http://palestinethinktank.com/2009/01/20/iranian-journalist-interviews-gilad-atzmon/
Conversation avec le célèbre jazzman Gilad Atzmon.
Faites justice aux criminels israéliens, maintenant !
Gilad Atzmon est quelqu’un qui a une
position unique, il est sans précédent dans son expression, et
sans équivoque dans ses déclarations. Musicien de jazz né en
Israël et militant antisioniste, il diffuse et proclame ses
contemplations anti-israéliennes de manière explicite, à chaque
fois qu’il en trouve l’occasion.
En tant que musicien (il joue des
saxophones soprano, ténor et baryton, de la clarinette, de la
zurna et de la flûte), Atzmon a remporté plusieurs prix
internationaux, dont le BBC Jazz Award, en 2003, et il est
considéré l’un des artistes les plus doués et créatifs dans sa
catégorie.
En tant que militant antisioniste, bien
qu’il soit d’origine israélienne, Gilad Atzmon dénonce sans
relâche son appartenance à l’Etat juif, et il proclame qu’il n’a
fait que naître là-bas, rien de plus, et qu’il ne ressent aucune
sympathie, aucune compassion ni aucune nostalgie envers l’Etat
occupant qu’est Israël.
Durant les dernières années, il a écrit un
grand nombre d’articles et prononcé moult conférences. Il se
produit de manière régulière sur scène afin de condamner
l’agressivité historique d’Israël, qui se déchaîne dans les
territoires occupés de Palestine, et actuellement, il déploie un
lobbying dynamique en se rendant dans de nombreux pays afin
d’augmenter la connaissance des opinions publiques au sujet du
massacre de Gaza et de la boucherie dont ont été victimes des
civils innocents, principalement des enfants et des femmes, dans
la bande de Gaza.
Durant son tout récent déplacement en
Grèce, il a répondu à de nombreuses interviews et il est apparu
dans plusieurs émissions de télévisions (il a été également
interviewé à la radio), au cours desquels il a exprimé sa
condamnation sans appel du génocide israélien à Gaza. Il pense
que le peuple grec est – ce qui est heureux – plus au courant,
mieux informé, et que c’est la raison pour laquelle les Grecs
ont déployés de grands efforts pour faire connaître leur
sympathie et leur solidarité à la population de la bande de
Gaza.
Vous pourrez lire ci-après le texte complet
d’une interview exclusive de Gilad Atzmon, dans laquelle sont
abordés tout un ensemble de questions relatives au massacre en
cours à Gaza, aux crimes israéliens contre l’humanité et à la
nécessité que les responsables israéliens soient jugés par un
tribunal international impartial.
° ° ° ° °
Kourosh Ziabari [KZ] : Pour commencer, je
voudrais connaître votre opinion sur le conflit en cours à Gaza,
que d’aucuns ont qualifié de « bataille la plus catastrophique »
de la dernière décennie. Que pensez-vous du massacre de civils,
enfants, femmes et bébés, à Gaza ?
Gilad Atzmon [GA] : Ce à quoi nous
assistons, à Gaza, c’est au déni de l’holocauste en
live. L’Etat juif
perpètre la barbarie à l’état pur, et pourtant, le monde reste
silencieux. Une fois encore, nous sommes confrontés à la
vérification du fait qu’avoir donné un mandat en vue de
l’obtention d’un foyer national au peuple juif s’est avéré une
erreur très grave, et même mortelle. La seule question,
aujourd’hui, c’est de savoir de quelle manière démanteler cette
créature belliqueuse monstrueuse, sans transformer notre planète
en une boule de feu.
° ° ° ° °
[KZ] : Vous critiquez l’Etat israélien
impitoyablement ; néanmoins, vous aurez sans doute remarqué que
les médias et les porte-parole israéliens collent sans autre
forme de procès l’étiquette « traître » à tous les citoyens
israéliens – journalistes, professeurs ou orateurs – qui
condamnent l’Etat juif en raison de ses massacres et de ses
agressions militaires. Comment résolvez-vous cette
problématique ?
