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Palestine - Solidarité

 

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IRIS

Rencontre avec Roger Cukierman
Pascal Boniface


Roger Cukierman - Photo CRIF

20 octobre 2008

Pascal Boniface, Directeur de l’IRIS, a recueilli les propos de Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) de 2001 à 2007.

« On s’est trompé sur moi, incontestablement en me qualifiant de dur. Je me suis trouvé confronté à une situation insupportable qui était une vague d’actes antisémites commis soixante ans après la deuxième Guerre mondiale et en face d’autorités politiques qui n’ont pas compris, au début, la gravité du problème. Donc il m’a semblé impérieux de réagir très vivement. »

Pascal Boniface : Vous venez de sortir un livre Ni fiers ni dominateurs aux Éditions du Moment. C’est un livre à la fois politique et personnel. Pour une partie du public vous êtes vu comme quelqu’un qui est assez dur dans le débat politique. Dans votre livre on peut aussi découvrir un homme qui a le sens de l’humour et revendique le dialogue. Alors est-ce qu’il y a deux Roger Cukierman ou est-ce qu’on s’est trompé sur la personne ?

 

Roger Cukierman : On s’est trompé sur moi, incontestablement en me qualifiant de dur. Je me suis trouvé confronté à une situation insupportable qui était une vague d’actes antisémites commis soixante ans après la deuxième Guerre mondiale et en face d’autorités politiques qui n’ont pas compris, au début, la gravité du problème. Donc il m’a semblé impérieux de réagir très vivement.

 

PB : Ce que vous appelez cette réticence des autorités à traiter le problème était également partagée par une partie de la communauté juive avec l’argument « plus on en parle, plus on suscite des mauvais exemples ». Donc ce n’est pas forcément par manque d’empathie à l’égard des juifs français que les autorités n’ont pas réagi immédiatement comme vous l’entendiez.

 

RC : Vous avez raison, il y avait d’abord une partie de l’establishment juif qui ne souhaitait pas que l’on réagisse trop vivement de crainte de susciter des vocations. Et puis il y avait aussi, et ce n’est pas un problème de sympathie ou d’antipathie vis-à-vis des juifs, un climat de violence banale, et pour les autorités de droite comme de gauche d’ailleurs, Lionel Jospin et Jacques Chirac en l’occurrence, le sentiment qu’à l’approche des élections de mai 2002 il était peut-être préférable que ce sujet ne soit pas l’objet de débats électoraux.

 

PB : La campagne de 2002 s’est largement faite sur la sécurité. Il y avait bien sûr l’agression contre des juifs, notamment en banlieues. Mais très souvent ceux qui s’en prenaient aux juifs s’attaquaient également aux écoles, aux bus.

 

RC : Bien sûr. Mais le nombre d’actes commis contre les juifs était sans commune mesure avec les actes commis contre d’autres groupes. On avait à cette époque-là un Premier ministre, Lionel Jospin, qui, peut-être par sa formation trotskiste, ne supportait pas l’idée du communautarisme. Pour lui, les communautarismes étaient complètement contraires à l’idée qu’il se fait d’une France uniforme et dans laquelle tout le monde est égal. Il a beaucoup de sympathie pour les juifs mais ne supporte pas l’idée du développement du communautarisme à l’intérieur de notre pays. Et je dois dire que je partage presque son opinion. J’ai vécu mon enfance à l’école laïque et républicaine, je n’ai pas vraiment reçu une éducation religieuse. Et je me suis trouvé brusquement confronté à une réaction de défense nécessaire, donc à un repli de la communauté sur elle-même. Et ce repli s’est opéré, en tout cas en ce qui me concerne, à mon corps défendant.

 

PB : C’est un peu l’un des problèmes de la société française, qui est à la fois riche de la diversité de ses communautés et qui perd de sa richesse si les communautés, soit se dressent les unes contre les autres soit se referment sur elles-mêmes.

 

RC : Je voudrais apporter une précision quand vous dites que les communautés se dressent les unes contre les autres. Il n’y a pas eu un seul acte commis par un juif quelconque contre les musulmans, il n’y a pas eu une mosquée qui ait subi des dégradations à cause de juifs. On se fait souvent dans les médias l’idée qu’il y a une confrontation entre juifs et arabes. C’était un danger tout à fait sérieux que personnellement j’ai beaucoup craint. Et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs j’ai développé des relations avec la communauté musulmane et ses dirigeants. Avec Dalil Boubaker, recteur de la Grande Mosquée de Paris, c’était très facile. Mais j’ai aussi rencontré à plusieurs reprises, ce qui m’a été parfois reproché, Fouad Allaoui de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), parce que j’ai considéré qu’il était essentiel que les dirigeants musulmans, même ceux qui étaient considérés comme extrémistes, fassent des déclarations rejetant l’antisémitisme. Et on est arrivé à obtenir ce résultat, ce qui a, je crois, permis d’éviter un plus grand nombre d’agressions.

