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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (33)


Photo CPI

Dimanche 7 juin 2009

Dr. Azzam Tamimi

L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

L’affaire Meshaal (2)

            Alors qu’il était en prison, Sheikh Yassine avait quelques informations sur ce qui se passait à l’extérieur. Deux groupes de deux personnes d’entre les collègues prisonniers du Hamas, travaillant en alternance, lui fournissaient une assistance physique. Chacun des groupes de prisonniers s’occupait de lui pendant quarante-cinq jours. Lorsque chaque nouvelle équipe était transférée, des messages étaient échangés. La direction du Hamas choisissait ceux qui allaient assister Sheikh Yassine, en accord avec les autorités de la prison, après quelques craintes initiales de la part des autorités. Les prisonniers de chaque faction palestinienne élisaient leur propre direction à l’intérieur de la prison, qui administrait leurs affaires au degré que permettaient les Israéliens. Les autorités de la prison israélienne voulaient choisir les assistants de Sheikh Yassine, mais il le refusa, tout comme la direction du Hamas dans la prison. Le sheikh ne se sentait pas à l’aise avec des étrangers, et la direction du Hamas à l’intérieur de la prison était inquiète de s’assurer que ceux qui étaient auprès de lui étaient dignes de confiance.

            Comme les autres prisonniers, Sheikh Yassine avait accès à la radio et à la télévision, bien que seules des chaînes israéliennes fussent autorisées. Il recueillit quelques informations à partir des programmes, et les autorités israéliennes elles-mêmes l’informèrent d’autres développements. Aux moments de crise, les Israéliens l’approchaient parfois, espérant qu’il puisse intervenir pour arrêter la violence. En décembre 1994, les autorités de la prison permirent à Sheikh Yassine une visite de Sheikh Abdullah Nimr Darwish, du mouvement islamique en Israël, et de Dr. Ahmad Tibi, conseiller spécial de Yasser Arafat. Ces deux visiteurs, agissant clairement à la demande des autorités israéliennes, étaient venus pour rechercher l’aide du sheikh pour localiser le corps du soldat israélien Ilan Sa’adon, qui avait été kidnappé et tué par des combattants du Hamas en mai 1989.

            De temps en temps, les autorités israéliennes essayaient de persuader Sheikh Yassine d’apparaître à la télévision et de parler à la presse du besoin de mettre fin à la violence. En réponse, il disait : « Je m’oppose à la mise à mort de civils ; je ne soutiens pas cela ». Mais il ajoutait : « C’st vous qui nous forcez à le faire. Vous commencez à tuer, et la réplique suit. Alors restez à l’écart de nos civils et nous nous tiendrons à l’écart des vôtres ». S’il était interrogé au sujet des civils comme cibles, il disait : « Qu’est-ce qui vous rend si sûrs que des civils étaient pris en cibles ? Peut-être que l’attaquant voulait porter la bombe jusqu’à une caserne militaire, mais qu’elle a explosé dans le bus avant qu’il n’y arrive ». A une occasion, il fut interrogé au sujet du double bombardement à Beit Lid le 22 janvier 1995. Ceci était si proche de là où il était retenu à la prison de Kfar Yuna qu’il entendit l’explosion de sa cellule de prison. Vingt-deux soldats israéliens furent tués et cinquante-neuf autres blessés. Il dit : « Par Dieu, combien je suis triste ». Il fut interrogé : « De quelle manière êtes-vous triste ? ». Il dit : « Je suis triste parce que l’effusion de sang n’est pas terminée ». Lorsqu’ils lui demandèrent de faire un appel à une mise à terme de ces opérations, il répondit : « Mais ceci n’aurait pas de sens. Vous devriez arrêter les meurtres d’abord, et ensuite, toute mise à mort s’arrêtera. Gardons les civils à l’écart. Si vous êtes d’accord, nous sommes prêts. Mais voulez-vous que je dise à mon propre peuple d’arrêter alors que vous n’arrêtez pas ? Ce serait illogique ». Une fois, dans une conversation avec des officiers des renseignements israéliens, il proposa un cessez-le-feu à long terme, du genre de ce que l’on appelle un hudna (trêve). Ceci était en 1994, après que le Hamas avait lancé une campagne d’opérations martyres en réplique au massacre de croyants musulmans à Hébron. Le sheikh suggéra que les mises à mort pouvaient prendre fin si les Israéliens acceptaient une liste de conditions. Tout d’abord, ils devaient arrêter de tuer les Palestiniens. Ensuite, ils devaient se retirer jusqu’aux frontières de 1967, restituant ainsi la Cisjordanie et la bande de Gaza aux Palestiniens. Troisièmement, ils devaient libérer tous les prisonniers palestiniens détenus dans leurs prisons. Quatrièmement, ils devaient démanteler toutes les colonies construites en Cisjordanie et à Gaza depuis 1967. Si ces conditions étaient satisfaites, ensuite, proposa-t-il, le Hamas signerait un accord de cessez-le-feu qui pourrait durer quinze, vingt, ou même trente ans.

