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Interview
« L'Irak n'a pas
d'Etat, mais un gouvernement et un régime ...»
Abbas Khalaf
Jeudi 3 septembre 2009
Abbas Khalaf,
ancien ambassadeur d’Irak pour la Fédération de Russie, est
aujourd’hui conseiller à l’Institut d’Etudes stratégiques
de Moscou. Extraits de l’interview qu’il a accordé à Amr Taha,
d’IslamOnline.net.
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I.O :
Comment pensez-vous que l’Etat irakien fonctionnera après
que les troupes américaines auront évacué les principales
villes d’Irak ?
Dr. Khalaf :
L’Irak n’a pas d’Etat, mais il a un gouvernement et un régime.
En théorie, un Etat doit préserver sa souveraineté, maintenir la
sécurité et être capable de garder ses frontières, son espace
aérien et son territoire. A l’heure actuelle, le gouvernement
irakien, soutenu par les forces d’occupation, a le soutien
politique, militaire, économique des troupes américaines. Les
patriotes et la résistance ont remporté un succès en obligeant
les troupes américaines à se retirer des villes. Ils vont
redoubler d’efforts.
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I.O :
Le premier ministre, al-Maliki, a recouru à une
rhétorique nationaliste en exaltant « les
accomplissements » obtenus pour « libérer l’Irak des
troupes étrangères ». Est-ce que al- Maliki ne se sert
pas de cet événement pour accroître ses chances en vue des
prochaines élections de
janvier 2010 ?
Dr. Khalaf :
En recourant à cette rhétorique, al-Maliki oublie de dire qui
l’a porté au pouvoir et que c’est la résistance, en causant plus
de 5000 victimes et plus de 40 000 blessés aux troupes US, qui a
contraint les forces d’occupation à quitter les villes. En
revanche, les milices d’al-Maliki défendent l’occupation. C’est
la raison pour laquelle les personnels irakiens de la police et
de l’armée sont tués lors des opérations de guérilla, car ils
assurent la protection des troupes américaines. C’est difficile
pour al-Maliki d’expliquer ces contradictions au peuple irakien,
au monde arabe, ou à l’opinion publique internationale. Al-Maliki
et son gouvernement ne savent pas ce dont ils parlent.
L’atmosphère de fête créée en Irak à l’occasion de ce retrait
n’a d’autre motif que de tromper l’opinion publique.
Al-Maliki
joue un jeu très dangereux avec les Américains et le peuple
irakien. Ses attaques verbales contre les Américains, même
implicites, lui feront perdre son principal allié et le soutien
de ses partisans. L’équipe d’al-Maliki n’a jamais imaginé
gouverner un jour l’Irak, les Américains l’y aident. Maintenant,
le gouvernement d’al-Maliki pense à tort pouvoir manœuvrer sans
les Américains.
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I.O : Comment
voyez-vous l’avenir des Sahwa (milices tribales) et
le poids du parti Baas après le retrait des Américains ?
Seront-ils intégrés au processus politique ? Et,
qu’attendez-vous des sadristes ?
Dr. Khalaf :
Sincèrement, l’avenir des Sahwa est plutôt sombre car ils
se sont liés à l’avenir des forces d’occupation américaines.
Aussi, au fur et à
mesure du départ des troupes US, le sort de ce conseil sera
similaire à celui de l’Armée du Sud-Liban. Cette armée s’est
réfugiée en Israël quand la résistance libanaise a obligé les
Israéliens à se retirer du Liban.
Quant au parti Baas, même si ses membres ont subi les affres de
la détention et des campagnes d’arrestation, il continuera à
combattre l’occupation. Il a des experts en renseignement, en
politique, et en sécurité. Les membres du Baas font partie de
groupes de résistance spéciaux. Ils préfèrent la résistance au
processus politique. D’ailleurs, le gouvernement d’al-Maliki ne
les invitera jamais au dialogue. L’actuel gouvernement est
sectaire. Le parti islamique al-Dawa, le Conseil Islamique
Suprême, et d’autres, sont les ennemis historiques du parti Baas.
Ils veulent réduire le parti Baas à néant.
Les
sadristes, en dépit de leur rhétorique anti-occupation, prennent
part au processus politique ouvertement mis en place par les
occupants. Cependant, bien qu’ils soutiennent le gouvernement,
sont représentés au Parlement, et participent au processus
politique, nombre d’entre eux sont emprisonnés par les
Américains et le gouvernement d’al-Maliki. Je n’arrive pas à
comprendre la stratégie de Sadr faite de contradictions et
d’ambiguïtés. Comment ses partisans peuvent-ils faire de la
résistance passive alors que les forces d’occupation les
arrêtent et les emprisonnent ?
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O.L :
Quelle serait, selon vous, la solution en Irak ?
Dr. Khalaf :
La solution réside dans une résistance unifiée pour vaincre
l’ennemi. Les Etats arabes doivent soutenir la résistance. Ils
ne doivent pas reconnaître le régime fantoche en Irak. L’Irak
doit rejoindre le monde arabe. La prochaine phase du combat
entre la résistance et le régime sera, je crois, de lui « briser
les os ».
Texte
intégral (deux parties):
http://www.islamonline.net/...
http://www.islamonline.net/...
Publié le 4 septembre 2009 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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