 

PB : Vous dites au début de votre livre que vous n’avez pas vécu avec le réconfort de la présence de personnes âgées dans votre famille et que c’est le premier prix à payer à l’antisémitisme.

 

RC : Oui tout à fait. Mon père était arrivé en France dans les années 1930 et le petit noyau familial a survécu à la Shoah, mais tout le reste de la famille, resté en Pologne, a disparu. Je n’ai jamais su ce qu’était la famille, c’est quelque chose qui m’a beaucoup manqué. J’enviais mes camarades qui avaient des grands-parents.

 

PB : Et en même temps, contrairement à certaines représentations qui sont faites, vous vous inscrivez en faux contre l’idée d’une France antisémite et vous rappelez qu’à l’inverse de ce qui s’est passé dans d’autres pays européens, deux tiers des juifs français ont été sauvés, en grande partie par un réseau de solidarité parfois d’ailleurs inorganisé, spontané.

 

RC : Oui tout à fait. La France a été de ce point de vue relativement préservée. Les Justes qui ont sauvé les deux-tiers des juifs étaient des gens modestes : chrétiens, protestants, catholiques, ou communistes et athées. Presque toujours des gens extrêmement modestes alors que l’establishment, les juges, ou des membres de l’administration ont réellement collaboré et ont contribué à ce que 76 000 juifs soient déportés, dont seulement 2500 sont revenus.

 

PB : Vous insistez sur la diversité du CRIF ; il est parfois ressenti à l’extérieur comme étant monolithique. Vous affirmez au contraire qu’il regroupe différentes sensibilités et que d’ailleurs il ne représente pas tous les juifs de France, puisque certains estiment ne pas s’y sentir représentés.

 

RC : Oui, il y a des juifs, même parmi ceux de l’establishment, qui se différencient de la majorité des juifs sur les relations avec Israël. C’est vrai que certains juifs ne se sentent pas représentés par les institutions juives. Je n’ai jamais prétendu représenter les juifs, mais seulement la soixantaine d’associations politiques, sociales, religieuses ou culturelles qui font du CRIF le lieu le plus pluriel de la vie juive en France.

 

PB : Le CRIF est une petite organisation qui repose sur le bénévolat avec, je crois, deux ou trois permanents. Et parallèlement vous organisez un dîner annuel, pour lequel vous écrivez que vous refusez du monde. Y sont même présents des ambassadeurs de pays arabes qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël. Ce dîner donne donc à l’inverse une image de puissance de l’organisation.

 

RC : Oui tout à fait. L’organisation est modeste, mais elle compte, je vous rassure, plus que deux ou trois salariés. Le dîner du CRIF semble répondre à un besoin de dialogue des autorités politiques, mais aussi religieuses, économiques, syndicales, diplomatiques avec la communauté juive. C’est le seul endroit où l’on voit, selon Jean-Pierre Raffarin, la plupart des personnes qui comptent en France.

 

PB : Est-ce que ce phénomène ne suscite pas des jalousies dans d’autres communautés ?

 

RC :En effet, d’ailleurs tout le monde essaye d’imiter le CRIF. Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), organisation des Afro-antillais, essaye de bâtir aussi des réseaux qui finalement ressemblent beaucoup à ceux du CRIF.

 

PB : Vous parlez d’un moment de dialogue. Mais en même temps vous évoquez un événement marquant, le dîner de 2005, où vous avez pris une position qui a été jugée assez dure à l’égard de la politique extérieure de la France. Quelle est la part de dialogue au sein du CRIF ? Est-ce que le dialogue se fait avant quand vous envoyez votre discours au Premier ministre, ou bien est-ce le dîner qui est l’occasion d’un véritable dialogue ? Le dîner est-il plutôt un moment où le représentant des institutions juives expose un programme ?

 

RC : Le dîner est un point fort de la relation, mais ce n’est pas, heureusement, le seul moment. On a un dialogue quasi permanent avec les autorités politiques puisque le CRIF est une organisation à caractère strictement politique, le religieux étant assuré par le Consistoire. Le CRIF entretient des relations avec de nombreux ministères, avec le Premier Ministre, et avec le Président de la République. On s’exprime chaque fois que l’on peut le faire, mais en général de manière discrète. Le dîner du CRIF est le moment où on peut le faire de manière publique et s’il y a des choses qui nous ont choqués, on le dit. En tout cas, c’était ma doctrine. Et si ce discours a été peut-être plus dur que les autres années, c’est qu’il s’était passé deux événements qui m’avaient personnellement choqué. Tout d’abord, les hommages nationaux rendus à la dépouille de Yasser Arafat, avec La Marseillaise, le tapis rouge, la Garde républicaine, etc. Tout cela me paraissait excessif compte tenu du fait que cet homme, de mon point de vue, n’était pas un homme de paix et n’avait pas permis que les accords d’Oslo puissent se transformer en paix véritable. Il y avait eu aussi l’affaire Al Manar. Il s’agit d’une chaîne de télévision contrôlée par le Hezbollah, organisation que je considère comme une organisation terroriste. Des images diffusées par Al Manar, que j’avais transmises au Premier Ministre et à un certain nombre de gens, étaient épouvantables. On y voyait des comédiens déguisés en rabbins qui égorgeaient un enfant et le sang recueilli était censé alimenter les matzot. Il y avait plusieurs scènes de cet acabit. Et malgré cela, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait officiellement autorisé le Hezbollah à diffuser ces images en France.
Ces deux évènements m’ont conduit à réagir un peu fortement en disant que la politique étrangère de la France me posait un souci : elle ne contribuait pas à l’efficacité de la lutte contre l’antisémitisme. En diabolisant Israël, on donne des arguments à des personnes qui cherchent des excuses pour passer à l’acte contre les Juifs.
À ce propos, j’aimerais bien avoir votre point de vue : est-ce que vous êtes pour ou contre l’existence d’Israël ?

