|
Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (9)
Photo CPI
22 décembre
2008
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage Hamas : Son
histoire de l’intérieur de Dr.
Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la
vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son
développement. Le département français du Centre Palestinien
d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici
la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses
parties.
Les débuts (5)
Nombre des étudiants
islamiques avaient eu une grande réussite dans leur
établissement d’études secondaires et avaient remporté une
bourse pour étudier des sujets prestigieux comme la médecine et
l’ingénierie. A un moment, ils se retrouvèrent au nombre de
trois cents, répartis en un certain nombre d’universités à
travers l’Egypte. Sous la direction d’Abd Al-Aziz Awdah, ils
s’organisèrent en plusieurs cercles dont plusieurs au Caire,
deux à Mansurah, un à Shbin El-Kum, un à Zaqaziq, et quatre en
Alexandrie. Durant l’automne 1971, un nouvel arrivant se joignit
aux étudiants des Ikhwan palestiniens. C’était Bashir Nafi, qui
vint en Egypte pour étudier la médecine vétérinaire. Bien que né
et élevé dans le camp de réfugiés de Rafah à Gaza, il arriva de
Jordanie, où il se trouvait depuis le résultat de la guerre de
1967. Sa famille l’envoya ensuite à Amman pour rester avec son
oncle, un médecin aussi appelé Bashir Nafi, où il termina son
éducation secondaire. Bashir Nafi rejoignit bientôt les Ikhwan
et devint une éminente figure estudiantine au sein de
l’organisation. Alors qu’en Jordanie, il fut recruté par le
Fatah, il changea cependant son allégeance peu de temps après
son arrivée en Egypte. Ayant été désillusionné par l’OLP à la
suite de la tragédie de septembre 1970, il pensa que les Ikhwan
offrait une meilleure alternative. Ce qui poussa Nafi à
rejoindre les Ikhwan était le livre de Sayyid Qutb, Ma’alim al-tariq
(Les étapes importantes), dont il fut informé grâce à Ali
Shakshak. Shakshak avait apporté quelques présents à Nafi de sa
famille après avoir rendu une visite à sa propre demeure
familiale à Rafah, et leur rencontre permit une longue et
sérieuse discussion entre les deux aux sujets des Ikhwan et du
futur de la question palestinienne. A cette occasion, Shakshak
donna à Nafi un exemplaire du livre de Qutb, qui le fascina et
changea ses idées.
En même temps, les groupes
estudiantins égyptiens connus sous le nom Al-Jama’at Al-Islamiyyah
(les associations islamiques) commencèrent à émerger dans les
universités d’Egypte. Une décennie plus tard, certains des
membres de ces groupes d’étudiants devinrent des figures
dominantes de la seconde génération des Ikhwan égyptiens. Ils
comportaient des noms comme Abdul Mu’min Abul-Futuh et Issam Al-Iryan,
qui avait créé des liens avec les Ikhwan palestiniens, purement
en tant qu’activistes islamiques, bien avant qu’ils ne soient
eux-mêmes devenus des membres des Ikhwan égyptiens. A cette
époque, plusieurs membres des Ikhwan jordaniens poursuivaient
aussi leurs études supérieures en Egypte. Ceux-ci incluaient des
noms comme Abdullah Azzam, Fadl Abbas et Ahmad Nawfal, qui
étaient aussi en contact avec le groupe des Ikhwan palestiniens.
C’était aussi l’époque où les prisonniers des Ikhwan
commencèrent à être libérés des prisons égyptiennes. Ils
comportaient des Palestiniens, dont notamment Abd Al-Rahman
Barud, qui avait été emprisonné en 1965 alors qu’il était un
étudiant en doctorat en Egypte.
En 1973, l’Egypte vit
l’arrivée d’un certain nombre de figures qui allaient plus tard
être éminents dans le mouvement palestinien, comme Fathi
Al-Shiqaqi, qui comme Awdah était très proche de Sheikh Ahmed
Yassine et était une de ses premières recrues. Plus tard
arrivèrent Ibrahim Al-Maqadmah et Salah Shihadah. Environ un an
plus tard, Abd Al-Aziz Awdah fut évincé des Ikhwan pour mauvaise
conduite, après une enquête et un débat internes présidés par
Al-Maqadmah, son junior. Bashir Nafi, qui avait été un proche
associé d’Awdah, quitta aussi les Ikhwan, vraisemblablement par
sympathie pour lui. Officiellement, toutefois, les Ikhwan
n’évincèrent jamais Nafi ni n’eurent l’intention de le faire.
