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Al Manar
Assad pour AlManar: Nous avons relevé le
défi dans l'aventure qui nous a été imposée
Trad. Ghada Houbballah
© Photo Al Manar
Mercredi 24 mars 2010
Dans une interview exclusive accordée à
notre chaîne alManar, et diffusée mercredi soir, le président
syrien Bachar AlAssad a assuré que son pays a opté en faveur
une politique qui relève le défi pour faire face à l'aventure
imposée par la politique de l'ancien président américain dans la
région. Indiquant que la Syrie a finalement eu gain de cause, vu
l'échec de cette politique et vu que la nouvelle administration
américaine diffère de la précédente. Concernant la relation avec
le Liban, le dirigeant syrien a signalé que les changements
opérés n'affectent nullement les intérêts de la Syrie. Assurant
entretenir désormais de bonnes relations avec toutes les
instances politiques officielles il a nié les assertions selon
lesquelles Damas est derrière la campagne menée dernièrement
contre le président libanais.
Voici les principales idées de cet entretien :
AlManar : Monsieur le Président, la Syrie a réussi à surmonter
différentes crises, au cours de ces dernières années grâce
à une politique de défi et de résistance, cette politique a
failli faire payer chère à la Syrie, aussi, ma question est sur
la marge d’aventure prise dans la décision syrienne de relever
le défi.
Al-Assad : Il faut savoir distinguer entre une aventure imposée
et une aventure choisie. Nous ne sommes pas des
aventuriers nous les Syriens, mais nous vivons au Moyen-Orient;
la région du Moyen-Orient est connue pour sa complexité tout au
long de son histoire pendant des siècles, voire des milliers
d'années, la cupidité a toujours régné dans cette région
particulière et peut-être dans la Méditerranée orientale
autour d’elle, parce qu'elle est le cœur du monde qui abritent
les intérêts stratégiques et si vous voulez créer une politique
ou faire une guerre c’est une aventure en soi, mais comme je
l’ai dit, c'est une aventure imposée, aussi faut-il
distinguer entre l'aventure et le jeu du hasard , le jeu
consiste à supposer que la solution la plus facile est de
confier notre avenir et nos capacités aux grandes puissances
pour résoudre nos problèmes. Or à travers les expériences
passées ce sont toujours les grandes puissances qui ont
compliqué nos problèmes pour des raisons différentes, souvent
par mauvaise foi, mais supposons que c'est par bonne foi, il y a
toujours une complication des problèmes parce qu'ils ne sont
pas les habitants de cette région. Nous avons refusé de
faire partie du jeu , de confier les intérêts de la Syrie à
une partie de l'extérieur et c’est ce qui est arrivé durant la
dernière période notamment à travers le projet d’un nouveau
Moyen-Orient, où l'Irak et le Liban étaient impliqués, et où la
Syrie devait en faire partie. Or, nous avons rejeté ce projet:
et je l’ai dit lors de mon discours en 2005, quand j'ai dit que
le prix de la résistance est inférieure au prix de l'anarchie
car le choix du projet conduira au chaos et le prix à payer sera
excessif, entre un prix élevé et un prix excessif, nous avons
choisi le prix élevé surtout quand il n’ y a pas de prix faible
ou il n’y a pas de prix à payer !
AlManar : vous l'avez souligné à plusieurs reprises, Monsieur le
Président, vous êtes en Syrie contre la politique du compromis,
tandis que l'autre partie, soit l’administration américaine
croit en la politique des pressions et des compromis, malgré
cela les relations se sont améliorés, comment êtes-vous parvenus
à cette situation ?
AlAssad : le bilan c’est qu’ils n’ont pas réussi, non seulement
les Etats-Unis, mais même les auteurs de ce projet, entre
autre Bush, or nous ne voulons pas mélanger entre
l’administration américaine précédente et celle d’aujourd’hui,
certes il y a des différences entre les deux (..)
AlManar : vous avez établi une distinction entre
l'administration Bush et celle d’Obama : Est-ce parce que vous
ne voulez pas imputer à Obama la responsabilité des erreurs de
Bush ou parce que réellement il y a des différences ?
AlAssad : il y a des différences: la première réside dans les
propositions que nous entendons et la deuxième dans les discours
où l’on a noté l’absence du langage du diktat; et puis il y a
une différence dans les points vues ce qui est normal en soi
(..)
AlManar : mais permettez-moi de m’arrêter un peu sur les propos
tenus par l’ambassadeur des Etats-Unis en Syrie devant la
commission des relations étrangères du Sénat le 16-3-2010. Ces
propos étaient assez sévères à l’encontre de la Syrie, puisqu’il
a mis en garde cette dernière contre le fait de se laisser
entraîner vers une confrontation avec Israël, même par
inadvertance, allant même jusqu’à estimer que la Syrie commet de
graves erreurs en soutenant le parti (Hezbollah) ?
AlAssad : Il a tenu ces paroles devant le Congrès et avant qu'il
ne devienne l'ambassadeur, dès qu’il sera nommé ambassadeur des
USA en Syrie et qu’il nous présentera ses papiers et ses
lettres de créance alors nous pourrons commenter chacune de ces
paroles; de toute façon nos positions sont connues et je n'ai
pas besoin d'expliquer ces positions, mais en même temps je
tiens à dire que tout ambassadeur, quel que soit son caractère,
représente en fin de compte la politique de son pays, peu
importe s’il a mauvais ou bon caractère (..) pour l’instant je
ne suis pas en mesure de commenter le discours de l'ambassadeur,
quand il viendra nous commenterons sa manière à exécuter sa
mission, finalement il a le droit d’essayer de nous convaincre
et nous avons le droit de nous laisser nous convaincre.