 

PB : Ça m’étonne presque que vous me posiez la question parce que je me suis exprimé de nombreuses fois sur ce sujet. Mais je vois que finalement alors que je me suis exprimé de nombreuses fois sur ce sujet, ma réputation me précède… Je répète donc que je suis pour l’existence de l’Etat d’Israël, qui représente le fait national juif. Mais disons que du côté d’Israël je serais plutôt du côté Yossi Bellin ou Abraham Burg.

 

RC : J’ai lu que vous défendiez l’aspect démocratique du régime des Mollahs.

 

PB : Ça c’est différent. J’ai dit que l’Iran n’était pas une dictature comme les autres, comme la Corée du Nord par exemple, qu’il y avait un caractère de démocratie imparfaite en Iran.

 

RC : Mais Hitler a été élu démocratiquement.

 

PB : C’est différent. Disons que l’Allemagne était encore un régime démocratique en décomposition, Hitler l’a transformée en régime totalitaire. Je pense qu’il y a encore une société civile en Iran, que d’ailleurs les juifs n’y sont pas menacés en tant que tels. Si je préfère évidemment vivre en France plutôt qu’en Iran, on ne peut pas pour autant classer ce pays parmi les dictatures du type de la Corée du Nord. C’est un régime un petit peu bancal, semi-autoritaire, dans lequel il existe une sorte de démocratie sous contrôle.

 

RC : Enfin où les femmes sont quand même persécutées, où la peine de mort est utilisée à plein régime et où le leader menace d’anéantir un État du Proche-Orient membre de l’ONU. Je ne vois qu’une différence entre Mahmoud Ahmadinejad et Hitler, c’est que Hitler n’avait pas la bombe atomique. Pour le reste je trouve qu’ils ont le même langage. Quand on entend Mahmoud Ahmadinejad, on se souvient de Mein Kampf.

 

PB : Je n’irais pas jusque-là car je pense qu’il n’est pas réellement au pouvoir, qu’il ne contrôle pas tout. Je sais que vous êtes très engagé sur l’Iran, et je pense que l’accession par l’Iran à l’arme nucléaire serait une catastrophe, qui aurait d’ailleurs des conséquences encore plus graves, et que nous avons tout intérêt à entamer un dialogue avec l’Iran pour faire que des gens comme Mahmoud Ahmadinejad deviennent minoritaires dans ce pays.

 

RC : Et vous croyez que c’est possible ?

 

PB : Oui je le pense. J’ai le sentiment que la guerre d’Irak explique partiellement les choses. L’Iran était un régime qui commençait à s’ouvrir. Comme souvent, la menace extérieure vient durcir le régime. Nous avons tous intérêt à ce que l’Iran n’ait pas l’arme nucléaire, ce qui éviterait des changements stratégiques majeurs. Et nous avons tous intérêt à éviter une guerre contre l’Iran. Je pense qu’une négociation globale entre les États-Unis et l’Iran est un moyen d’y parvenir.

 

RC : Je ne crois pas que ce soit possible. On ne peut pas discuter avec les dictateurs. On se fait avoir à tous les coups. J’ai encore du respect et de l’admiration pour Nicolas Sarkozy, mais il s’est planté dans sa relation avec les dictateurs. Quand il donne tous les honneurs possibles à Khadafi ou à Bachar al-Assad, il ne reçoit rien en contrepartie, et au contraire il se fait gifler par Khadafi qui refuse d’entrer dans l’Union pour la Méditerranée, par Bachar al-Assad qui assiste au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées, pendant que le Hezbollah obtient un droit de veto sur les décisions du gouvernement libanais.

 

PB : Oui enfin on obtient quand même l’élection d’un président libanais et on évite la guerre civile. C’est une question de fond. On aura effectivement du mal à avoir un accord. Mais j’estime que le monde est imparfait et que l’on doit faire un effort.

 

RC : Je suis d’accord sur la nécessité du dialogue avec les adversaires. Mais Nicolas Sarkozy pouvait envoyer Claude Guéant ou Bernard Kouchner dialoguer avec Bachar al-Assad et Khadafi. Car ces dictateurs ne recherchent qu’une seule chose, la respectabilité. Pour eux c’est l’objectif essentiel. Si vous la leur donnez sans contrepartie préalable, vous commettez une erreur politique.

