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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (16)


Photo CPI

Dimanche 8 février 2009

Dr. Azzam Tamimi

L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

Une guerre totale (1)

Nous devrions leur briser les mains et les jambes.

Ce gouvernement combattra toute manifestation de violence et de terreur, et ne permettra ni n’autorisera que le Hamas ou le Jihad Islamique fasse du mal aux citoyens de l’Etat d’Israël – et il prendra toutes les mesures légales à sa disposition, pour combattre les organisations terroristes meurtrières.

- Yitzhak Rabin

L’Intifada avancera et la souffrance du peuple palestinien continuera. Mais continuera aussi notre détermination absolue de poursuivre la lutte.

- Sheikh Ahmad Yassine

            Personne ne prit la décision de lancer l’Intifada le 8 décembre 1987 ; elle fut provoquée par un accident, qui à son tour alluma l’explosion de colère spontanée par les masses. Cependant, c’était une explosion anticipée par les Ikhwan palestiniens, pour laquelle ils s’étaient préparés au moins depuis 1983. Le jour où l’Intifada commença, les institutions créées par les Ikhwan à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine se mirent en action, chacune accomplissant les tâches qui lui étaient assignées. Les Ikhwan n’avaient d’autre option que de saisir l’occasion. Ils avaient besoin de l’exploiter jusqu’à la limite de leur capacité, afin de se rétablir en tant que leaders du djihad pour libérer la Palestine. S’ils n’avaient pas agi ainsi, cela aurait signifié le décès de leur mouvement. En outre, seuls les Ikhwan avaient l’intention, la volonté, l’infrastructure et le support logistique global pour garder en vie la flamme de l’Intifada aussi longtemps qu’elle pouvait être maintenue.

            Pour les Ikhwan, agissant maintenant sous le nom du Hamas, l’Intifada était un présent pour les cieux. Ils étaient déterminés à mettre fin à l’occupation et à s’assurer que ce ne soit que le début d’un djihad à long terme. Ils mobilisèrent leurs membres, employant le réseau de mosquées et d’autres institutions sous leur contrôle, dont surtout l’Université Islamique. Ils appelèrent à une désobéissance civile et organisèrent des rassemblements, qui se terminaient invariablement par des lancers de pierres sur des soldats israéliens ; le drapeau israélien était brûlé et on improvisait le blocage de routes avec des pneus en feu. L’Intifada était une explosion de colère au visage de l’occupation, causée par les conditions terribles et inhumaines qu’enduraient les Palestiniens depuis plusieurs années et par l’humiliation et la dégradation auxquelles ils avaient été sujets. Toutefois, les slogans des Ikhwan n’étaient pas limités à exiger la fin de l’occupation. Ils allèrent de l’avant, exigeant aussi l’abolition de l’Etat d’Israël. La plupart des manifestants avaient été réfugiés, et leurs véritables demeures n’étaient pas les camps sordides et misérables de l’ONU de Gaza ou de la Cisjordanie, mais les centaines de villes et villages qui se tenaient un jour là où existe Israël aujourd’hui.

            Ces Palestiniens étaient devenus des réfugiés lorsque les Sionistes avaient envahi leurs villes et villages. Ce que les Palestiniens appelaient la Nakba (la catastrophe) fait référence aux événements de 1948, qui avaient mené à leur expropriation et à la création de l’Etat juif sur leur terre. Entre 1947 et 1949, quelque sept cent cinquante mille Palestiniens devinrent réfugiés ; la plupart furent expulsés selon un plan sioniste de nettoyage du pays des non-juifs. La position officielle israélienne soutient que les réfugiés s’enfuirent sous les ordres de leaders politiques et militaires arabes. Toutefois, selon les renseignements militaires israéliens, au moins 75 pourcent des réfugiés partirent en conséquence d’actions militaires et de campagnes psychologiques sionistes ou israéliennes ayant pour but d’effrayer les Palestiniens pour qu’ils s’en aillent, et en conséquence d’expulsions directes. Des affaires d’expulsions massives durant et après les opérations militaires de 1948-49 sont bien documentées, ainsi que des massacres et des atrocités qui causèrent une fuite de Palestiniens à grande échelle.

