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Par Fériel Berraies Guigny. Paris

Entretien avec Hind Khoury


Fériel Berraies Guigny

Hind Khoury : « La question palestinienne scellera la destinée de bien des peuples dans la région » !

Le ballet diplomatique de la Secrétaire  d’Etat américaine Condoleezza Rice ce mois d’octobre, qui en est à son  septième périple dans la région,  augure dans la forme, d’une réelle volonté de  trouver une issue au conflit. Mais à quel prix pour le peuple palestinien et selon quelles conditions pour Israël ? 

Tous les espoirs et les regards sont pourtant tournés vers cette fameuse  conférence internationale sur le Proche Orient et des pronostics en tout genre commencent à se dessiner.
Lors de sa tournée de quatre jours  Condoleezza Rice,  dans une conférence de presse en présence du Président Mahmoud Abbas, déclarait : «   Il est temps de créer un Etat palestinien » ; un projet qui s’est transformé au fil des dernières décennies, en véritable  utopie mais que l’on continue de considérer comme réalisable. Mais les réalités sur le terrain  ne mentent pas, le manque de volonté politique israélienne d’une part, et l’absence de véritable pression de la part des Etats-Unis et de la communauté européenne sur Israël, n’augurent guère d’une réelle évolution ou désir de changement par rapport à l’impasse dans la région.
Le langage de sourd et la langue de bois diplomatique, permettront ils d’asseoir les bases solides d’une réelle négociation ? Qu’en est il de la réalisation d’un véritable document capable de réunir des objectifs précis, un nouveau calendrier de route est il possible ?  Reconstruire une économie palestinienne effondrée, n’est ce pas aussi se « voiler la face » et  un rempart à tout désir de faire face au problème qui reste fondamentalement, de l’ordre du politique ?

Blair pourra t-il mener à bien  sa mission à la tête du quartet pour le Proche Orient (Union européenne, Russie, ONU et Etats-Unis) ? Mettre la charrue avant les bœufs en vue de reconstruire l’infrastructure d’un pays, n’est ce pas une initiative « morte née » quand le droit international continue à être violé en toute impunité ?

L’Expression a rencontré Hind Khoury, Déléguée Générale de la Palestine en France pour discuter des perspectives mais également des limites quant à la tenue de la prochaine conférence internationale sur le Proche Orient.

Entretien avec Hind Khoury :


© Photo TAO Paris

Selon vous, la mission ce mois d’octobre de Condolezza Rice en Palestine et en Israël, a-t-elle eu des résultats positifs ?
Je crois que Mme Rice est sincère dans sa volonté de trouver une issue au problème israélo-palestinien. Elle a fait plusieurs visites dans notre région en ce sens. Elle est à l’heure actuelle, dans l’attente de la réalisation d’un document de la part des israéliens, et des palestiniens qui soit substantiel en vue d’aboutir à une solution finale. La question fondamentale, est en fait ce manque de pression de la part des américains sur Israël, afin de sortir de l’impasse politique. Israël à l’heure actuelle, reste très à l’écart de la position palestinienne. Israël n’est pas désireuse au fond d’aboutir à la réalisation d’un document qui soit clair, pas plus que  de voir l’établissement d’un calendrier qui puisse jeter les bases d’une quelconque solution.  Quant aux palestiniens, nos demandes restent très légitimes. On attend d’avoir un cadre clair pour une solution finale, et cette attente date d’Oslo. Le processus de paix et ses promesses en fin de compte nous ont conduit vers une misère totale. Il est temps de tirer les leçons de nos fautes : il nous faut définir clairement  cet Etat et aboutir  à la réalisation d’un calendrier qui puisse jeter les bases vers la construction de cet Etat. Rice a le soutien inconditionnel de son président mais que signifie véritablement ce soutien dans le cadre du gouvernement américain actuel ? il ne faut pas oublier en effet, qu’il existe au sein même de ce gouvernement des éléments conservateurs qui ont une position pro israélienne affirmée. Traditionnellement cela a été toujours leur position et avec le mandat de Bush, ces éléments ont démontré qu’ils n’étaient pas des médiateurs  ou  des partenaires pour  la paix, car ils n’étaient pas neutres.
Les palestiniens comme beaucoup d’autre pays du monde n’attendent pas beaucoup de cette réunion à Annapolis. Et c’est inquiétant car si l’on ne parvient pas à réussir ce projet d’établissement d’un Etat palestinien, il n’y aura plus d’autre alternative. Cela risquera de créer un chaos sans limite en Palestine et dans la région.