 

PB : Est-ce que vous ne pensez pas que les contreparties on peut les voir plus tard ? Elles ne sont pas visibles immédiatement et sont une sorte de pari sur l’avenir.

 

RC : Les dictateurs ne sont pas des tendres et n’ont aucun esprit de bienveillance. Il faut négocier à la dure. Je dis la même chose pour Mahmoud Ahmadinejad. Quand Jacques Chirac a envoyé Douste-Blazy rencontrer le ministre des Affaires étrangères iranien à Beyrouth, ça m’a rappelé Daladier avant lui.

 

PB :Vous ne croyez pas qu’on fait trop souvent cette comparaison, cette référence sempiternelle à Munich ?

 

RC : Je crois qu’elle est essentielle dans la relation avec les dictateurs et il faut toujours avoir à l’esprit que le choix est entre Churchill et Chamberlain, entre de Gaulle et Daladier.

 

PB : Mais l’erreur n’est pas de discuter avec eux, l’erreur c’est d’accepter leurs propositions. On aurait très bien pu aller à Munich sans accepter les conditions d’Hitler.

 

RC : Vous savez, il y a la pression de l’opinion publique. Personne n’aime la guerre. C’est compréhensible. La tentation de la lâcheté est grande.

 

PB : Souvent, en sens inverse, l’opinion favorise les positions dures. Regardez entre Israéliens et Palestiniens. Souvent c’est l’opinion qui a surréagi à des accords de paix possibles entre les dirigeants. Le phénomène joue dans les deux sens. Le paradoxe est qu’il est plus difficile de trouver un accord de paix dans les démocraties que dans les dictatures, parce que dans les régimes autoritaires une fois que le chef a décidé, on ne tergiverse plus. Dans les démocraties, l’opinion peut au contraire surréagir. Regardez ce qui s’est passé aux États-Unis au cours de ce XXe siècle. Très souvent, y compris dans les démocraties, et peut-être même plus encore dans les démocraties, le sentiment de violence extérieure entraîne des velléités bellicistes de la part de la population.

 

RC : Je voudrais apporter une précision quant à la question de la création d’un Etat palestinien. Le CRIF y a toujours été favorable, et l’immense majorité des Israéliens également. Le problème est de trouver des interlocuteurs. Suite aux accords d’Oslo de 1993, on croyait que la paix était là. J’ai moi-même eu le privilège d’assister en tant que banquier en 1994 à Casablanca à une conférence de rêve : presque tous les dirigeants du monde arabe étaient présents, ainsi que 500 Israéliens dont Yitzhak Rabin et Shimon Peres. Puis les choses ont mal tourné. Je suis persuadé qu’Arafat n’a jamais été sincère. Deux preuves si vous voulez bien : d’abord, il a toujours porté son uniforme derrière lequel il y avait souvent un revolver. C’est un symbole fort. Par ailleurs, et c’est peut-être le plus important, les livres scolaires palestiniens n’ont jamais été changés.

 

PB : Ils ont été changés une fois qu’ils n’étaient plus fournis par la Jordanie et l’Égypte.

 

RC : De 1993 à 2000, il avait sept ans pour changer les livres scolaires, et enseigner aux enfants palestiniens qu’être israélien, ça n’était pas être le diable. Ça n’a pas été fait. Pour moi ça signifiait que profondément Yasser Arafat n’était pas sincère. Alors que Mahmoud Abbas l’est complètement. Et le malheur c’est que Mahmoud Abbas n’a pas un tempérament de dictateur, il n’a pas su faire plier le Hamas. Il a voulu éviter la guerre civile. Ce qu’on peut comprendre évidemment. Le résultat c’est que l’on a perdu tout espoir de paix. Toutefois, je pense que, comme l’OLP autrefois, le Hamas finira bien par reconnaître l’existence de l’État d’Israël et qu’à ce moment-là tout sera possible.

 

PB : Mais est-ce que vous ne pensez pas non plus que le risque est beaucoup plus grand pour Israël de ne pas aller jusqu’au bout dans la démarche de paix plutôt que de regretter l’absence d’interlocuteur ?

 

RC : Ça ne sert à rien de négocier avec Mahmoud Abbas, qui est un partenaire idéal mais qui n’a pas d’influence sur le Hamas. J’ai du mal à imaginer que le Hamas se soumette un jour à l’Autorité palestinienne même si les élections lui étaient défavorables.

 

PB : D’accord mais résultat des courses, Arafat a été diabolisé, Mahmoud Abbas est impuissant. Et donc Israël dit ne jamais avoir d’interlocuteur.

 

RC : Oui mais le résultat c’est qu’effectivement il n’y a pas de paix. La paix ne viendra que quand on aura fait la paix avec les extrémistes du Hamas.