AlManar : dans quelle mesure peut-on considérer comme un prix
payé par la Syrie le fait d’avoir accepté des relations
diplomatiques avec le Liban et d'avoir accepté d'ouvrir une
ambassade syrienne au Liban, sachant que certaines parties
libanaises remercient la France pour les efforts qu'elle a
déployés pour réaliser cette demande.
AlAssad : Il y a des parties qui insistent à faire croire
qu’elles ont réussi à réaliser quelque chose de leurs
politiques; au cours des dernières années, en réalité, elles
n’ont rien réalisé, elles ont entraîné le Liban dans des
absurdités (..) L’idée d’établir des relations diplomatiques
entre les deux pays, est une idée qui n’est pas libanaise,
l’idée de l’ambassade je l’avais en tête en 2005; aucun de nos
anciens ou nouveaux alliés ne l’avait proposée; à l'époque
cette idée a été proposée en présence du Président du Parlement
Nabih Berri du Président Emile Lahoud et du Premier ministre
Omar Karamé à la réunion du Haut comité syro-libanais. Mais
lorsque les conditions au Liban se sont aggravées nous avons
décidé de fermer les yeux sur ce sujet. L’idée d’une ambassade
est initialement une idée syrienne et puis la Syrie ne peut pas
proposer des relations diplomatiques entre le Liban et la
Syrie, si ce n’est par conviction si nous avions le sentiment
qu’une telle idée était imposée de l’extérieur nous aurions
rejeté l’idée car toute proposition qui vient de l’extérieur est
rejetée chez nous, car nous refusons toute pression out diktat
(..)
AlManar : Certains Libanais évoquent la présence d’un handicap
dans la relation syro-libanaise, handicap lié à la question des
hameaux de Chebaa, la question qui se pose est pourquoi la Syrie
s’obstine-t-elle à ne pas délivre au Liban le document officiel
qui certifie que les hameaux de Chebaa font partie du
territoire libanais.
AlAssad : parce que vous ne pouvez pas donner de document que
vous n’avez pas en votre possession, et vous ne pouvez être
propriétaire de ce document tant que vous n’avez pas effectué
toutes les mesures nécessaires pour obtenir ce document; ces
mesures sont des procédures législatives qui précisent qui est
le propriétaire de ces terres, avant et après l’indépendance
etc. Dés que ces mesures seront terminées sera déclenchée le
processus de démarcation des frontières; mais le fait de
prétendre que la question est liée à des raisons politiques
n'est pas logique.
AlManar : Monsieur le Président, il est bon de
voir que la relation syro-libanaise s’améliore, mais dans
la forme qui se présente à nous se résume en une réconciliation
entre les chefs des principaux blocs avec la Syrie alors que
leurs bases populaires ne les suivent pas, pourquoi accepter
cette forme de relation ?
AlAssad : D’abord mettons de côté Saad Hariri, car il est
aujourd'hui le chef d’un gouvernement de réconciliation
nationale, et nous souhaitons au premier ministre et à son
gouvernement tout le sucés, en même temps nous essayons de
bâtir , le premier ministre Saad Hariri et moi, une bonne
relation personnelle et directe afin de pouvoir refléter cette
relation sur le plan institutionnel (..) ; pour ce qui est de
votre question je pense qu’il faut l’adresser à tous ceux qui se
contredisent avec leurs chefs, mais de mon point de vue, cela
n'affecte pas la Syrie, cela affecte plutôt la crédibilité de
l'intéressé car quand son équipe dit le contraire de ce que
qu’il fait ou pense, alors c’est sa crédibilité en tant que chef
de cette équipe qui est entachée, et discréditée.
AlManar : on parle aujourd’hui au Liban d’une campagne dirigée
contre le président Michel Souleimane au Liban, certains
disent que c’est la Syrie qui a donné son feu vert à une telle
campagne, alors que d’autres disent le contraire (…), quelle est
votre relation avec ce dossier ?
AlAssad : personnellement, j’ai la conviction depuis des années
qu’il n’est pas dans l’intérêt de la Syrie de se mêler des
détails de la vie libanaise, et quand la Syrie est sortie du
Liban je suis encore plus convaincue qu’il n’est pas de notre
intérêt de se mêler des détails libanais, nous affirmons
clairement que nous soutenons la présidence de la République et
donc nous soutenons le Président de la République Michel Souleimane comme nous avons soutenu tous les présidents de
la république précédents, l'ex-président Hraoui et le président
Lahoud en plus nous soutenons les présidences des autres
institutions libanaises parce qu’elles représentent l'Etat
libanais, si nous avons à critiquer toute personne en tant que
président ou administrateur nous pouvons le faire directement
nous avons l'audace, la capacité, et les moyens de communiquer
directement avec l’intéressé, sur ce point je n’ai rien à
ajouter. Je ne voulais pas parler de cette question mais vous
l’avez posée, je souhaite de la part des Libanais de ne plus
parler de la Syrie dans ce genre de situation, aujourd'hui et
dans l'avenir. J'espère que ma réponse est claire (…); ce que
nous voulons du Liban c’est ses positions générales, concernant
sa relation avec la Syrie et avec Israël, sa position concernant
la paix, la sécurité et la stabilité, sa coopération
fraternelle entre les deux peuples, mais les détails de la vie
quotidienne libanaise n'intéressent en rien la Syrie, nous
refusons ce genre de débat !
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Publié le 25 mars 2010
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