[GA] : Tout d’abord, permettez-moi de vous
dire que ça n’est pas si terrible que cela, d’être un
« traître », dans un pays assassin… Toutefois, je ne me
considère pas Israélien. Je suis né là-bas, en Israël, mais cela
fait des années que je n’y vis plus, et que je n’y ai même pas
remis les pieds. Ayant réalisé que je résidais dans un pays
volé, en tant qu’oppresseur, j’ai emballé mes saxos et je me
suis tiré. Dans une certaine mesure, je peux être considéré
comme « un juif fier de se haïr lui-même ». Je suis mort de
honte de moi-même et de ceux qui ont été mes concitoyens. De
cette honte, j’en parle ; j’écris des articles à son sujet, et
je compose de la musique en essayant de la surmonter.
° ° ° ° °
[KZ] : Les responsables israéliens
prétendent qu’ils ne visent qu’à exercer des représailles en
attaquant les bases du Hamas, et qu’ils ne tuent que des
individus appartenant à une armée. D’un autre côté, ils
interdisent l’entrée des journalistes et des correspondants des
médias dans la bande de Gaza occupée, et ils les empêchent de
diffuser la réalité. Comment peuvent-ils justifier une telle
contradiction ? Pourquoi ne laissent-ils pas entrer les
journalistes à Gaza, s’ils sont sincères dans leurs
allégations ?
[GA] : Je ne pense pas que les Israéliens
en aient quoi que ce soit à cirer, des contradictions ou dans
l’illogisme. Les Israéliens se foutent totalement de leur
image ; il faut le savoir.
Je vais essayer de développer. Israël est
désormais le plus grand ghetto juif qui ait jamais existé. Un
ghetto juif, c’est, fondamentalement, un endroit où les juifs
puissent donner libre cours à leurs symptômes, collectivement,
strictement entre eux, sans avoir à surveiller ce qu’ils disent,
pensent ou ressentent. Israël s’est d’ores et déjà entouré de
murailles gigantesques, simplement afin de donner au mot
ségrégation un sens bien concret. Et pourtant, le ghetto juif
israélien est très différent du ghetto est-européen. Alors que,
dans le ghetto européen, les juifs étaient intimidés par la
réalité qui les entourait, dans le ghetto israélien, ce sont les
juifs qui intimident les autres, les non-juifs. Ils veillent à
ce que le Moyen-Orient, tout le Moyen-Orient, soit maintenu dans
un état d’anxiété constante.
La mentalité du ghetto est un outil
analytique très utile. Cet outil nous aide, par exemple, à
comprendre pourquoi le Premier ministre Olmert s’est permis de
se vanter publiquement d’avoir humilié le président Bush et sa
secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Dans le ghetto, les juifs se
sentent en sécurité ; ils peuvent dire tout ce qui leur passe
par la tête, tout en étant parfaitement assurés que strictement
rien ne filtrera en direction des goyim. Dans le ghetto, il n’y
a qu’une seule logique qui prévale : la logique juive.
Toutefois, dans les années 1950, le Premier
ministre Ben Gourion adopta le cadre du ghetto juif dans un
mantra politique israélien qu’il formula éloquemment comme
suit : « Peu importe ce que les goyim disent, la seule chose qui
ait une quelconque importance, c’est ce que les juifs font ! »
Apparemment, le mantra du ghetto juif à la sauce Ben Gourion a
réussi à couper les Israéliens du reste de l’humanité. Mais
c’est encore plus grave que cela, comme nous le voyons
aujourd’hui à Gaza, et comme nous l’avons vu dans tous les
conflits déclenchés par Israël : ce mantra du ghetto juif
détache le paradigme hébraïque de toute notion d’éthique
humaine.