 

PB : Est-ce que le sentiment des Palestiniens n’est pas compréhensible à partir du moment où le résultat des élections n’est pas reconnu ? Ne croyez-vous pas que cela empêche le dialogue ?

 

RC : Je demeure persuadé qu’il existe un dialogue possible. Viendra un jour, comme avec l’OLP, où ce dialogue se rétablira.

 

PB : Il est vrai que l’on sent qu’il y a peut-être quelque chose qui va se cristalliser prochainement et il faut le souhaiter. Dans votre livre, vous dites que les actes antisémites ont deux sources, les éléments du Proche-Orient, qui rétroagissent, et un problème d’intégration.

 

RC : Il y en a trois, car il y a aussi le traditionnel discours d’extrême droite.
Beaucoup de gens en France reconnaissent le droit à l’existence de l’État d’Israël et critiquent avec virulence la politique israélienne. Ce qui est tout à fait légitime, et les Israéliens eux-mêmes ne se gênent pas pour la critiquer

 

PB : Vous ne pensez pas que parfois le débat sur Israël est plus facile en Israël qu’en France ? En France, ceux qui critiquent le gouvernement israélien sont assez rapidement accusés d’antisémitisme. Quelle est la limite entre la critique de l’existence même de l’État et de l’action du gouvernement ?

 

RC : La critique du droit à l’existence de l’État d’Israël est insupportable. Pour moi, c’est la limite que l’on n’a pas le droit de franchir. La critique de la politique israélienne est totalement légitime. Simplement j’estime que je n’ai pas le droit, tranquillement installé en France, à l’abri de tous les actes terroristes et de la pression des dangers de guerre, de dire aux Israéliens ce qu’ils doivent faire pour se protéger et pour assurer la sécurité de leurs enfants. Je ne me sens pas en position de le faire. Que d’autres le fassent, c’est leur droit. La limite aussi à ne pas franchir c’est que cette critique se traduise en actes de violence contre des juifs qui souvent d’ailleurs ne partagent pas du tout les opinions de la droite israélienne. Là ça devient insupportable.

 

PB : À l’égard de Daniel Mermet vous êtes très dur. Vous dites qu’il est responsable d’actes de violence, alors qu’il ne fait que prendre la parole et qu’il a toujours condamné l’antisémitisme.

 

RC : Il a été très loin. J’ai écouté quelques-unes de ses émissions et je me souviens avoir entendu Daniel Mermet interviewer un jeune Palestinien de onze ans qui fabriquait des cocktails Molotov. Il lui demandait s’il avait envie d’être un martyr. Le garçon répondait évidemment oui. Et après il lui demandait comment on fabrique un cocktail Molotov, et le petit gamin expliquait « on prend des bouteilles, on met un peu d’alcool, on prend un chiffon imbibé d’essence, on l’allume et on le jette ». Ce n’est pas le rôle d’une chaîne publique, financée par l’État, d’un journaliste payé par les contribuables de faire une telle promotion.

 

PB : Il informe de ce qui se passe sur le terrain. Ça a toujours été son style d’interview…

 

RC : Oui mais si vous écoutez les émissions, il n’est pas objectif, mais plutôt à 90 % d’un côté, et 10 % de l’autre.

 

PB : Dans votre livre vous avez tout un chapitre consacré au fait de ne pas se couper de l’opposition. Vous avez été sensible aux critiques selon lesquelles le CRIF roulait pour Sarkozy. Vous insistez sur le fait que vous avez eu de bonnes relations avec de nombreux responsables avant Nicolas Sarkozy, et que dans tous les cas le CRIF ne doit pas être assimilé à l’un des deux partis.

 

RC : C’est tout à fait clair. D’abord par sa constitution, puisqu’il regroupe 64 associations et que parmi elles, certaines sont à gauche, laïques, anticléricales… Les opinions sont très diverses. Je le souligne également dans mon livre. Le comité directeur du CRIF ressemble beaucoup à l’éventail des Français à part qu’il n’y a pas l’extrême droite. Mais vous avez des sensibilités de gauche, d’extrême gauche, du centre, de droite.
Mais je voudrais revenir sur une critique contre le gouvernement israélien. De Gaulle en 1967, quand il décide de changer la politique étrangère de la France au Proche-Orient, donc d’introduire une politique pro-arabe et réservée à l’égard d’Israël, ne prend pas comme argument la politique israélienne ou des observations concernant le seul État d’Israël, il parle du peuple juif. Et il ajoute des considérations pleines de préjugés. C’est un amalgame incroyable fait par De Gaulle. Il n’est donc pas étonnant que des jeunes des banlieues fassent également l’amalgame entre juifs et Israéliens. C’est la référence au discours de de Gaulle qui explique évidemment le titre de mon livre dont je conseille bien sûr la lecture.

 

PB : Oui mais lorsque le CRIF demande une solidarité exemplaire des juifs français à l’égard d’Israël, ne contribue-t-il pas à renforcer cet amalgame ?