Ils soutiennent qu’il s’en alla de son propre choix.
Une des questions qui
préoccupaient en ce temps les étudiants islamiques en égypte
était le besoin d’améliorer la façon dont les Ikhwan étaient
organisés et administrés. Certains d’entre eux protestèrent
contre la façon dont ils étaient sujets à la discipline des
cercles locaux des Ikhwan lorsqu’ils rentrèrent chez eux lors
des vacances d’été. Ils sentaient que les questions discutées
dans ces groupes locaux ne s’élevaient pas au niveau
intellectuel atteint par les étudiants en Egypte, et qu’elles
n’étaient pas appropriées par rapport au défi auxquels faisaient
face les Palestiniens sous l’occupation. Une des questions
soulevées concernaient le statut de l’organisation des étudiants
en Egypte, pour savoir si elle était autonome ou simplement une
extension de celle de Gaza. De plus, les étudiants sentirent un
besoin de définir leurs positions vis-à-vis de la question
palestinienne, qui jusqu’à ce moment ne semblait pas être très
largement décrite dans la réflexion de la direction des Ikhwan à
Gaza. Eté après été, alors que les étudiants, une fois chez eux
pour les vacances, passaient les nuits sous la chaleur, assis
sur la place à discuter de ces questions, une faction mécontente
commença à se distinguer du reste du groupe.
Fathi Al-Shiqaqi, très fidèle
aux Ikhwan, émergea en tant que leader de cette tendance, qui
tirait son inspiration d’un article rédigé par un étudiant
universitaire syrien du nom de Tawfiq Al-Tayyib. Sous le titre
“Al-Hal al-Islami ma ba’da al-nakbatayn” (La solution islamique
après les deux catastrophes), il parvint aux étudiants en
Egypte, d’Allemagne, où Al-Tayyib préparait son doctorat en
philosophie. Dans ses vingt-et-une pages, notes de bas de pages
comprises, il y était inscrit une révolution dans la pensée
islamique. Dans son introduction, l’auteur commence avec la
question du sens du 5 juin 1967 dans l’histoire de l’islam. A
cette date, Israël captura la Cisjordanie de la Jordanie, dont
Jérusalem est, où se trouve Al-Aqsa, la troisième mosquée la
plus sainte de l’islam. La guerre de 1967 donna un coup fatal au
nationalisme arabe et déclencha une résurgence islamique.
Al-Tayyib continue en considérant la perte de Jérusalem comme
une conséquence de la défaite arabe. Doit-elle être comparée
avec la tombée de Jérusalem aux mains des Croisés en 1099, ou
avec la perte de Cordoba au profit des Espagnols en 1237, ou au
pillage de Bagdad par les Mongoles en 1285 ? Aucun de ces
événements majeurs passés n’est vu par Al-Tayyib comme ayant eu
un impact significatif sur le monde de l’islam. A l’opposé, la
tombée de Jérusalem en 1967 représentait le sommet d’un assaut
intense et prolongé à l’encontre des musulmans et de la
civilisation islamique, de telle sorte que cet événements dût
être vu comme plus catastrophique que tous les précédentes
catastrophes. Selon Al-Tayyib, le cours des événements le 5 juin
1967 « apporta notre communauté et notre foi face à face avec
leur destin, qui sera soit l’existence, soit l’extinction. Cette
communauté vivra, ou mourra ; notre culture vivra, ou alors elle
disparaîtra. L’islam en tant que foi et les Arabes en tant que
peuple font face à leur destin, et le facteur décisif est la
Palestine ». Sa conclusion était que la Palestine était en effet
la plus grande cause de l’islam et qu’elle devait donc être la
première priorité du mouvement islamique. Le sort de l’islam et
celui du mouvement islamique, affirmait l’auteur, sont
inséparables du destin de la Palestine.