Condoleezza Rice a exhorté les Palestiniens et Israéliens à s'entendre sur un document "concret" avant une réunion internationale de paix, pour vous quel forme devra prendre ce document ?
Nous voulons un document sans ambiguïté, qui définisse clairement les cadres d’un Accord final, où l’on pourrait voir se dessiner les possibilités de l’établissement de notre Etat. Il faudrait aussi que ce document aide à renforcer l’initiative de paix arabe.  En plus de la Palestine, nous voulons pouvoir instaurer à travers ce cadre, les modalités d’une paix régionale. La  normalisation des relations avec Israël, son intégration dans la région, sont des passages obligatoires. Ce document précis doit avoir un calendrier, car nous désirons savoir quand il finira, il ne peut pas durer encore trente ans !
Pour le moment, les discussions restent  opaques ; les positions israélo palestiniennes sont contradictoires, et les rapports de force sont comme toujours en faveur des israéliens. Sans une pression américaine ou européenne, nous pensons qu’il n’y a rien à attendre de ce document, s’il venait à être défini.

Quelle avancée cette réunion internationale de la paix, peut-elle permettre pour la Palestine ?
La question palestinienne est du ressort du droit international. Nous avons à maintes reprises, relancé ce point en invoquant le recours  à une justice qui relève de ce même droit international. Comment peut on continuer d’accepter de vivre dans le 22e de la Palestine historique ?
Aujourd’hui, nous voulons l’application au moins, du droit international. Pour se faire, le cadre multilatéral est nécessaire. Nous n’avons que faire des décisions multilatérales américano-israéliennes. Il faut avoir cette réunion internationale, la Communauté international doit y participer activement pour nous offrir des garanties, définir les mécanismes qui permettront de mettre en œuvre les accords. Le défi est justement dans l’application de ces accords. Mais il est vrai que rien n’est très clair, car Rice et les européens disent « on va assister et accompagner les négociations israélo palestiniennes » or cette formule ne réussira pas à changer la situation. Il faut des pressions, on ne peut continuer à considérer Israël comme un partenaire légal, alors qu’il viole tous les jours les droits palestiniens, en toute impunité. Les relations bilatérales d’Israël avec les Etats-Unis et les pays européens, ne changent pas et au contraire, de nouveaux accords de recherche, de coopération continuent à se construire. Cette omission de sanctions, est pour nous une forme d’encouragement, voire de complicité dans le sens de l’impasse politique.

Le Président Abbas a demandé à Mme Rice "d'aider les Palestiniens à obtenir la fin de toutes les activités de colonisation (israélienne), l'arrêt de la construction du mur (la barrière de séparation érigée par Israël en Cisjordanie) et la confiscation des terres", franchement y a-t-il une volonté politique américaine dans ce sens ?
Le véritable problème, vient du manque de volonté politique israélien. D’un côté Israël parle de volonté d’instaurer la paix par le biais du canal multilatéral mais sur le terrain, la réalité contredit son discours. La construction du mur continue, l’expansion des colonies aussi, sans compter les incursions militaires quotidiennes et l’emprisonnement des jeunes palestiniens. La politique américaine va dans le sens d’Israël. Il nous faut  donc trouver la formule qui puisse amener une réelle volonté israélienne en vue de faire la paix et de s’intégrer dans la région.  La politique du pire israélien nous conduit pour l’heure,  dans le chaos dans toute la région et ce n’est que le début !
Cela a commencé avec l’Irak et cela se poursuit avec l’Iran, si l’on commence à bombarder à tout bout de champ ces pays, comme ce que fait Israël à la Palestine, alors notre région risque de s’enflammer irrémédiablement. Toute une génération à venir sera mise à feu et à sang.

Quelle sera la politique de compromis entre les deux partis ? Mme Tsipi Livni parle de « fossés entre les deux camps » seront-ils aisés à combler ?
Mme Livni expose clairement ce fossé, mais à mon sens, elle ne fait que mettre des obstacles devant une possibilité de compromis. Elle proclame non au droit de retour sans aucune négociation. Ce sont de mauvais signes pour nous, ils indiquent qu’Israël n’est pas prêt au compromis. Israël attend des compromis de notre part d’abord et ensuite se dit prêt aux compromis mais dans les territoires occupés en 1967 !
Leur présence dans ces territoires, il faut encore une fois le rappeler, reste illégale !
Cette situation ne fera que confirmer l’impasse politique, Israël dans son discours continue de dire et de penser que tous les territoires  palestiniens sont leur. C’est cette position qui est inacceptable et de nous faire l’aumône de  40 ou 45% du territoire, tout autant. Le grand compromis entre les deux Etats, dans ces conditions, est impossible. Tout le monde connaît la solution véritable au problème.