 

RC : Il ne demande pas une solidarité avec Israël du peuple français. Il demande un équilibre de la politique française au Proche-Orient. Et quand cette politique est équilibrée, il est tout à fait satisfait. J’estime qu’elle a commencé à être équilibrée en 2005, à la suite de trois événements. D’abord la disparition d’Arafat, ensuite l’assassinat de Rafic Hariri, qui déclenche la fureur de Chirac contre la Syrie, et enfin la décision d’Ariel Sharon de se retirer de Gaza qui comble d’aise la France. À la faveur de ces trois événements, la politique de la France au Proche-Orient redevient équilibrée. On maintient toute l’amitié légitime à l’égard des pays arabes, mais on a une relation normale et équilibrée avec l’État d’Israël, ce que tous les juifs souhaitent.

 

PB : Vous citez un exemple. Olivier Besancenot a été ému aux larmes suite à un débat avec vous. Est-ce que vous pouvez comprendre que pour certains, qui se situent sur la gauche de l’échiquier, l’accusation d’antisémitisme alors qu’eux estiment simplement exercer une critique politique comme on pourrait le faire vis-à-vis du gouvernement allemand, russe, ou français, puisse les bouleverser ?

 

RC : D’abord je ne pense pas qu’un homme prêt à affronter la campagne électorale présidentielle puisse être sincèrement ému aux larmes parce que quelqu’un a dit qu’il est d’alliance rouge, brun, vert. Il me semble que Besancenot a fait là un coup politique.
Je n’accuse d’antisémitisme ni Besancenot ni les gens qui critiquent l’État d’Israël, ce que je dis c’est que les arguments qu’ils utilisent en diabolisant l’État d’Israël font le jeu des personnes qui cherchent du grain à moudre.

 

PB : Pourtant bien souvent ils ne font que reprendre les arguments qui sont dans le débat israélien.

 

RC : Je suis tout à fait d’accord. Je dresse un constat, mais n’ai pas du tout l’intention d’interdire de critiquer l’État d’Israël. Je souhaite en tout cas que les gens soient bien informés. Par exemple vous, est-ce que vous avez visité l’Etat d’Israël ?

 

PB : Oui par deux fois.

 

RC : Bien souvent les gens ne comprennent pas que la sécurité est le souci principal des Israéliens. Quand on va dans le pays, on voit qu’entre la mer et la frontière à la hauteur de Netanya, la largeur du pays est de moins de 20 kilomètres, c’est-à-dire la distance de Vincennes à Neuilly.

 

PB : Je pense qu’honnêtement la plupart des personnes qui sont pour la solution des deux États, ou, pour être plus précis, des gens qui comme moi donnent plus de responsabilités aux Israéliens qu’aux Palestiniens dans l’échec du processus de paix, ne méconnaissent pas les intérêts de sécurité israéliens et le poids de l’histoire qui fait que quand on est Israélien on est un peu plus soucieux de sa sécurité que si on est Britannique, Espagnol ou Portugais. À aucun moment je n’ai pensé qu’un des protagonistes avait tous les torts. Les torts sont toujours partagés, mais ils ne sont jamais partagés à égale mesure. Disons que contrairement à vous, je dirais qu’il y a plus de responsabilités du côté des Israéliens, parce qu’ils ont un État, parce qu’ils occupent illégalement des territoires qui devraient être libérés pour créer un Etat palestinien. Mais il est vrai que ce qui pour des gens comme nous est souvent insupportable, c’est qu’il y a cette accusation d’antisémitisme qui plane, qu’on est pris pour d’autres et qu’on fait porter sur nous le soupçon d’avancer masqués, de critiquer un gouvernement pour cacher des arguments antisémites. Ça c’est insupportable.

 

RC : Je comprends que vous puissiez être choqué. Mais lorsque l’on accuse les Israéliens de se comporter comme des Nazis, c’est particulièrement insupportable pour eux. Et c’est le cas souvent des gens d’extrême gauche qui sont d’ailleurs très influents dans les médias, qui apparaissent souvent comme des observateurs objectifs, puisque a priori le journaliste, comme l’observateur de l’IRIS, est censé être objectif. Et on se rend compte en vérité que la critique que vous formulez et que font les gens d’extrême gauche contre la politique israélienne revient à les accuser de brutalité. Or, la manifestation du 7 avril 2002, par exemple, avait deux thèmes : la lutte contre l’antisémitisme et le soutien au peuple israélien pour la paix et la sécurité. J’ai introduit cette motion contre l’avis au CRIF des gens de gauche qui n’étaient pas d’accord. Pourquoi l’ai-je fait ? Parce que pour le seul mois de mars 2002, il y avait eu 125 morts en Israël, dont 29 à l’hôtel Parc à Netanya.

 

PB : J’ai toujours personnellement condamné tous les attentats et jamais fait de comparaison entre soldats israéliens et Nazis.

 

RC : C’est quand même une condamnation implicite qu’on retrouve souvent, « vous faites aux autres ce que vous avez subi vous-mêmes… ».