            Lorsque l’Intifada commença, la direction de l’OLP à Tunis fut prise de court. Yasser Arafat et ses conseilleurs étaient engagés dans la promotion de leur image à travers le monde en tant que pacificateurs. Entre-temps, la puissance dominante du monde, les Etats-Unis, insistait qu’en pré-condition à la paix, l’OLP devait d’abord reconnaître le droit d’Israël à exister et renoncer à toutes formes de violence. Les leaders de l’OLP avaient de très bonnes raisons de miser sur l’Intifada, qui semblait fournir à l’OLP une opportunité. Leur objectif depuis le début était de prendre contrôle de l’Intifada et de récolter tout dividende que le soulèvement populaire pouvait leur rapporter pour aider à promouvoir leur propre projet. Ils désespéraient, au-dessus de tout, d’obtenir une reconnaissance des Etats-Unis du statut de l’OLP en tant que “seul représentant légitime” du peuple palestinien, pour qu’une paix ne puisse être négociée qu’avec elle. De là provint la décision de mobiliser les membres et supporters de l’OLP à l’intérieur de la Palestine pour concurrencer les Ikhwan dans l’alimentation de l’Intifada et dans l’entreprise de faire de l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie un cauchemar pour les Israéliens.

            Israël fut elle aussi prise de surprise. Croyant tout d’abord que l’Intifada n’était qu’une expression de colère qui allait diminuer dans un jour ou deux, comme bien d’autres éruptions du genre qui l’avaient précédée, ils s’aperçurent rapidement qu’il en était autrement. Ils se retrouvèrent à combattre toute une population non-armée dans les rues et allées étroites de la bande de Gaza, le morceau de terre le plus densément peuplé de la surface de la terre. Clairement pris de panique et bouleversés, ils ordonnèrent la fermeture de l’Université Islamique à Gaza. Cependant, ils n’avaient pas compris que cela n’allait qu’enflammer davantage l’Intidada, étant donné que cela libéra plus de jeunes hommes, maintenant disponibles dans les rues pour lancer des pierres et s’engager dans d’autres formes de protestation. Pour les Israéliens, aucune tactique ne semblait fonctionner. Les actes de brutalité contre les manifestants, dont nombre étaient des femmes et des enfants, n’avaient pour effet que l’élargissement du cercle de colère et cela n’attirait que plus de manifestants. De nombreux ouvriers palestiniens travaillant dans des usines et fermes israéliennes commencèrent à répondre aux appels au boycott. En conséquence, soit ils restaient chez eux, soit ils rejoignaient les manifestants. Les haut-parleurs des minarets de mosquées remplissaient les airs de récitations coraniques et de nashid (une forme de chant patriotique sans accompagnement de musique), ainsi que d’annonces données pour alerter le public de l’existence d’activités ou de confrontations, et d’appels à l’aide d’une façon ou d’un autre. Après plusieurs jours, l’Intifada fut répandue de Jabalya à Khan Younis, puis au camp Al-Shati’ (plage) à Gaza, et puis aux autres camps, tout le long jusqu’à Rafah tout au sud. Rapidement, l’Intifada prit aussi place dans les camps de réfugiés de la Cisjordanie. Le premier camp de la Cisjordanie à se soulever était le camp de Balatah à Naplouse.

            A ce moment, les Ikhwan purent récolter les dividendes de sa décision dans le début des années 1980 d’unifier ses organisations tout autour du monde. Depuis les années 1980, les Ikhwan de la bande de Gaza et de la Cisjordanie avaient été localement sous le commandement d’un conseil de représentants élus provenant de la bande de Gaza et des régions nord, centre et sud de la Cisjordanie. Le conseil de la direction supérieure se réunit immédiatement après l’éruption de l’Intifada pour s’assurer de la gestion et de la coordination efficaces de ses activités à travers les territoires. L’état de siège imposé par les Israéliens sur les camps de réfugiés, où une grande partie de l’action avait lieu, poussa Sheikh Yassine à proposer des mesures pour restaurer un degré de calme, poussé par le sentiment que les gens ne pourraient pas endurer davantage de punition collective. Cependant, les mesures adoptées par les forces d’occupation israéliennes, dont une politique de tirs à mort contre des manifestants non-armés et les coups brutaux portés aux adolescents pris en train de lancer des pierres, ne firent qu’aggraver la colère des gens, les poussant à vouloir plus de confrontations avec les soldats de l’occupation israélienne plutôt que moins. L’Intifada commença avec des manifestations pacifiques dont les armes étaient symboliques : pas plus que des pierres et des poitrines exposées. Le spectacle de civils non-armés, dont des enfants et des femmes, se faisant tirer dessus, et le niveau de la brutalité israélienne croissante, apportèrent sur la scène les premiers cocktails Molotov et d’autres formes de réactions plus violentes.

