brigitte Lacombe

Wangari Maathai a réussi le pari fou, d'ouvrir la voie à une prise de conscience sur les dangers qu’encourrait la planète et en l’occurrence, l’Afrique. Elle en obtint un prix Nobel de la paix, en 2004. Le développement durable devenait dès lors, un instrument idéal pour promouvoir la paix entre les peuples. Le Green Belt Movement qui n'est ni Greenpeace ni le World Wildlife Fund (WWF), qui n'a pas la puissance financière et médiatique de la fondation Al Gore, offrait une vision afro-africaine du problème. L’ONG se bat depuis des années pour que l'Afrique conjugue protection de l'environnement et développement communautaire. Pour Wangari Maathai, l'Afrique doit désormais réagir en adulte et en toute indépendance. Une belle leçon pour les communautés africaines qui n'avaient jamais commercialisé leur relation à la nature (...) Aujourd'hui, elles sont pourtant menacées par la mondialisation, la privatisation et le bio-piratage.
Wangari Maathai n'a pas reçu le prix Nobel pour son seul engagement écologiste, elle a aussi été récompensée pour son patriotisme en faveur de la démocratie et du droit des femmes. Entre 1978 et 2002, le Kenya a vécu sous la férule de Daniel Arap Moi, qui n'a accepté l'ouverture au multipartisme qu'en 1991. S'il n'est pas de comparaison possible avec l'Ouganda d'Idi Amin ou l'Éthiopie de Mengistu Haïlé Mariam, le régime Arap Moi reposait néanmoins sur la violence, la corruption et le népotisme ;  les droits de l'homme étaient bafoués chaque jour ; nombre d'intellectuels, furent contraints de s'exiler ; et, en 1997, lors de l'élection présidentielle, plusieurs centaines de manifestants succombèrent sous les balles de la police. Les Nobel de Wangari Maathai ou de Al Gore récompensent donc toute une génération de militants qui, à défaut de pouvoir s'exprimer sur la seule scène politique, ont travaillé au corps les sociétés, pour combattre le problème de l'intérieur. Mme Wangari Maathai s’est entretenue avec New African Woman, pour parler de son combat pour l’écologie et le développement durable en Afrique.

Bio Express : 

Wangari Maathai est née à Nyeri (Kenya) en 1940. Depuis son enfance elle a montré un tempérament fort. Études primaires et secondaires dans des écoles catholiques; diplôme en biologie à l'université d'Arkansas et master de Sciences à l'Université de Pittsburgh (Etats Unis). A partir de 1971 elle enseigne zoologie et anatomie vétérinaire à l'université de Nairobi.
A ce curriculum elle aimerait ajouter un engagement politique. Mais le parti au pouvoir, la KANU (Union Nationale Africaine du Kenya), n'accepte pas sa candidature, étant donné son caractère critique et indépendant. Elle travaille comme volontaire dans le Conseil National des Femmes du Kenya et organise des campagnes pour que les femmes plantent des arbres. Le mouvement Green Belt (Ceinture Verte) a débuté en 1977: jusqu'à présent il a planté 20 millions d'arbres et s'est battu contre la déforestation, oeuvre de lobbies économiques et politiques. Aujourd'hui, des femmes et des handicapés physiques ou mentaux gèrent plus de 5.000 pépinières.

Entretien avec le Professeur WANGARI MAATHAI :

1) Vous êtes très engagée dans le développement durable, allez vous participer au 6e forum mondial du développement mondial qui va avoir lieu au Congo sous le patronage de Denis Sassou Nguesso ?

Oui en effet, j’ai été invitée par le Président Sassou Nguesso à parrainer ce forum sur le développement durable qui se tiendra prochainement au Congo. J’y serai donc présente. J’ai été nommée Ambassadrice de bonne volonté pour le Congo et je milite pour la préservation de son Bassin, de sa grande foret et de tout son écosystème. Je reviens par ailleurs de Grande Bretagne où nous avons jeté les bases d’un Accord préliminaire pour ce projet, en présence des Ministres de Grande Bretagne et de la Norvège. Comme vous le savez sûrement, je suis très active pour ces causes notamment quand il s’agit de la promotion du développement durable dans notre Continent.

2) Quelles sont les autres parties d’Afrique menacées par la déforestation ?

Je pense en fait aux pays en bordure du Sud de l’Afrique, ceux qui sont notamment confrontés au désert du Sahara comme le Tchad et le Soudan. Mais la menace se retrouve aussi dans les pays plus au Nord, comme pour le Ghana. C’est un grand combat qui se livre dans ses régions avec l’avancée inexorable du désert qui est en train de réduire considérablement les terres.
Le Sud Ouest avec des pays comme la Namibie, la Botswana, l’Angola, ne sont pas à l’écart des dangers, puisqu’ils sont confrontés à l’avancée d’un autre désert, celui du Kalahari.

3) Qu’en est il pour l’ Afrique du Nord ?