 

PB : Mais seulement une minorité tient de tels propos. Comparer ce qu’ont fait les Nazis aux juifs et ce que font les Israéliens, fussent-ils armés, aux Palestiniens, n’a pas de sens.

 

RC : Je me rends très souvent en Israël, pays que je connais bien. Le peuple israélien a terriblement soif de paix. Quand un enfant naît, les parents savent que quand il aura dix-huit ans il devra effectuer trois années de service militaire, et qu’une proportion élevée de ces enfants ne mourront pas de leur mort naturelle.

 

PB : Le drame c’est que les Palestiniens sont certainement tout aussi épris de paix.

 

RC : J’estime qu’Arafat porte une responsabilité terrible, parce que l’accord de paix était à portée de la main. Et on connaît d’ailleurs les termes du futur accord de paix. On sait qu’il y a 10 millions d’habitants entre le Jourdain et la Méditerranée, moitié juifs moitié arabes. Les termes de la paix s’établiront à peu près autour de ce qui a été négocié à Camp David. La question de Jérusalem est soluble, puisqu’il suffit d’agrandir la ville pour constituer une Al Qods arabe et une Jérusalem juive. Mais les Israéliens ne peuvent pas céder sur des choses aussi fondamentales que le traitement du droit au retour, qui est une revendication et pas un droit ; ils peuvent abandonner les faubourgs arabes mais pas les lieux saints juifs de Jérusalem.

 

PB : Dans votre livre vous dites que vous avez mis en garde Jacques Chirac contre la nomination de Roselyne Bachelot, comme porte-parole, dans la campagne de 2002. En 2007, vous vous êtes élevé contre l’éventuelle nomination d’Hubert Védrine en tant que ministre des Affaires étrangères. Est-ce que vous ne croyez pas que ce type d’intervention peut prêter à confusion ?

 

RC : Je suis un citoyen français et je dis ce que je pense. Ça n’a nullement empêché Roselyne Bachelot de faire carrière et Hubert Védrine de s’imposer comme un observateur expert.

 

PB : Vous dites qu’il est anti-américain. Pourtant, il est très proche de Madeleine Albright, qui vient de préfacer son dernier livre. Pourquoi donc dire qu’il est anti-américain ? L’éthique de George W. Bush n’est plus tellement défendue par grand monde aujourd’hui…

 

RC : Il conteste quand même beaucoup, peut être à juste titre d’ailleurs.

 

PB : Dans votre livre vous vous démarquez à plusieurs reprises de la Ligue de défense juive ; cette organisation est tout de même un mouvement assez violent.

 

RC : Oui, mais ces personnes se comptent sur les doigts de quelques mains et ne représentent absolument pas une organisation responsable et importante. Cette organisation n’a jamais fait partie du CRIF.

 

PB : Quel pont pourrait jouer la communauté juive entre la France et Israël ?

 

RC : Depuis 2005, les relations avec la France sont équilibrées. Il n’y a pas besoin de passerelles. Les relations sont parfaitement fluides. Les ministres français et israéliens se tiennent au courant. Les visites officielles en France des deux présidents israéliens, Moshe Kastsav et Shimon Peres, se sont très bien déroulées.

 

PB : Vous évoquer les institutions juives américaines et vous dites même que Jacques Chirac en avait peur.

 

RC : En effet, cela m’a frappé. Il avait un respect pour les institutions juives américaines, il pensait probablement qu’elles avaient une grande influence sur la Maison-Blanche.

 

PB : Et vous-même vous étiez pendant longtemps dans une position qui était un peu compliquée parce qu’à la fois vous dénonciez les actes antisémites en France et vous deviez expliquer aux institutions juives américaines que la France n’était pas antisémite.

 

RC : Oui, je me suis rendu aux Etats-Unis en mai 2002, alors qu’on venait d’avoir un nouveau gouvernement et que je savais que Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy et le nouveau Jacques Chirac de mai 2002 étaient prêts à se battre contre l’antisémitisme. Si les Américains avaient boycotté la France, cela aurait été extrêmement néfaste à tous égards. J’ai donc été à la rencontre des juifs américains et je crois que ça a été déterminant pour les convaincre d’abandonner leur projet de boycotter les produits français.

 

PB : Vous écrivez une fois de plus dans votre livre que j’aurais recommandé au Parti socialiste d’être pro-Palestinien parce qu’il y a plus d’arabes que de juifs en France. Je n’ai jamais dit ça, je n’ai jamais écrit ça.

 

RC : C’est l’opinion publique qui vous a attribué ces propos.

 

PB : Oui, mais c’est quand même extraordinaire de suivre l’opinion publique, et qu’un mensonge dix fois répété devienne vérité.

 

RC : Je cite une anecdote à propos d’un incident similaire qui m’est arrivé. Il s’agit de deux politiciens qui se disputent. L’un dit à l’autre :
+ « Je dirai à tout le monde que ta sœur est une prostituée. »
Le second rétorque : « Mais j’ai pas de sœur. »
+« Va leur expliquer. »

 

PB : Certes, mais quand même, ce type de procédé est choquant. Qu’on me critique pour ce que j’écris, j’en suis responsable. Mais que l’on déforme mes propos pour essayer de me faire taire, c’est inadmissible et cela a pour effet de faire peur.

