Interview
Mechaal: La résistance peut capturer d'autres soldats pour
libérer les captifs palestiniens
Khaled Mechaal -
Photo CPI
Lundi 12 juillet 2010
Damas – CPI
Khaled Mechaal,
président du bureau politique du mouvement islamique du Hamas, a
accordé une interview au journal As-Sabil, dans la capitale
syrienne Damas. Elle a été publiée le dimanche 4 juillet 2010.
Il a parlé de
différents sujets concernant la scène palestinienne. Le
département français a traduit de grands extraits de la
première partie concernant le blocus qui est en train de rendre
l’âme.
Les jours sont comptés
As-Sabil :
Pensez-vous que les jours du blocus imposé sur la bande de Gaza
sont comptés ? Quel regard portez-vous sur la scène
palestinienne quant au blocus ?
Khaled Mechaal :
Oui, sans aucun doute, le blocus vit ses derniers jours, même si
certains essaient de le prolonger ou de le réviser, à l’instar
des discussions pour l’alléger.
Notons que le blocus est en soi un crime qui
ne doit pas continuer. Et concrètement, il a échoué à réaliser
ses objectifs politiques.
Le blocus n’était qu’un moyen de pression sur
le Hamas et notre peuple de la bande de Gaza. Tout le monde sait
maintenant qu’il a échoué et que le Hamas résiste toujours et
refuse de se mettre à genoux.
Le blocus fait beaucoup de mal à notre peuple
de Gaza et au mouvement du Hamas. Il devient aussi un fardeau
pour ceux qui l’imposent, eux-mêmes. Il n’est pas impossible que
la flottille internationale « La liberté » soit la goutte d’eau
qui fasse déborder le vase et casse totalement cet injuste
siège. Ils sont dans le tort, ceux qui croient que les effets de
la flottille se défrichent et prennent fin et que tout reviendra
comme avant. Les convois reprendront par la mer et sans la mer.
Les efforts internationaux, islamiques, arabes et palestiniens
continueront pour rompre le blocus. En effet, le blocus est déjà
fini, politiquement. Il reste à le briser sur le terrain.
Les positions arabes et palestiniennes
As-Sabil :
La chance est grande pour l’arrêt du blocus. Quelles sont les
positions palestiniennes, arabes et internationales quant à
l’arrêt de ce blocus ? Sont-elles satisfaisantes ?
Khaled Mechaal :
Malheureusement, la position de l’autorité palestinienne n’est
pas bien sérieuse. Tout au contraire, elle essaie d’absorber la
colère qui a suivi le massacre sioniste pratiqué contre la
flottille internationale « La liberté ».
Quelques-uns n’ont pas l’intention de lever
le blocus. Ils le considèrent comme un moyen de pression. C’est
pour cette raison qu’ils donnent la priorité à la
réconciliation, une tentative pour détourner l’attention de la
priorité absolue : lever le blocus. Lier la rupture du siège à
la réconciliation est un jeu que nous refusons. La rupture est
un objectif en soi et la réconciliation en est un autre. Elles
vont ensemble sans qu’elles ne soient liées.
La Ligue Arabe
As-Sabil :
La Ligue Arabe est longuement restée silencieuse quant au
blocus, bien qu’il existe plusieurs décisions arabes incitant à
le briser. Et récemment, le secrétaire général de la Ligue a
visité la bande de Gaza. Qu’a donné cette visite ?
Khaled Mechaal :
C’est vrai que la visite a été un peu tardive, mais nous
remercions Amro Moussa. La question n’est pas là. Le problème,
c’est que des pays étrangers aident "Israël" à utiliser le
blocus pour punir le Hamas, ou du moins le mettre à genoux. Ils
travaillent avec des partis palestiniens et arabes afin que le
Hamas ne sorte pas victorieux ; ils veulent qu’il paye un prix
politique contre la levée du blocus.