C’est cette philosophie même qui trouve
aisément sa traduction dans le pragmatisme militaire mortel
d’Israël. « Manifestement, ce que l’Onu ou les médias du monde
entier peuvent bien penser n’a pas réellement d’importance ;
seul importe ce que « Tsahal » fait ».
Bon. Maintenant, je vais essayer de traiter
de la question du journaliste étranger. Les chefs militaires
israéliens savaient très à l’avance que Gaza allait devenir un
bain de sang pour les civils palestiniens. Manifestement, ils
savaient d’avance les armes qu’ils allaient utiliser. La
dernière chose dont ils aient eu besoin, c’étaient des
journalistes étrangers informant leurs rédactions respectives
d’un massacre en cours à Gaza. Les médias mondiaux et le « droit
de savoir » n’intéressent nullement Israël. Dans l’Etat du
ghetto juif, une seule chose importe : ce que fait « Tsahal »…
Les Israéliens voulaient terminer leur
(« Tsahal ») boulot avant tout : tuer un maximum de
Palestiniens, détruire Gaza et en démanteler l’infrastructure,
histoire de recouvrer leur pouvoir de dissuasion, qu’ils avaient
perdu depuis bien des années. Tout simplement, ils ne voulaient
pas avoir des journalistes écrivant depuis Gaza dans les pattes…
° ° ° ° °
[KZ] : Etant donné cette situation
tellement complexe, quelle est la principale raison, à vos yeux,
pour laquelle Israël a toujours bloqué les bateaux chargés
d’aide humanitaire qui avaient mis le cap sur Gaza ? Y a-t-il un
quelconque danger à laisser entrer de la nourriture, des
médicaments et des premiers secours destinés à une multitude de
civils n’ayant pas le moindre accès au monde extérieur ?
[GA] : La réponse est presque
étymologique : parler d’ « action humanitaire », cela présuppose
avoir une familiarité profonde avec la notion d’humanisme. Les
Israéliens n’ayant strictement aucun (zéro) engagement vis-à-vis
de l’éthique ou de l’humanisme universel, nous ne saurions
attendre d’eux qu’ils s’adonnent à une quelconque action
humanitaire, ni qu’ils se vouent à une quelconque cause
humaniste. Ces derniers jours, Israël a bombardé des hôpitaux,
des écoles, des centres d’aide aux réfugiés et des centres de
distribution de ravitaillement de l’Onu. Il nous faut bien
l’admettre : l’Etat juif est une entité outrancièrement
criminelle qui n’a pas son pendant. Nous ne pouvons pas, nous ne
devons pas nous attendre à ce qu’ils entendent une quelconque
exhortation à l’humanité. Non, ce à quoi nous devons nous
attendre, c’est à voir Israël se comporter en tant que ce qu’il
est, c’est-à-dire l’incarnation du mal absolu. Et
malheureusement, force m’est bien de reconnaître qu’ils ne nous
décevront jamais, sur ce point.
° ° ° ° °
[KZ] : L’utilisation de phosphore blanc
dans les bombes que l’armée israélienne balance sur la tête des
civils, chez eux, à Gaza, semble une violation manifeste des
règles internationales, notamment de la Convention de Genève. Y
a-t-il un moyen de sanctionner ces crimes de guerre ?
[GA] : Je ne suis pas juriste, aussi je ne
peux pas vous répondre de manière adéquate à cette question.