 

RC : Quels étaient vos propos ?

 

PB : Mes propos étaient de dire qu’on ne peut pas bâtir une politique étrangère sur le poids des communautés. Parce que si on faisait cela, à terme les juifs seraient perdants puisqu’ils sont moins nombreux que les arabes. Et que donc ce qu’il fallait faire c’était partir des principes, et non pas du poids des communautés. Certains de bonne foi, d’autres de mauvaise foi m’ont transformé, moi qui n’aie jamais concouru à aucune élection, en un être froidement électoraliste pensant de façon cynique que « comme il y a plus d’arabes que de juifs, il faut être pro-Palestinien ». Je ne disais pas cela. Alors bien sûr on peut être en désaccord avec mon analyse. Mais ce qui m’a ému et profondément révolté, c’est qu’on m’attaque non pas sur la base de mes véritables propos, mais plutôt sur la base d’une interprétation et de rumeurs.

 

RC : C’est une interprétation qui a été faite par des socialistes.

 

PB : Non, seulement quelques personnes m’ont prêté cette interprétation. Je me souviens d’un journaliste du Monde qui avait cité le « théorème Boniface » en disant que comme il y a plus d’arabes que de juifs, il fallait être pro-palestinien. Je n’ai évidemment jamais tenu de tels propos, et c’est pour tenter de mettre fin à cette calomnie que dans le livre Est-il permis de critiquer Israël ?, j’avais intégré la « fameuse » note, afin qu’on me juge sur pièce et pas sur des « on dit ». Un jour j’avais téléphoné à Eric Conan qui, dans l’Express, avait écrit un article sur cette « affaire ». Il savait que l’accusation était fausse, mais se justifiait en disant qu’il y a beaucoup de gens qui pensent cela, alors il l’a écrit. C’est extraordinaire ! Un journaliste devrait être là pour informer le public, pas pour contribuer à sa mauvaise information.

 

RC : Ce genre de propos est effectivement dangereux. Il m’est arrivé la même chose avec des déclarations qui ont été mal interprétées et c’est terrible parce qu’après vous ne pouvez plus revenir en arrière. Et finalement vous l’avez dit en partie.

 

PB : Pas du tout, au contraire, je mettais en garde contre un tel raisonnement. C’est un peu comme si, par exemple sur un sujet qui est aussi sensible et sur lequel pour l’instant je ne suis pas pris à partie, on me reprochait de dire que l’on ne doit pas avoir par rapport au génocide arménien de 1915 un avis qui dépende du nombre d’électeurs d’origine turque ou arménienne dans sa commune. Revenons-en à votre livre. Ce que l’on peut constater c’est qu’il y a chez certaines personnes le sentiment que les responsables politiques, ce que vous appelez l’establishment, réagissent directement quand y a une agression antisémite et avec retard en cas d’agression contre un Noir ou un Arabe. Le paradoxe c’est que vous, en tant que responsable institutionnel actuel et passé, vous n’êtes en rien responsable de cette situation. Lorsque vous vous élevez contre les menaces antisémites, vous êtes dans votre fonction.

 

RC : Et quand il y a une agression raciste, on réagit aussi.

 

PB : Je sais mais le problème ne vient pas de cela, mais du fait que certains médias, comme certains responsables politiques, ont des réactions qui ne sont pas de la même ampleur, lorsqu’il s’agit d’une agression antisémite ou d’une agression contre un Noir ou un Arabe. Cela crée chez certains le sentiment, dont vous n’êtes pas responsable, d’un deux poids deux mesures, qui au final se reproduit contre vous.

 

RC : Je dis d’ailleurs qu’il ne faut faire aucune différence entre ces agressions.

 

PB : C’est vraiment un élément central. Certains responsables politiques, certains journalistes, croyant bien faire, entretiennent, peut-être à leur corps défendant, une perception notamment chez les jeunes qu’on est plus actif dans la lutte contre l’antisémitisme que contre d’autres formes de racisme.

 

RC : Mais il n’empêche que les préjugés antisémites sont plus tenaces. Les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) montrent à quel point il y a relativement beaucoup plus d’actes antisémites que d’actes anti Arabes.

 

PB : Ça dépend de la comptabilité. Concernant les préjugés, aujourd’hui, hormis pour 10-15% de la population, l’élection d’un juif comme président de la République ne poserait pas de problème. Ce qui n’aurait pas été le cas il y a peut-être même une seule génération.

 

RC : C’est vrai, mais des préjugés persistent notamment à propos de la richesse des juifs alors que 45 000 juifs vivent en dessous du seuil de pauvreté… Un président du CRIF a fort à faire pour lutter contre tous ces préjugés !

 

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Publié le 22 octobre avec l'aimable autorisation de l'IRIS.



Source : Affaires stratégiques
http://www.affaires-strategiques.info/...


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