Les pays de cette région ont très tôt compris les enjeux et les défis par rapport à l’avancée du désert, aujourd’hui ils se sont dotés d’une technologie qui leur permet de faire face aux aléas climatiques. Pour toutes les autres régions, ils sont un modèle de réussite. Mais s’agissant des pays du Sud, de notre Continent, à majorité des fermiers, il leur est difficile d’apprendre à faire usage de ces nouvelles technologies. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, ils restent complètement démunis face aux aléas climatiques, c’est aussi bien une question de moyens que d’éducation et ils n’ont pas encore réussi à apprivoiser la cohabitation dans le désert, ni à y faire face.

4) Vos combats cumulent la préservation de la biodiversité et la promotion des droits de l’homme au Kenya ?

Mon approche est avant tout une approche globale, la biodiversité est donc indissociable des droits humains. Il nous faut aujourd’hui parvenir en Afrique à la bonne gouvernance, et à la protection des droits de l’Homme. Cela est crucial si nous voulons cohabiter en paix. A mes yeux trois variables sont indissociables : bonne gouvernance, développement durable et paix. Ils sont inter reliés et participent à mon combat global pour la biodiversité.

Le Sommet de Rio et le protocole de Kyoto n’ont pas apporté la prise de conscience escomptée ? Que pensez vous de l’action de certains écologistes comme Al Gore ou le français Nicolas Hulot ?

Je suis toujours heureuse de découvrir ces initiatives individuelles ou issue de groupements régionaux ou d’initiatives internationales en faveur de la préservation de l’environnement. Il reste que, dans tous les cas de figure, c’est un combat de longue haleine, pour Al Gore comme pour moi, c’est l’engagement de toute une vie. Lui a commencé ce combat bien avant d’être nommé Sénateur, alors que moi, j’ai entamé mes campagnes de sensibilisation vers les années 70. S’agissant des rencontres comme le Sommet sur la Terre, ce qu’il faut se dire, c’est que ce sont avant tout des réunions de courtes durées, on a donc tendance à les oublier et forcément à oublier les résolutions qui vont avec. S’agissant du Protocole de Kyoto, tout ce que je peux avancer, c’est que les Nations Unies auraient pu un faire un meilleur boulot, si les Etats Unis ne s’étaient pas carrément désengagés. Car les pays du Nord ont plus focalisé sur son absentéisme que sur la nécessité de la mise en pratique du protocole !

5) Vous êtes une femme très engagée même politiquement, comment faites vous face aux pressions et aux menaces qui vous entourent ?

Oui mon travail, mes combats me mettent souvent face à des situations difficiles, simplement parce que j’aborde les problèmes selon une perspective globale. Au Kenya par exemple, je suis souvent confrontée à des problématiques en rapport avec la démocratie, l’Etat de Droit, la justice sociale et il est vrai que je croise par conséquent le chemin de certains politiques. Des politiques qui ne partagent pas toujours mes vues car plus investis dans des cheminements individualistes au détriment du peuple kenyan qui souffre. Je n’hésite pas à aborder les problèmes au risque de m’attirer des non sympathisants, mais je me dis que c’est mon devoir, c’est mon combat et je ne peux y déroger. Le bien de mon peuple, de ma terre, de l’Afrique sont les moteurs de ce combat. C’est le combat de toute une vie.

6) Vous restez très sceptique quant aux initiatives des organisations internationales, que préconisez-vous ?

Le plus grand danger qui attend l’Afrique c’est la dépendance vis à vis du Nord et des autres. Les leaders africains doivent réagir, réviser leur politique et apprendre à moins attendre des autres. Nous devons nous battre par nous même, trouver les moyens et les instruments de cette lutte par nous même. Valoriser nos compétences et nos ressources humaines, apprendre à mieux tirer profit de nos ressources naturelles. Apprendre à ne plus nous laisser exploiter par les pays riches. Et pour cela, seule la bonne gouvernance, la justice sociale pourra paver la voie d’une émancipation et d’une autosuffisance.

7) Pensez-vous que les problèmes africains doivent être résolus par africains ?

Absolument ! et nous en avons les capacités ! mais tout se fera selon les décisions politiques des leaders. Notre Continent est riche, il est temps que nous sachions en tirer un meilleur parti, il faut mettre fin à la dilapidation de nos ressources que nous ne cessons de brader au Nord alors que nos populations restent privées. Il nous faudrait davantage s’investir dans le développement durable, plutôt que dans les guerres ethnocides et fratricides !

8) Apres les conflits interethniques qui ont secoué le Kenya en 2007 où en est la réconciliation nationale ? Pourriez-vous nous en dire un peu plus s’agissant de votre programme « peace tent » ?

Le processus de réconciliation est en marche bien que lent, simplement parce que certains leaders ont réussi à bien endoctriner les populations. Avec ces campagnes d’endoctrinement on avait réussi à dresser les villageois les uns contre les autres au point qu’il se sont entretués et ont détruit les propriétés voisines. Aujourd’hui, on essaye d’éduquer à la paix, au pardon, nous voulons éviter tout sentiment de vengeance. C’est dans ce cadre qu’intervient le programme peace tent, nous devons apprendre aux citoyens la culture de la paix, de l’échange et de la cohabitation !