Du côté des palestiniens, « on y croit plus » aussi,   quel est votre sentiment ?
Le peuple palestinien a perdu ses illusions, les promesses du processus de paix les ont amenés à une situation de misère la plus absolue. Nous ne faisons confiance à personne aujourd’hui, nous restons prudents dans nos attentes. Notre quotidien s’est tellement dégradé et il y a très peu d’espoir. On est aujourd’hui face à une décision cruciale : la politique de paix du Fatah basée sur un cadre de droit international avec un calendrier qui puisse jeter les bases d’un début de solution, aura-t elle  le droit d’exister ?
A l’inverse si ce n’est pas possible, le peuple palestinien cessera définitivement de croire à la coexistence entre les deux Etats. Et alors en absence d’une alternative viable,  prévaudra une politique de la terreur et du chaos dans la région. Les palestiniens qui sont enracinés dans la terre palestinienne, malgré toutes ces misères, continueront de se battre et ne cesseront jamais d’exister. La résistance devra alors préserver le peuple palestinien et ses atouts.

Que faut il pour faire pression sur les américains en vue d’un plus grand engagement de leur part ? A mon avis, le sort du peuple palestinien n’intéresse personne, et les palestiniens entre eux, ne s’épargnent pas non plus. La Palestine n’a d’importance pour le monde que d’un point de vue stratégique et régional. Le Monde occidental nous perçoit uniquement au travers du prisme de l’extrémisme religieux. Nous sommes un danger pour le Monde et sa politique sécuritaire. Les groupuscules terroristes sont autant de rappels de ce danger.

L’échec de la conférence, n’augurerait il pas une montée en puissance de l’islamisme dans la région ? On craint même que Monsieur Pères, symbole de la relance du processus de paix, ne soit une cible des ultra nationalistes des deux bords ?
Monsieur Pères s’intéresse au Processus de Paix mais uniquement en conformité avec les exigences israéliennes. La sécurité d’Israël passe avant tout, de plus monsieur Pères pense qu’une des solutions serait d’avancer sur le calendrier économique. Je ne suis pas d’accord, le problème de la Palestine est politique avant tout, reconstruire notre économie n’est pas la réponse adéquate à l’impasse actuelle. C’est se voiler la face, par rapports aux véritables enjeux.  Il nous faut parvenir à obtenir le droit de vivre en sécurité pour nos deux peuples. Dans la dignité et en toute souveraineté dans les frontières établies par le droit international. La Conférence n’amènera pas cette solution, en tout cas aucun des signes actuels ne le démontre. Par contre l’opportunité de la tenue de cette Conférence n’est plus à prouver devant le constat amer du peuple palestinien et de la totalité du peuple arabe. La question palestinienne scellera la destinée de bien des peuples dans la région. L’injustice internationale, soutiendra par défaut tous ces groupuscules extrémistes qui vont s’emparer du problème palestinien, pour leur propre guerre personnelle. La violence  terroriste dans la région est une réalité à entrevoir.

Que pensez vous de l’Accord Hamas – Fattah en vue de la fin des affrontements ?
L’Accord de la Mecque avait été accueilli avec joie par le peuple palestinien. Mais malheureusement le gouvernement d’unité nationale n’a pas pu survivre suite aux actions du Hamas à Gaza. C’est terrible pour le peuple palestinien que de voir ces actions qui s’inscrivaient en dehors de la légitimité palestinienne. Mais tout le monde peut comprendre aujourd’hui les raisons de ce dérapage. Mais notre unité est primordiale pour sauver notre cause et nous en sommes très conscients. Il faut se donner la chance d’une politique de négociation entre les deux partis. C’est la politique de la paix qui nous aidera à cette unité nationale. L’opinion palestinienne en sera alors convaincue et on n’aura plus recours à l’extrémisme pour notre philosophie de résistance. Israël s’est basé sur nos luttes fratricides, pour se désister véritablement politiquement, elle s’est axée sur la politique de séparation.