Cette conspiration fait prolonger la durée du
blocus jusqu’à maintenant. Mais aussi forte que soit cette
conspiration, elle ne pourra aller contre la volonté du peuple
palestinien. Et maintenant, de partout dans le monde, de l’est
comme de l’ouest, sur tous les niveaux, de toutes les
nationalités, de toutes les religions, des gens viennent à la
rescousse du peuple palestinien. La flottille internationale
« La liberté » en est le meilleur exemple. Les convois et les
efforts à venir diront encore plus clairement que le blocus
prendra obligatoirement fin…
La position turque
As-Sabil :
La position officielle turque est bien claire quant à la volonté
de briser le blocus et d’ouvrir une route maritime vers la bande
de Gaza. Y a-t-il d’autres efforts autres que les turques,
déclarés ou non, destinés à lever le blocus ?
Khaled Mechaal :
Les Turcs ont un rôle des plus importants dans le domaine. Et
ils en payent le prix : des martyrs. L’Etat et le peuple turcs
sont visés par les Israéliens, à cause de la position claire de
la direction turque dont en particulier les déclarations d’Erdogan
qui avait dit : « Si le monde entier tourne le dos à Gaza, moi,
je ne le ferai pas ».
Et actuellement, briser le blocus devient une
condition pour traiter les conséquences du crime israélien
pratiqué contre la flottille internationale « La liberté ».
C’est une position inoubliable par le peuple palestinien qui
montre sa gratitude. Ce sont des signes montrant que la Turquie
reprend son rôle régional, arabe et islamique.
Bien évidemment, il y a d’autres efforts dans
le sujet. Nous avons plusieurs contacts avec plusieurs pays
arabes, islamiques et européens. Nous essayons de les traduire
en des mesures concrètes pour briser le blocus, dont tout
d’abord ouvrir une ligne maritime avec Gaza, le blocus ayant
plusieurs visages.
Ouvrir une ligne maritime entre Gaza et le
monde sera, à mon avis, un bon prologue à une rupture totale du
blocus ; les autres aspects perdront leurs raisons d’être. C’est
pour cette raison qu’il faut que la pression sur l’Entité
sioniste continue afin que le blocus prenne fin. Il ne faut se
contenter d’une ouverture provisoire du point de passage de
Rafah. Il faut une ligne maritime entre Gaza et le monde. C’est
un droit naturel du peuple palestinien. Que les efforts turcs,
arabes, islamiques et européens réussissent à trouver une
solution adéquate pour ouvrir cette route maritime avec Gaza.
Le blocus, un fardeau
As-Sabil :
Selon vos propos, le blocus a échoué, il est désormais un
fardeau pour les Israéliens. Pourquoi alors continuent-ils à
l’imposer, s’ils n’en tirent pas vraiment quelque chose ?
Khaled Mechaal :
La position israélienne porte trois dimensions. La première,
c’est que le blocus reflète l’agressivité israélienne à
l’encontre du peuple palestinien…
La deuxième dimension, c’est que les
occupants israéliens relient le blocus à l’affaire de Shalit.
Ils le mènent comme étant une sanction contre le peuple de Gaza
et contre le mouvement du Hamas pour l’enlèvement de Shalit.
La troisième dimension : quelques-uns dans la
région veulent que le blocus continue, malheureusement. Et cela
séduit évidemment "Israël"…
La communauté internationale
As-Sabil :
Netanyahu a appelé, il y a quelques jours de cela, la
communauté internationale à intervenir pour aider à relâcher
Shalit. Cela ne reflète-t-il pas une faiblesse de la part de la
direction israélienne ?
Khaled Mechaal :
Je crois qu’il faut regarder la position de Netanyahu de
plusieurs angles. Premièrement, il fait ces agissements pour
absorber la pression de la rue israélienne pratiquée contre le
gouvernement israélien pour sa position envers l’affaire de
Shalit. En effet, la rue israélienne sait bien que c’est
Netanyahu et son petit cabinet qui mettent des bâtons dans les
roues de la transaction d’échange de prisonniers.
Deuxièmement, le gouvernement de Netanyahu
fait tout pour dévier l’opinion publique internationale de son
crime pratiqué contre la flottille internationale « La
liberté ». L’image d’"Israël" s’est beaucoup ternie, une image
déjà bien entamée par la guerre agressive israélienne menée
contre Gaza. En fait, dans cette flottille, plus de trente pays
ont participé. Les Israéliens craignent que la légitimité
d’"Israël" soit mise en cause. Ils veulent alors à tout prix
embellir son image dans le monde.