9) Que pensez vous de ce qui s’est passé en Afrique du Sud?

Le même scénario probable que l’on retrouverait sur un terrain où se côtoierait, pauvreté, chômage et injustice sociale ! Quand d’une part, il y a le dénuement le plus total, avec un taux de chômage exorbitant chez les jeunes et de l’autre côté de la barrière des nantis, cela ne peut générer que des frustrations, de l’envie, du ressentiment et on finit ensuite par imploser. En général on s’attaque à son voisin ou on transfère tous les maux de la terre, sur l’étranger ou l’immigré. C’est ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Un scénario qui sera malheureusement amené à se répéter tant que perdureront les inégalités sociales dans beaucoup de pays en développement en Afrique.

10) Que penser des réfugiés climatiques ne risquent-ils pas d’embraser la région ?

C’est en effet un phénomène à venir qui va avoir des conséquences terribles pour l’Afrique qui est menacée par deux déserts à la fois. Mais il y a une issue, et c’est le bassin du Congo qui est si riche en biodiversité, il pourra donner des espaces d’accueil aux populations du Sud, même du Nord ! C’est la raison pour laquelle, le Nord doit nous aider dans notre bataille pour garder nos arbres debout plantés au sol et non coupés !

11) Parlez nous de votre campagne “planter un million d’ arbres” ?

Nous avons lancé cette campagne en 2006 à Nairobi conjointement avec l’UNEP programme des Nations Unies pour l’Environnement et le Centre International Agro-forestier. Par ailleurs, comme vous le savez, je suis investie aux côtés du Prince Albert de Monaco par rapport à sa fondation sur la préservation de l’environnement. Je suis membre de son comité de Direction, bien que ne pouvant toujours assister aux réunions. Nous partageons donc un même combat pour la préservation des écosystèmes en danger. Aujourd’hui, je suis heureuse de dire que nous sommes parvenus à planter un million d’arbres. L’UNEP nous a par ailleurs conseillé, de planter 7 millions d’arbres avant 2009. Et c’est ce que nous nous attelons à faire.

12) Quelle est votre position par rapport à la Chine concernant certains conflits comme le Darfour?

C’est un pays puissant qui se targue d’avoir des intérêts pour l’ Afrique et d’être ami, alors pourquoi n’aide t-il pas l’Afrique à résoudre certains de ses conflits politiques comme le Darfour ? On ne peut accepter de faire des affaires avec un pays ou un Continent et fermer les yeux sur l’absence de bonne gouvernance !
Par ailleurs, si nous voulons empêcher que ces nouveaux partenaires de l’Afrique ne deviennent un jour des néo-colonisateurs économiques, il nous faut nous assurer une bonne gouvernance, pour pouvoir se protéger !

13) Que voudriez vous dire s’agissant de l’autre prix Nobel de la paix assigné à résidence, Aung San Suu Kyi ?

Qu’il faudrait justement que la Chine influe sur la junte militaire birmane pour libérer cette femme qui a un idéal de démocratie pour son pays.

14) Que pensez vous de la libération d’ Ingrid Betancourt ?

Je suis absolument ravie de cette heureuse issue et j’écris justement à l’Ambassadeur colombien à Nairobi pour le féliciter lui et son gouvernement. Je voudrais aussi rendre hommage à tous ceux qui dans l’ombre ont contribué à sa libération ! Un grand merci au Président Sarkozy qui n’a pas ménagé aussi ses efforts pour tenter de la libérer. C’est vraiment une grande victoire pour la démocratie.

15) L’Africa progress Report selon Koffi Annan, dénonce le fait que le G8 a failli à sa promesse vis à vis de l’augmentation de l’aide à l’Afrique, qu’en pensez-vous ?

Comme je l’ai dit antérieurement, il est temps que l’on se prenne en charge, nous sommes confrontés à plusieurs défis ; déforestations, changement climatique, désertification, crise alimentaire etc… il nous faut faire face en toute indépendance. Le Nord s’adaptera aux aléas climatiques mais pas nous si nous ne réagissons pas à temps !

16) Vous êtes la première femme africaine à obtenir le prix Nobel de la paix, que voudriez vous dire à ces femmes africaines qui ploient encore sous les traditions et le conservatisme de leurs sociétés?

Qu’il faut qu’elles se battent pour leurs droits jusqu’au bout. Mais je lance aussi un appel aux leaders africains car c’est leurs politiques qui décident de nos destinées ; il est temps de donner à la femme un droit à l’éducation, la liberté et l’émancipation. Le savoir sera son émancipation, ,elle pourra alors contribuer favorablement à l’évolution de sa société. La pauvreté est la pire des prisons mais l’ignorance est le pire des donjons ?
Il est temps de briser les tabous et les carcans des traditions, pour laisser la femme africaine évoluer, et faire évoluer les mentalités. Si on lui donne les moyens, elle forgera de façon durable sa société. 

Merci Professeur MAATHAI

Crédits :
NEW AFRICAN PROPRIETE EXCLUSIVE
Article de presse Courtesy of Fériel B.G Rédactrice en chef www.africasia.com
Publié le 10 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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