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Opinion
Crise post-électorale en Côte d'Ivoire
Jacques Vergès
Jacques Vergès
Dimanche 19 décembre 2010
Crise post électorale Jacques Vergès (avocat français) : “En
Côte d’Ivoire l’Occident appuie un candidat, c’est une erreur”
Dans une interview accordée au quotidien Burkinabé “Le Pays”, le
célèbre avocat français Jacques Vergès prend position dans la
crise post-électorale en Côte d’Ivoire et sur la justice
internationale.
Extrait !
- Quelle lecture faites-vous de la situation en Côte
d’Ivoire ?
Jacques Vergès : mon avis, les Occidentaux ont poussé à faire
des élections en Côte d’Ivoire. On fait des élections pour
confirmer un consensus. Il n’y a pas de consensus en Côte
d’Ivoire. Il vaut mieux attendre 12 ans que d’arriver à la
situation actuelle.
D’autre part, l’Occident appui un candidat. Je pense que c’est
une erreur. Ce candidat apparaît comme un candidat de
l’étranger.
- Pour vous, le candidat auquel vous faites allusion n’a
pas gagné les élections?
J. V. : Je n’en sais rien. Même s’il a gagné… Je n’habite pas
la Côte d’Ivoire, je ne connais pas exactement la Côte d’Ivoire.
Je ne peux pas, comme les Occidentaux, rester à l’étranger et
dire que c’est comme ci ou comme cela.
- Quelle appréciation faites-vous de la justice
internationale ?
J.V. : Je préfère parler plutôt d’injustice internationale. Vous
savez, les colonialistes ont toujours un masque. Ils ne disent
jamais du bien de vous. Ils pillent vos ressources naturelles.
Ils ont commis des génocides à l’égard des Indiens d’Amérique,
détruit des civilisations comme celle des Aztèques. Au nom de la
liberté du commerce, ils ont imposé à la Chine trois guerres
d’opium. Au nom de l’esclavage, ils sont venus imposer le
travail forcé en Afrique. Aujourd’hui, c’est au nom de la
justice qu’ils interviennent. Quelle est cette justice ? J’ai
travaillé pour le tribunal de la Yougoslavie et pour celui du
Cambodge. Les magistrats appliquent des règles, mais eux n’ont
pas de règles. Ils font leurs règles eux-mêmes. Au Burkina ou en
France, un juge dit que telle personne est gardée à vue 30
jours. La loi dit que c’est le délai maximum. Mais le juge dit
que je veux le garder plus longtemps. La loi est faite par le
Parlement et non pas par le juge. Dans le cas de Milosevic
(ndlr, il était un de ses clients) au tribunal pour la
Yougoslavie, on a changé la loi 22 fois. Ils violent le principe
de Montesquieu. C’est la première chose. Au Cambodge, le
tribunal vient de décider de faire appel à des donateurs privés.
Quand un homme riche vous donne de l’argent, ce n’est pas pour
rien. Vous vous vendez. Quand vous acceptez l’argent de
n’importe qui, vous faites n’importe quoi. Je prends l’exemple
du tribunal pour le Liban. Il y a 4 ans, les commanditaires de
ce tribunal ont dit qu’il faut mettre en cause les Syriens. On a
arrêté 4 Généraux réputés pro-Syriens. Il n’y avait rien contre
eux. Les commanditaires ont dit ensuite que les Syriens ne les
intéressaient plus, mais cette fois c’est le Hezbollah. On a
libéré les captifs et on a essayé de mettre en cause le
Hezbollah. Un tribunal est responsable devant l’opinion. On a
fait le procès de Milosevic sans un Serbe dans le tribunal. On
fait un procès au Cambodge où le chef du gouvernement dit qu’il
ne veut pas qu’on accuse d’autres personnes, autrement il y aura
la guerre civile. Le procureur qui est Canadien dit qu’il a le
droit d’avoir une opinion. Les magistrats de la Cour
internationale sont atteints de ce qu’on appelle un daltonisme
au noir. Le dalton ne voit pas certaines couleurs. Ils ne voient
que le noir. Si vous allez à la Cour internationale, tous les
inculpés sont noirs, pas parce qu’il ne s’est rien passé à Gaza,
pas parce qu’il ne s’est rien passé à la prison d’Abugraïb. La
question que je me pose maintenant est : Pourquoi l’Afrique
accepte-t-elle cela ? Je ne dis pas que tout le monde est
innocent, mais si ces gens sont coupables, c’est aux Africains
de les juger. Pourquoi l’Afrique accepte-t-elle que ses
dirigeants soient jugés par une bande de cosmopolites qui la
méprisent. Il y a le cas de Béchir au Soudan. Je pense que les
pays africains ont raison de ne pas appliquer le mandat
international. L’Afrique n’est plus sous tutelle. Les Américains
accepteront-ils qu’un pays africain juge Georges Bush pour sa
guerre d’agression contre l’Irak ?
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