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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (14)
Photo CPI
25 janvier 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son
histoire de l’intérieur de Dr.
Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la
vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son
développement. Le département français du Centre Palestinien
d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici
la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses
parties.
Du prêche au
djihad (3)
Le Jihad Islamique
La situation fâcheuse des Ikhwan s’approfondit davantage avec la
fondation du Jihad Islamique, une organisation formée dans le
début des années 1980 à Gaza par Fathi Al-Shiqaqi. Al-Shiqaqi
avait été exclu des Ikhwan alors qu’il étudiait au Caire en
1979, apparemment pour avoir écrit et publié un dépliant
intitulé Al-Khomayni : al-hal al-islami wal-badil
(Khomeyni : la solution islamique et l’alternative), en dépit
d’un ordre de la direction des Ikhwan l’interdisant de le faire.
Il semble possible que son exclusion était plus liées à sa
critique du manque de stratégie des Ikhwan pour la lutte armée
pour libérer la Palestine que pour son livre pro-Khomeyni. Le
discours officiel des Ikhwan, à l’époque, ne donnait pas la
priorité à la Palestine devant les autres questions islamiques.
Al-Shiqaqi, d’autre part, croyait que la Palestine était la
“mère” de toutes les causes, et qu’elle devait ainsi être la
cause centrale du mouvement islamique, une position qui commença
à prendre place dans le discours officiel des Ikhwan qu’une
décennie plus tard. Il s’avéra toutefois qu’Al-Shiqaqi se mit en
fait à mettre en place une nouvelle organisation islamique, dont
les membres étaient recrutés des Ikhwan ainsi que de
l’extérieur. Ceci semblerait présenter une meilleure explication
de la raison pour laquelle les Ikhwan évitèrent d’être tenus
responsables de lui. L’une de ses premières recrues de
l’extérieur des Ikhwan était Abdallah Ramadan Shallah, qui
allait plus tard réussir à diriger le mouvement du Jihad
Islamique après son assassinat en 1995. D’autres recrues des
premiers temps comportaient certains des actuels leaders du
Jihad Islamique en Palestine, comme Khadr Habib, Nafidh Azzam et
Abdullah Al-Shami. Pendant des années, le mouvement d’Al-Shiqaqi
fut appelé Al-Tal’i’ Al-Islamiyah (Les troupes islamiques
d’avant-garde) : le nom du Jihad Islamique ne fut pas adopté
avant le milieu des années 1980.
Après être retourné à Gaza en 1981, Al-Shiqaqi continua à
rechercher des recrues pour son projet et il s’opposa vite aux
Ikhwan, qui s’étaient alors développés en un formidable réseau
de mosquées et d’institutions civils, dirigées ou supervisées
par une nouvelle génération d’activistes. Certains d’entre eux
étaient aussi de récents diplômés d’Egypte, comme Salah
Shihadah, Isma’il Abu Shanab, Ibrahim Al-Maqadmah et Issa
Al-Nashar. Al-Shiqaqi savait qu’il ne pouvait concurrencer le
programme des Ikhwan. En vérité, il n’était pas particulièrement
intéressé pour les concurrencer dans les domaines de l’éducation
et le bien-être social, dans lesquels ils excellaient. Là où il
voulait présenter une concurrencer, c’était dans le domaine où
ils avaient selon lui toujours abandonné une de leurs
responsabilités majeures : le djihad pour libérer la Palestine.
Il eut vie un groupe de sympathisants considérable, et ceci
poussa les Israéliens à l’identifier comme une menace
potentielle. Son premier passage bref en prison en 1983 lui fit
connaître un certain nombre d’individus de divers passés dans
différentes organisations qui avaient été emprisonnés pour leurs
activités de résistance. De tels hommes, qui avaient de
l’expérience dans la lutte et avaient reçu quelque entraînement,
étaient des recrues potentielles pour le projet d’Al-Shiqaqi.