            Au départ, les Israéliens ne savaient pas bien qui orchestrait l’agitation. Cependant, ils suspectaient que Sheikh Yassine et son organisation y étaient pour quelque chose. Israël lui donna un avertissement, et il fut menacé d’être déporté au sud du Liban. Il insista à dire qu’il ne portait aucune responsabilité pour ce qui se passait. Lorsqu’il fut convoqué à la Saraya (les quartiers généraux de l’autorité d’occupation israélienne à Gaza) pour être interrogé sur le rôle que les mosquées s’étaient mises à jouer dans l’agitation, il continua à maintenir sa totale innocence. Lorsque le premier communiqué du Hamas fut distribué le 14 décembre 1987, il n’était pas signé, portant seulement le nom de “Le Mouvement de Résistance Islamique”, réduit aux lettres arabes “h”, “m” et “s”. Les Israéliens prirent alors en cible des figures publiques et des personnes critiquant directement Israël au sein des Ikhwan. La première éminente personnalité des Ikhwan à être arrêtée, moins d’un moins après le début de l’Intifada, était Khalil Al-Quqa, directeur de l’Association Islamique du camp Al-Shati’ (plage). Dr. Abd Al-Aziz Al-Rantissi, un membre fondateur du Hamas, fut détenu le 15 janvier 1988. Les leaders de l’appareil de sécurité du Hamas, Majd, furent tous deux arrêtés peu après : Yahya Al-Sinwar le 20 janvier 1988 et Rawhi Mushtaha le 13 février 1988.

            Les Israéliens cherchaient une occasion pour imputer le blâme pour l’Intifada à la direction du Hamas. Une fenêtre d’opportunité semblait se présenter en août 1988, lorsque le Hamas publia sa charte, dans laquelle il déclarait un djihad qui allait continuer jusqu’à ce que la Palestine soit libérée dans sa totalité et que l’Etat d’Israël soit éliminé. Entre-temps, un individu de Jérusalem, détenu par rapport à une affaire sans lien aucun, avoua sous la torture qu’il avait envoyé de l’argent à Ibrahim Al-Yazuri, un co-fondateur du Hamas, pour financer les activités de l’Intifada. Al-Yazuri fut arrêté et il divulgua, sous davantage de torture, les noms des hauts leaders dans les diverses régions de la bande de Gaza qui recevaient des fonds. Comme l’image devenait plus claire, les Israéliens se préparèrent à agir. En août 1988, ils lancèrent leur première campagne massive de détention contre les leaders et activités du Hamas. La direction du mouvement avait anticipé qu’un tel enchaînement d’événements pouvait avoir lieu et elle avait pris certaines précautions. Une direction secrète avait été mise en place, afin qu’il n’y ait pas de vide au niveau de la direction si les Israéliens se mettaient à faire de nombreuses arrestations. En mois de deux mois, cent vingt figures clés étaient arrêtées, dont tous les membres fondateurs du Hamas, sauf Sheikh Yassine. Al-Rantissi fut maintenant rejoint en détention par ses collègues co-fondateurs du Hamas Salah Shihadah, Ibrahim Al-Yazuri, Muhammad Sham’ah, Abd Al-Fattah Dukhan, et ‘Issa Al-Nashar. En dépit d’aveux de la part de certains de ces détenus disant que Sheikh Yassine était le fondateur et le chef du mouvement, les Israéliens décidèrent de lui permettre de rester en liberté ; ils désiraient absolument en savoir plus sur ses activités et contrôler ses mouvements et communications. Ils le mirent sous surveillance, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans l’espoir de défaire le réseau qu’il avait construit avec succès dans les trois ans qui suivirent sa libération de prison.

            Par chance, ces arrestations massives coïncidèrent avec l’arrestation des membres de deux cellules militaires du Hamas qui avaient opéré à Jabalya et à Beit Hanoun. Ces deux cellules avaient visé quelques collaborateurs. Mais parmi eux, il y avait aussi des responsables de cinq attaques menées contre des patrouilles israéliennes en Cisjordanie et à Gaza, employant des engins explosifs de fabrication artisanale. Comme si cela venait en célébration, les opérations avaient été accomplies le jour de l’aïd Al-Adha, qui tombait cette année le 24 juillet 1988. Les membres des deux cellules furent identifiés, arrêtés et poursuivis, mais apparemment, aucun lien ne fut immédiatement fait entre eux et les leaders du Hamas détenus environ en même temps. Plus tard, Salah Shihadah semble avoir été suspecté d’avoir été responsable de l’organisation de ces cellules.

Hamas: son histoire de l'intérieur (15)
Hamas: son histoire de l'intérieur (17)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
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