Entre-temps, la pensée
politique islamique était devenue dominée par une insistance
excessive sur l’Etat islamique, dont le rétablissement était vu
comme la principale priorité. Les Ikhwan souscrivaient à cette
conviction et disaient que la Palestine ne pouvait être libéré
des Sionistes qu’avec un Etat islamique fort, mais ils
insistaient aussi à dire que cela dépendait d’une société
islamique forte, qui à son tour doit consister en des individus
musulmans consciencieux, cultivés, attentifs et bien formés. La
perte de la Palestine était vue comme un symptôme, ou une
conséquence, de la perte du califat islamique, qui à son tour
avait été la victime du déclin musulman et de la déviation des
musulmans de la vraie voie de l’islam. Le califat, par
conséquent, devait être rétabli pour que les symptômes de la
maladie de l’islam disparaissent, mais ceci ne pouvait être
réalisé qu’à travers un processus graduel de réforme, à long
terme, de l’individu, de la famille et de toute la communauté.
Ironiquement, ce point de vue
sur la Palestine n’était pas la position originale des Ikhwan.
Dans les mois précédant la création de l’Etat d’Israël en
Palestine en 1948, les Ikhwan envoyèrent des centaines de
volontaires d’Egypte, de la Syrie, du Liban, du Yémen, de la
Jordanie et d’autres lieux pour combattre les forces sionistes
en Palestine. La nouvelle façon de penser s’était développée de
par la crise qui affligeait les Ikhwan à travers le monde arabe
en conséquence de la persécution qu’ils subissaient sous les
régimes nationalistes laïcs et despotes, qui s’emparaient de
l’autorité et cherchaient à baser leur légitimité sur la
question palestinienne. Durant les années 1950 et 1960, les
tendances islamiques et nationalistes se concurrencèrent et se
disputèrent largement, avec la Palestine au centre de leurs
débats continus. Le plus forts de ces débats eurent lieu dans
les universités, entre des étudiants qui épousaient les deux
tendances opposées. Le débat se focalisait surtout sur la
manière dont les Arabes pouvaient résister au mieux au projet
sioniste, tous s’accordant à dire que c’était la plus grande
menace. Les islamistes affirmaient que la libération de la
Palestine n’allait se produire qu’après que l’islam soit adopté
comme un mode de vie, et que la participation dans tout effort
de libération de la Palestine entreprise par un régime
non-islamique était donc impensable. Ils doutaient notamment de
la légitimité du djihad sous la direction de régimes
nationalistes laïcs comme celui d’Abd Al-Nassir en Egypte et des
Ba’th en Syrie. Ces régimes étaient perçus comme ayant lancé une
guerre contre l’islam et ils étaient ainsi considérés comme
étant au service des Sionistes eux-mêmes. Il n’est pas étonnant
que lorsque certains des Ikhwan étaient motivés pour rejoindre
la résistance palestinienne contre Israël à la fin des années
1960, ils insistaient à installer leurs propres bases séparées
dans la Vallée du Jourdain. Dans la pratique, toutefois, ils
n’avaient pas d’option, pour des raisons politiques et
logistiques, que de combattre sous la couverture du Fatah, la
principale faction de l’OLP.
Une controverse au sein des
étudiants des Ikhwan palestiniens en Egypte fut davantage
ravitaillée lorsque certaines d’entre eux furent approchées au
milieu des années 1970 par des membres du Fatah pour les
persuader de joindre la “branche islamique” de l’organisation,
connue sous le nom de Fatah Al-Islami (le Fatah islamique). Un
membre du Fatah de la famille Khizindar vint au Caire de
Beyrouth pour défier la position des étudiants des Ikhwan sur la
base de leur propre philosophie. Les Ikhwan avaient toujours
affirmé que le djihad et l’istishad (la recherche du martyre)
étaient leurs plus grands souhaits. Lorsqu’il leur fut demandé
pourquoi ils ne prenaient pas part au combat pour ainsi
accomplir leurs souhaits, leur réponse était qu’ils n’allaient
jamais combattre sous une bannière nationaliste laïque. De plus,
ils affirmaient que l’émergence d’une branche islamique au sein
du Fatah était seulement destinée à absorber les islamistes et à
les assimiler plutôt qu’à les reconnaître en tant qu’entité
autonome.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (8)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (10)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
|