Entre-temps, un groupe de membres du Fatah orientés vers l’islam
s’étaient lancés de manière indépendante dans une campagne de
résistance contre l’occupation israélienne. Travaillant à partir
de refuges en Cisjordanie, cette organisation, Saraya Al-Jihad
Al-Islami, cherchait à redonner vie à la résistance armée contre
les forces d’occupation israéliennes et contre les colons juifs
à l’intérieur des territoires. La direction de l’OLP, qui était
de plus en plus convaincue qu’il pouvait y avoir un accord de
paix, et qui se trouvait au milieu d’hostilités arabes internes,
ne prêtait que peu d’attention à ce projet, bien que parfois,
elle louait les opérations effectuées par le groupe. Saraya
Al-Jihad reçut de la notoriété le vendredi 2 mai 1980, lorsque
plusieurs de ses combattants armés ouvrirent le feu, placés sur
des toits, sur une rangés de colons juifs de la proche colonie
juive de Kiryat Arba, alors qu’ils entraient dans la ville
d’Hébron, tuant six d’entre eux et en blessant dix-sept.
Al-Shiqaqi réussit à créer une alliance avec Saraya Al-Jihad,
dont les leaders avaient de nombreux contacts avec d’autres
groupes palestiniens à l’intérieur de la Palestine et à
l’extérieur. Ceux-ci incluaient Abdullah Azzam, un membre des
Ikhwan, qui dirigea le contingent arabe dans le djihad afghan de
sa base dans la ville pakistanaise de Peshawar. L’attaque
audacieuse de Saraya Al-Jihad contre des cibles israéliennes
surprit les Arabes ainsi que les Israéliens. Une de ses
opérations les plus célèbres était l’opération d’Al-Bouraq (le
mur des lamentations) réalisée le 15 octobre 1986 contre du
personnel israélien visitant le site, qui tua un Israélien et en
blessa environ soixante-dix.
De 1979 à 1981, à travers le réseau de l’organisation des Ikhwan
à l’intérieur de Gaza et de la Cisjordanie, les plus jeunes
membres, qui étaient électrifiés par les opérations de
résistance de Saraya Al-Jihad, exprimaient une question
persistante : « Pourquoi ne sommes-nous pas engagés dans la
résistance armée à l’occupation ? ». On ne savait que peu de
choses à l’époque d’un projet visant à s’engager dans une action
militaire qui avait déjà été préparé, durant cette même période
de recherche d’âme, par Sheikh Ahmad Yassine, en tant que leader
des Ikhwan à Gaza. Clairement, les Ikhwan, ou au moins
quelques-uns de leurs leaders, ne pouvaient plus supporter la
pression de l’intérieur de leurs propres rangs et le scepticisme
grimpant de la société palestinienne en général. Ils avaient
aussi commencé à souffrir, peut-être, d’un sens croissant de
culpabilité de leur propre part envers leur inaction. Le projet,
qui avait été gardé secret au point que nombre de leaders des
Ikhwan à Gaza et en Cisjordanie furent pris de court lorsque ses
nouvelles apparurent, semble avoir été conçu au début en 1980,
lorsque le discours officiel des Ikhwan favorisait encore
l’attente pour que quelque pouvoir extérieur vienne à la
rescousse des Palestiniens. Les Ikhwan voyaient toujours leur
tâche principale comme étant de s’occuper de l’individu et de la
communauté à l’intérieur de la Palestine, mettant en place
toutes les institutions civiques qui pouvaient aider à
l’accomplissement de la mission. Il était soutenu que la
libération de la Palestine était une trop grande tâche, que
seule la force d’un Etat islamique pouvait entreprendre. Il
était prévu que l’établissement de cet Etat islamique était le
projet sur lequel d’autres mouvements des Ikhwan travaillaient,
ailleurs dans le monde islamique.
On sait maintenant que des membres des Ikhwan palestiniens dans
la diaspora avaient aussi mis la pression pour une action
militaire. Leurs efforts étaient assistés par l’unification de
leurs organisations à la fin des années 1970, un projet qui
atteignit son sommet lors de la conférence historique réunie en
secret à Amman en 1983. Des représentants des Ikhwan
palestiniens étaient présents, de Palestine, de la bande de Gaza
ainsi que de la Cisjordanie, et de la Jordanie, du Koweït,
d’Arabie Saoudite, des autres pays du Golfe, d’Europe et des
Etats-Unis. L’objectif du meeting était de poser la pierre
angulaire de ce qui devint connu comme étant le “projet global
pour la Palestine”, un projet islamique proposé à la conférence
par les délégués du Koweït. Dans cette conférence, une décision
unanime fut prise pour donner un soutien financier et logistique
à l’effort des Ikhwan en Palestine pour faire le djihad.
Entre-temps, plutôt indépendamment, le Comité de la Palestine,
parfois nommé le “Comité de l’Intérieur”, dirigé par le
secrétaire basé à Amman du bureau exécutif de Tanzim Bilad Al-Sham,
reçut une somme de 70 mille dollars, collectés par la branche
koweïtienne. Cette somme était destinée aux Ikhwan à Gaza, pour
financer leur premier projet de djihad, auquel le comité avait
donné secrètement son soutien. L’argent devait être utilisé pour
l’achat d’armes et de munitions et pour envoyer plusieurs
individus à Amman pour recevoir un entraînement militaire.
Seul Sheikh Ahmad Yassine et un cercle très proche de ses
associés étaient au courant de ce projet, pour lequel les plans
furent finalisés en 1982. Les autres membres du comité exécutif
de Gaza des Ikhwan n’étaient pas informés. A l’extérieur de la
Palestine, personne ne connaissait le projet à part ceux qui
étaient directement impliqués dans le Comité de la Palestine,
dont le rôle était de fournir les fonds et les équipements pour
entraîner les gens de Gaza en Jordanie. Un groupe de membres des
Ikhwan de Gaza se rendit en Jordanie, reçut l’entraînement
nécessaire, et retourna à Gaza pour former la première cellule
de l’appareil militaire des Ikhwan. Sheikh Yassine mit en place
deux systèmes séparés pour l’achat d’armes, qui étaient
volontairement mis en vente en Israël et provenaient
généralement de l’armée israélienne. Des officiers et des
soldats israéliens volaient des armes et les vendaient dans le
marché au noir. Ceux qui faisaient cela agissaient en général de
la sorte pour donner raison à leur addiction à la drogue.
Cependant, les membres des Ikhwan qui avaient pour tâche de se
procurer les armes en prenant une de ces deux voies manquaient
d’expérience et ne prirent pas assez de précaution. Par
conséquent, ils tombèrent dans un piège placé pour eux par des
collaborateurs, et on les trompa pour qu’ils achètent des armes
à des agents israéliens. Le projet fut découvert, et ceux qui
étaient interrogés par les Israéliens, sous une sévère torture,
divulguèrent les noms de leurs supérieurs. Au début, Sheikh
Yassine pensait que les arrestations étaient le résultat de
quelque accident, mais il comprit vite que ceux qui étaient
visés étaient progressivement plus élevés dans l’échelle des
responsabilités. Si l’on permettait au processus de continuer,
conclut-il, les Israéliens allaient en fin de compte
l’atteindre. Seules deux personnes connaissaient son
implication : ceux qui dirigeaient les deux réseaux d’achat
d’armes. Il ordonna immédiatement à ceux deux hommes de quitter
le pays. L’un d’entre eux, Dr. Ahmad Al-Milh, put s’en aller au
Yémen, où il resta depuis. L’autre, Dr. Ibrahim Al-Maqadmah, ne
trouva pas méthode pour s’en aller. Il fut arrêté et avoua sous
la torture que Sheikh Yassine était le meneur.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (13)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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