Toutefois, il est très intéressant de noter qu’en dépit d’une
très large condamnation, dans le monde entier, d’Israël, pour
son utilisation de bombes au phosphore blanc, l’armée
israélienne n’a jamais cessé d’en employer, et ce n’est pas la
première fois qu’elle utilise des armes non-conventionnelles
contre des civils, suscitant l’outrage de la communauté
internationale. Chaque jour, nous voyons ces bombes (au
phosphore) mortelles explosant au-dessus de cibles civiles. Une
fois encore, nous constatons que tout ce que les goyim peuvent
rien dire n’a strictement aucune importance : seul compte ce que
les juifs font. Et que font-ils : ils assassinent des civils
palestiniens… J’ajouterai que les Israéliens ne cessent de se
lamenter au sujet de « potentielles » armes de destruction
massive que d’autres pays pourraient détenir, et cela semble
parfaitement pathétique, dès lors qu’ils possèdent eux-mêmes un
arsenal obscène de têtes nucléaires. Etant donné qu’ils se
foutent totalement de la légalité internationale, pourquoi
voudriez-vous qu’ils aient quoi que ce soit à cirer de l’opinion
publique mondiale ?
° ° ° ° °
[KZ] : Provisoirement, même si la guerre
s’arrêtait dès aujourd’hui et même si Israël se retirait des
territoires occupés, le bilan du conflit est de plus de mille
trois-cents tués et plus de 70 % de l’infrastructure de la bande
de Gaza, dont les habitations et les bâtiments publics, ont été
détruits. Comment pourrait-on administrer une réelle justice à
Israël, et lui faire payer ses crimes contre l’humanité ?
[GA] : Encore une fois, je ne suis pas un
expert juridique. Ce n’est pas que je veuille me défiler.
Toutefois, ma spécialité, c’est l’identité juive et l’identité
israélienne. Ce qui m’intéresse, c’est la métaphysique de
l’inclination génocidaire des Israéliens. Je suis en train de
réfléchir à cette Identité qui est capable d’infliger une telle
douleur et un tel carnage à des civils innocents. Ce qui
m’interpelle, c’est cette banalité du mal que démontre le summum
de la barbarie d’Israël, et le soutien juif institutionnel à ce
mal, dans le monde entier. Je pense qu’une fois que nous aurons
commencé à prendre conscience de la nature de l’ennemi que nous
devons abattre, nous pourrions mieux savoir de quelle manière le
combattre. Pour être franc, les tribunaux internationaux, je n’y
crois pas. Une prise de conscience générale, très largement
reconnue, que l’Etat juif n’est rien d’autre qu’une barbarie à
l’état pur me semble beaucoup plus efficace.
° ° ° ° °
[KZ] : Une dernière question : quel est le
message, qu’en tant qu’artiste israélien, vous adressez au
peuple palestinien ; à ces mères qui ont perdu leurs enfants, ou
à ces enfants traumatisés qui subissent le choc d’avoir perdu
leurs parents
[GA] : Mes très chers frères et sœurs. Cela
brise le cœur de voir la mort et le carnage que vous inflige
l’Etat juif. Nous voyons tous ce que vous subissez, et nous
savons tous que la justice est de votre côté. Je vous supplie de
ne pas perdre l’espoir. Le mal connaît toujours une fin, et le
mal israélien n’échappera pas à cette règle. Israël finira. Mais
nous devons faire quelque chose, nous devons agir, pour que
cette fin se produise.
Toutefois, il y a au moins une chose qui
est parfaitement claire. L’Occident soi-disant « libéral » a été
incapable de vous sauvez, hélas, trois fois hélas ; les pays
arabes, encore une fois, ont été incapables de se joindre à
votre combat. Aussi triste que cela soit, autant la justice est
de votre côté, autant vous êtes seuls, encore une fois, à être
confronté avec le mal absolu.
Israël a une quantité énorme de bombes,
dans son arsenal. Mais vous, mes frères et mes sœurs
palestiniens, vous avez ces choses qu’eux, ils n’ont pas : la
justice est de votre côté, l’humanité est dans vos rues, vous
avez le moral, et vous avez l’arme suprême, à savoir l’arme
démographique.
Le pays, c’est la terre de Palestine ;
Israël n’est qu’un Etat.
Les Etats viennent, et puis ils
disparaissent. La terre, elle, est éternelle..
Vive la Palestine !
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier