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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (7)


Photo CPI

8 décembre 2008

Dr. Azzam Tamimi

            L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

Les débuts (3)

            Peu de personnes allaient prédire qu’un jeune homme quadriplégique comme Ahmed Yassine allait vivre pour guider une transformation massive dans les vies des Palestiniens, non seulement dans la bande de Gaza, mais aussi dans toute la Palestine et au-delà. Depuis le début, ses yeux étaient rivés sur la résistance à l’occupation. Il savait toutefois qu’il ne pouvait guère y avoir de résistance sans endurance et organisation. Comme il le dit lui-même, il soutint pendant de nombreuses années la croyance selon laquelle la résistance à l’occupation nécessitait des préparations ardues. Il fut approché en 1965 par le mouvement du Fatah lorsque ce dernier lança sa lutte contre Israël dans l’espoir d’entraîner les pays arabes dans une guerre contre l’Etat sioniste. Il fut invité à le rejoindre, mais il refusa, insistant à dire que les pays arabes n’étaient pas prêts à combattre et qu’ils n’en avaient pas non plus la volonté. Il ne voyait pas l’intérêt de les attirer dans un duel qui allait très certainement se terminer en leur défaite, et qui pouvait par conséquence faire perdre plus de territoires au profit des Israéliens.

            Peu de temps s’écoula avant que sa réflexion se prouve être juste, à plusieurs occasions. La première fois fut lorsque le Fatah mit en place une attaque de la bande de Gaza contre un bus israéliens à l’est de Deir al-Balah. Les autorités égyptiennes, qui contrôlaient Gaza, répondirent en arrêtant et emprisonnant ces personnes suspectées d’avoir préparé l’attaque. L’Egypte ne souhaitait pas être attirée dans une guerre qu’elle savait qu’elle ne pouvait gagner. A ce moment, le gouvernement égyptien accusa les Ikhwan de chercher à causer des soucis à l’Egypte et de forcer une internationalisation de la bande de Gaza. Bien que les Ikhwan n’avaient aucun lien avec l’attaque, ceux qui l’avaient préparée était à l’origine des membres des Ikhwan qui avaient été amenés à rejoindre le Fatah, dont les fondateurs, à l’exception de Yasser Arafat, avaient tous été d’anciens membres des Ikhwan.

            La seconde occasion où il se révéla qu’Ahmed Yassine avait juste était lors de la guerre de juin 1967. C’était une confrontation avec Israël qui n’était pas désirée par les Etats arabes, dont l’Egypte, qui perdirent de façon lamentable. Le scepticisme exprimé par Ahmed Yassine au cours des jours qui ont conduit à la guerre surprit nombre de ses contemporains. L’Egypte, de son point de vue, n’était tout simplement pas prête à la guerre, et le stratagème d’Abd al-Nassir d’ordonner l’évacuation des gardiens de la paix de l’ONU du Sinaï allait lui coûter très cher. Il put voir de l’état des troupes égyptiennes déployées à Gaza qu’ils étaient vraiment mal préparés. Elles n’avaient pas d’instructions précises et n’avaient pas d’objectif clair. Il craignait aussi qu’Israël puisse donner un coup mortel à la force aérienne égyptienne, laissant l’armée égyptienne délaissée comme un homme solitaire dans le désert du Sinaï.

            C’est exactement ce qui se produisit. Alors que les troupes égyptiennes se faisaient lourdement battre par les Israéliens, la machine de propagande d’Abd al-Nassir déclarait que l’Egypte avait l’avantage et se dirigeait vers une victoire concluante. Finalement les soldats israéliens sont non seulement entrés à Gaza et en Cisjordanie, mais ils ont aussi avancé jusqu’au Canal de Suez, s’emparant aussi de la haute Galilée syrienne, tout cela en quelque six jours. La défaite était des plus choquantes pour ceux qui avaient une foi aveugle en l’autorité égyptienne : ils avaient espéré que la Palestine soit libérée par Gamal Abd al-Nassir, le héro du nationalisme arabe. Ce n’est qu’après que nombre de personnes se rappelèrent avec grande consternation l’annonce qu’Abd al-Nassir avait fait deux ans plus tôt, dans un discours devant le Conseil National de la Palestine au Caire : « Si je vous disais que j’avais un plan pour libérer la Palestine, je vous mentirais ».

            Après la guerre de 1967, Sheikh Yassine, comme il fut alors connu, vit les gens de Gaza se réveiller graduellement de leur choc pour comprendre enfin la nouvelle réalité. Ils semblaient n’avoir de choix que d’accepter le statu quo. Nombre d’entre eux cherchèrent à satisfaire leurs besoins quotidiens en faisant des affaires avec l’autorité d’occupation plutôt qu’à lui résister. Ils sentaient ne plus avoir de choix que de retourner à leur travail et d’être payés en conséquence par les nouvelles autorités. Sheikh Yassine déplora la situation, mais la comprit : « Les gens n’ont pas de quoi manger. Jour après jour, ils commencèrent à accepter la réalité et décidèrent de retourner à leur travail. Si seulement nous avions une bonne organisation, alors nous nous serions organisés et nous aurions boycotté l’occupation. Mais nous n’avions pas d’organisation, il n’y avait pas de garantie que le peuple soit protégé, et les gens ne savaient pas que faire ».

            Il devait lui-même soupeser ses options. Avant l’occupation de Gaza, il avait travaillé en tant qu’enseignant. Lorsqu’il fut annoncé que des écoles allaient rouvrir et que les enseignants devaient se signaler pour travailler, il se demanda : « Supporterais-je l’occupation en enseignant ou servirais-je mon peuple ? ». La raison des doutes de Sheikh Yassine étaient qu’il était supposé que l’autorité de l’occupation devait être boycottée, et non pas servie. Il décida qu’il allait servir son peuple, et il décida donc, avec ses collègues, de retourner au travail. C’est à travers sa profession d’enseignant qu’il entreprit le projet de transformer la société palestinienne de Gaza. En effet, certains de ses étudiants grandirent pour devenir des leaders du mouvement islamique dans la bande de Gaza ; ils étaient les produits du renouveau islamique, mentionnée parfois comme étant la résurgence islamique, un processus qui prit racine dans la société au début des années 1970 et qui était dirigé par Sheikh Yassine.

            L’occupation d’Israël de la bande de Gaza et de la Cisjordanie après la naksa fournit paradoxalement une fenêtre d’opportunité à Sheikh Yassine, qui put pour la première fois voyager à travers l’ensemble de la Palestine historique. Cela lui permit de communiquer sa sagesse et son savoir aux Arabes oubliés d’Israël, ces Palestiniens qui s’étaient vus autorisés à rester dans les territoires occupés en 1948 sur lesquels Israël s’était établie. Des liens furent aussi forgés avec les Palestiniens de la Cisjordanie, et même avec les Palestiniens de la diaspora peu de temps après. Cependant, sa tâche formidable était de persuader une population extrêmement sceptique que les Ikhwan était un mouvement louable. Sa réputation était ternie et sa crédibilité sévèrement touchée par les médias égyptiens d’Abd al-Nassir ; la conséquence en était que le mouvement n’intéressait pas le peuple de Palestine. Une combinaison de propagande, d’intimidation et de répression décourageait les gens de s’associer avec lui.

            L’image que les gens se faisaient en général des Ikhwan de la Cisjordanie étaient encore moins favorable que celle de leurs frères de Gaza. La Cisjordanie était une partie de la Jordanie, et donc sujette à l’autorité directe des Hashémites, depuis la création d’Israël en 1948. Les Ikhwan semblaient être entrés dans un pact non-déclaré avec le régime hashémite. En échange d’un statut légal, ils contribuaient apparemment au maintien de la stabilité du régime jordanien en préservant la société contre des influences indésirables jugées nuisibles, dont le communisme, prôné par l’Union Soviétique, et le nationalisme arabe, promu à l’époque par le président de l’Egypte Abd al-Nassir. Alors que ce dernier était perçu comme un personnage patriotique et anti-impérialiste, de nombreux Palestiniens voyaient le régime hashémite comme un laquais des Etats-Unis et un collaborateur avec Israël. Ainsi, alors que les Ikhwan de la Cisjordanie avaient des bureaux inscrits et travaillaient ouvertement, ils avaient des difficultés à attirer un grand soutien populaire ou une sympathie. Dans les années 1950 et 1960, les Ikhwan de la Cisjordanie étaient perçus comme une organisation élitiste et non-démocratique. C’était une image très différente de celle des Ikhwan en Egypte lors des années de la formation du mouvement dans les années 1930 et 1940. En tant que force de critique principale contre le régime égyptien, ils défendaient les pauvres et les opprimés, parlaient ouvertement contre l’influence étrangère, et brandissaient la bannière de la libération du colonialisme.

            A Gaza, Sheikh Yassine était une de ses quelques figures seulement à s’identifier publiquement aux Ikhwan. Pour cette raison, lorsqu’il dirigeait les prières du vendredi à la mosquée du Camp Nord, de jeunes hommes dans la congrégation commencèrent à se rendre à d’autres mosquées, de crainte d’être accusés de sympathie à son égard ou envers son groupe. Pour atteindre son objectif, le sheikh avait besoin de reconstruire le mouvement, qui était devenu clandestin après des années de persécution. A la suite du nettoyage d’Abd al-Nassir de 1965, de nombreuses figures clés avaient soit été détenues, soit elles avaient déjà fui Gaza pour retrouver d’autres pays arabes pour échapper au tourment et mener une vie digne et confortable. Sheikh Yassine identifia dix Frères (cadres des Ikhwan) de Gaza et de Jérusalem et les invita à un meeting pour discuter du nouveau lancement des Ikhwan. Tous n’étaient pas enthousiastes ou optimistes : en réalité, peu après, certains quittèrent les territoires pour chercher du travail ailleurs dans la “patrie arabe”.

            Néanmoins, le processus se mit en court, commençant dans les mosquées. La plupart de ceux qui étaient attirés par l’activité des Ikhwan étaient de jeunes hommes, essentiellement des étudiants en fin d’adolescence. C’était la génération qui avait grandi au moment de la défaite de 1967 ; nombre d’entre eux avaient été désillusionnés du mouvement d’Abd al-Nassir et des revendications de nationalisme arabe. D’autre part, d’autres qui avaient été des partisans d’Abd al-Nassir continuèrent à l’idôlatrer jusqu’à ce qu’il soit mort et même après. Pendant plus ou moins une décennie, le mouvement ranimé par Sheikh Yassine se focalisa principalement sur l’introduction des valeurs et de l’étique islamique dans le cœur et l’esprit des jeunes. Non pas comme l’ancienne administration d’Abd al-Nassir à Gaza, les autorités de l’occupation israélienne ne protestèrent pas contre cette activité religieuse apparemment bénigne. L’inquiétude d’Israël reposait ailleurs, elle poursuivait les éléments de la résistance nationaliste qui posaient une menace directe à leur autorité. Sheikh Yassin et son groupe, qui incluait d’anciennes figures des Ikhwan comme Abd al-Fattah Dukhan et Hassan Sham’ah, qui étaient eux aussi des enseignants, n’avaient ni la capacité ni la volonté à ce moment-là de s’engager dans la résistance.

            L’avis de Sheikh Yassine était qu’il restait encore beaucoup à faire avant que la résistance ne puisse être lancée. A travers ses discours publics et son enseignement dans les écoles, il réussit à rallier autour de lui un ensemble de partisans engagés, tirés d’entre les étudiants d’établissements supérieurs qui avaient d’abord été attirés par le mouvement d’Abd al-Nassir avant de le déserter suite à la guerre de juin 1967. Leur réponse initiale à la défaite était de rechercher une consolation dans la religion, qui semblait présenter une alternative au nationalisme échoué. Les Ikhwan fournirent simplement le véhicule. Le tout premier groupe de jeunes hommes à se regrouper autour du sheikh et à rechercher ses instructions comportait Ibrahim al-Maqadmah, Isma’il Abu Shanab, Abd al-Aziz Awdah, Fathi al-Shiqaqi et Moussa Abu Marzouq. Tous ceux-ci étudièrent en Egypte et y jouèrent un rôle actif dans l’organisation de la communauté estudiantine islamique palestinienne. A divers degrés, ils lancèrent ou prirent part au débat des priorités du mouvement islamique au regard de la question palestinienne.

Hamas: son histoire de l'intérieur (6)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
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