Le Ministre de l’éducation Nasseredine Al-Chaër s'est engagé par écrit à renoncer définitivement à son appartenance au Hamas, pour être libéré, que pensez vous de cette initiative ?
Nasseredine Al-Chaër a uniquement fait parti du gouvernement Hamas, il n’était pas un membre à  part entière du Hamas. Il est indépendant, il ne veut pas diminuer l’impact du Hamas par son acte, tout au plus recouvrir la liberté. Nous avons 11000 prisonniers dans les prisons israéliennes, dont Marwan Barghouthi, des députés et des Ministres sont aussi  incarcérés. Israël a mis en geôle toute l’élite palestinienne. Il est toujours préférable de « récupérer » nos leaders, qu’importe les moyens.

Que pensez vous de la nomination de Blair à la tête du Quartet ? Quelles sont les tâches qui l’attendent ?
Blair durant son mandat de premier ministre a joué le jeu américain. Mais il a aussi essayé d’attirer Bush, en vue de le contraindre à prendre des décisions conséquentes sur la Palestine. Notre région intéresse les britanniques en général et Blair en particulier. Sa nomination par contre ne touchera pas les modalités du statut final, elle touchera plus les questions de réforme économique. Ce qui est inquiétant dans ce mandat, n’est pas la nomination de Blair, mais plus le fait qu’on essaye de réformer les institutions palestiniennes, alors que le problème est avant tout politique. On ne peut maintenir nos institutions et notre économie sans souveraineté. Sous l’occupation israélienne, rien ne pourra perdurer. L’agenda économique, est un  pseudo palliatif qui marginalisera le fond du problème.

Un Accord de Coopération Israel-USA antimissiles a été conclu, qu’en pensez vous ?
La coopération militaire entre les deux pays est très importante, chez nous on dit qu’Israël est le 52e Etat américain. Le souci ici, c’est qu’encore une fois, Israël utilise la question de la sécurité pour justifier tous les actes de violation des droits palestiniens. C’est de la justification qui ne convainc plus personne, mais cela continue de suivre son cours. Et la sécurité de tout le monde, ne doit pas passer uniquement par la sécurité d’Israël !
Qu’en est il de la Palestine et des autres pays arabes ? la sécurité et les droits ne doivent pas être divisibles au profit du deux poids et deux mesures !  

Parlez nous du procès qui est in tenté contre Alstom et Veolia
La question palestinienne est en résumé, une question de droits.  Jérusalem ne peut être que la capitale d’un Etat palestinien, si l’on veut un Etat viable, établi en toute légalité. Mais la présence immense des colonies à l’Est et à l’Ouest, remet en question ce projet. Israël par ses colonies et ses routes de contournement, a crée des Ghettos palestiniens à Jérusalem est. Des voisinages qui sont sous développés et pauvres. Notre présence malgré ces conditions invivables, reste menacée. Israël fait tout pour pousser nos populations à sortir de la ville. La politique de démolition des maisons continue avec la poussée de la colonisation. Ce tramway qui va être construit pas la société  française, Alstom et Veolia risque de relier les colonies de l’est de Jérusalem à l’Ouest, c'est-à-dire avec Israël. Ainsi cela aidera à implanter la colonisation israélienne sur les territoires palestiniens. La réalité d’annexion et de colonisation s’en trouvera confortée. Le tramway va couper et marginaliser les territoires et les quartiers palestiniens. La voie diplomatique avec la France, n’a pas réussi, cette dernière expliquant que les contrats étaient du ressort du commerce international. L’Association France Palestine Solidarité, a lancé donc une plainte à l’égard de cette société. C’est alors, que nous avons décidé de nous joindre à ce procès, devant le tribunal de grande instance à Nanterre, dans l’espoir d’arrêter l’exécution de ce contrat. La voie juridique, serait peut être aussi un moyen de résistance en vue de protéger nos intérêts.

Merci Mme Khoury

Crédits : Interview exclusive réalisée pour l’Expression Tunisie. Publiée le 16 novembre2007
Hebdomadaire géopolitique d’information générale
Site du Groupe Dar Assabayh : Siége du Quotidien le Temps www.letemps.com.tn
Crédit photo : TAO Paris

Publié le 23 novembre 2007 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny
Interview exclusive pour  l'Expression Tunisie


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