"Israël" veut porter à la communauté
internationale la responsabilité de l’échec de la libération de
Shalit, afin qu’elle paraisse comme l’innocente victime, elle
qui était l’assassin sur la flottille internationale « La
liberté ». Toutefois, ces tentatives ne pourront rien faire
contre les réalités du terrain.
Troisièmement, "Israël" essaie de fabriquer
une pression internationale sur le Hamas afin qu’il baisse la
barre de ses exigences et qu’il accepte ce qu’"Israël" offre. On
n’a pas besoin de faire une enquête poussée pour se rendre
compte de l’incapacité israélienne.
La rue israélienne ressent l’incapacité de
son gouvernement. Elle l’appelle alors à payer le prix
nécessaire pour relâcher Shalit, étant donné que le gouvernement
est aussi incapable sur tous les niveaux, sécuritaire, militaire
et même diplomatique.
Du nouveau ?
As-Sabil :
Dans le dossier de Shalitt, y a-t-il du nouveau ? Y a-t-il de
nouveaux intercesseurs ?
Khaled Mechaal :
Aucun développement remarquable. Cependant, il y a quelques
tentatives de la part du médiateur allemand. Il essaie de
pousser le Hamas vers ses anciennes offres. Des tentatives
catégoriquement refusées. Les négociations indirectes ne
reprendront qu’à partir de l’avant-dernière séance, avant que
Netanyahu n’ait changé d’avis.
Influences !
As-Sabil :
On parle d’ingérence arabe conseillant à Netanyahu de ne pas
aller vite en besogne, pour ne pas donner la chance au Hamas de
se procurer une quelconque victoire. Qu’en dites vous ?
Khaled Mechaal :
Oui ! L’administration américaine a déjà pratiqué ses pressions,
et probablement pas elle seule. Elle a peur que tout cela (un
échange réussi de prisonniers) ne soit un point positif pour le
mouvement du Hamas, et négatif pour le président de l’autorité
Mahmoud Abbas. Sa priorité actuelle est d’assurer un climat
propice à la reprise des négociations (entre l’autorité de
Ramallah et les occupants israéliens). Ils ne veulent pas que
l’échange les perturbe.
En quelques mots, nous sommes prêts à
reprendre les négociations indirectes quant à l’échange de
prisonniers. Nous restons cependant sur notre position et
refusons la dernière offre israélienne.
Le médiateur allemand
As-Sabil :
Le médiateur allemand aurait-il quitté son attitude neutre, en
pratiquant quelques pressions sur vous ?
Khaled Mechaal :
Possible ! Mais nous devons savoir qu’un médiateur n’a en tête
que le fait de réussir son travail. Quand il se trouve dans une
circonstance lui permettant de pratiquer des pressions, il fait
tout pour réussir sa mission. Le médiateur allemand sait bien
que c’est Netanyahu qui avait mis en échec son travail.
Toutefois, il ne veut prendre une position, en laissant la porte
ouverte à la reprise des négociations. Pour cette raison, on
n’entend pas de déclarations définitives…
Le plafond d’exigences
As-Sabil :
Vous avez dit il y a quelques jours que le Hamas mettrait haut
la barre de ses exigences et que l’affaire ne concerne pas
seulement Shalit… ?
Khaled Mechaal :
En bref, notre but clair et précis est de libérer nos captives
et captifs. Si un soldat détenu par la résistance palestinienne
ne suffit pas, il sera bien naturel que la résistance mette la
main sur d’autres soldats pour libérer les captifs palestiniens,
jusqu’à ce qu’"Israël" se rende compte qu’elle n’a d’autre choix
que de relâcher nos captifs. Les captifs et les martyrs
constituent une tranche importante de notre peuple. Il est de
notre devoir de défendre notre peuple. Défendre les captifs est
un devoir aussi bien religieux que national. Pour nous, les
captifs sont les meilleurs de notre peuple. Nous ne les oublions
jamais.
Le Centre Palestinien d'Information - © 2010
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