            Sheikh Yassine était devenu conscient que, depuis son emprisonnement, le Hamas s’était énormément développé. Sa branche militaire, les brigades d’Ezzedine Al-Qassam, était devenue sophistiquée et imposante. Toutefois, il faisait aussi face à une sévère opposition, sur un niveau local, régional et international. Il était conscient que 1996 avait de loin été la plus dure année pour le Hamas depuis sa création. En Jordanie ainsi qu’en Palestine, le mouvement avait eu une sévère punition. Le décès de Yaya Ayyash en janvier avait été un coup, et le sommet de Sharm Al-Sheikh du président Clinton de leaders d’à travers le monde en mars avait élevé une déclaration de guerre à l’encontre du Hamas. En réponse au sommet, les forces de sécurité de l’autorité palestinienne, sous le commandement de Muhammad Dahlan à Gaza et de Jibril Al-Rajub en Cisjordanie, avaient commencé à arrêter des leaders et activistes du Hamas. En Jordanie, les autorités sévirent contre les leaders et les institutions du mouvement. Enfin, la crise interne et la lutte de pouvoir au sein des Ikhwan jordaniens eut un coût sur leur capacité à soutenir leurs frères du Hamas.

            Ce jeudi 30 septembre, à environ 20h30, un gardien de prison demanda aux deux compagnons de Sheikh Yassine de le monter dans son bureau. Au début, ses compagnons déclarèrent qu’il ne se sentait pas assez bien pour y aller et suggérèrent que quiconque voulait parler au sheikh vienne à lui. Toutefois, les gardes insistèrent, au point que le sheikh sentit qu’il devait voir de quoi il s’agissait. Dans le bureau se trouvaient trois officiers de police de haut rang et deux hauts officiers de l’armée, qui lui firent une surprenante proposition. Ils dirent : « Vous avez une bonne opportunité de rentrer chez vous ; acceptez-vous ? ». « Bien sûr que j’accepte », répondit-il. Ils poursuivirent : « Le roi Hussein s’est adressé à Netanyahu : ils se mirent d’accord pour que vous puissiez vous rendre en Jordanie, et ensuite, tout ce sur quoi vous et le roi vous mettrez d’accord se produira ». Sheikh Yassine répondit : « Non, je n’accepte que de rentrer chez moi. Aller en Jordanie pour penser à quelque chose avec le roi ne me convient pas ; je n’accepte pas ». Les Israéliens semblaient déterminés à le libérer et firent de leur mieux pour le convaincre qu’il n’avait pas besoin de s’inquiéter. Il ne savait toujours pas pourquoi cela avait lieu, et il n’était pas inquiet de le demander. Les Israéliens ne voulaient rien mettre par écrit. Ils déclarèrent que comme il discuterait avec le roi, il n’avait rien à craindre. Sheikh Yassine insista. Après trois heures de discussions, ils cédèrent à ses demandes et signèrent leurs noms pour un engagement disant qu’il retournerait chez lui, après une brève visite en Jordanie pour un contrôle et un traitement médicaux. Il demanda ensuite à ce que ses deux compagnons soient libérés avec lui : l’un d’entre eux avait terminé trois ans de sa peine de douze ans, et l’autre avait fini cinq ans sur huit. Les Israéliens acceptèrent de libérer l’un d’entre eux, Ra’id Balbul, ce que Sheikh Yassine accepta.

            Un hélicoptère de l’armée jordanienne emmena le sheikh et son compagnon au centre médical Al-Hussein à Amman, où il arriva à environ deux heures du matin. En dépit de l’heure tardive, il trouva le roi Hussein et le premier ministre Abd Al-Salam Al-Majali l’attendant, avec plusieurs hauts officiels jordaniens et quelques représentants du Hamas. Il apprit plus tard d’officiels du Hamas à Amman que le roi Hussein avait demandé sa libération. Le roi avait été extrêmement irrité par la tentative d’assassinat réalisée à l’encontre de la vie du chef du bureau politique du Hamas Khaled Meshaal cinq jours plus tôt à Amman par deux agents israéliens du Mossad.

 

Hamas: son histoire de l'intérieur (32)
Hamas: son histoire de l'intérieur (34)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
http://www.palestine-info.cc/...


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