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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (48)
Photo CPI
Mardi 6 octobre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Hors de la Jordanie (8)
Les liens avec le Qatar
Les autorités jordaniennes dirent au gouvernement qatari, qui
avait été impliqué dans des efforts de médiation, que les
leaders du Hamas avaient décidé de quitter la Jordanie de bon
gré, et qu’ils avaient eux-mêmes choisi le Qatar pour
destination. Le Qatar envoya un jet privé, qui atterrit à
l’aéroport Marka d’Amman, pour emmener les leaders du Hamas à
Doha. C’est ainsi que l’histoire fut révélée, comme raconté par
Ibrahim Ghosheh :
« Peu après avoir accompli la prière du mahgreb
(coucher du soleil) le 21 novembre 1999, la police est venue
jusqu’à nous et nous a pris tous les trois : moi-même, Meshaal
et Al-Rishiq. Ils nous ont rendus nos objets de valeurs et nous
ont emmenés. Nos compagnons sont restés derrière. Nous avons
ensuite compris qu’après notre départ, ils ont été libérés et
autorisés à rentrer. A l’extérieur de la prison, un différent
groupe d’homme de sécurité se sont occupés de nous ; ils nous
ont enchaînés, nous ont bandé les yeux avec des rubans noirs et
nous ont placés dans un fourgon cellulaire. Nous ne savions pas
où on nous conduisait. J’ai plaisanté que l’on nous envoyait
soit à Al-Jafr soit à Yasser Arafat. Après environ une heure de
voyage, j’ai dit que je sentais du café et que je suspectais que
nous étions en train de passer par Marka, qui est célèbre pour
ses cafés. Un quart d’heure plus tard, le fourgon s’est arrêté
et nous pouvions clairement entendre les moteurs d’hélicoptères
et d’avions. Ils nous ont laissés dans le fourgon alors qu’ils
déchargeaient tous les biens que nous avions. Puis ils ont
retirés les rubans et nous avons pu voir un jet privé qatari à
quelques mètres de nous. Ils nous ont dit de monter dans
l’avion. Nous avons refusé. Quelqu’un s’est approché, disant
qu’il était de la cour royale et que nous n’avions d’autre choix
que d’aller au Qatar. Nous avons dit que nous ne voulions pas
aller au Qatar. Il a dit : “Cela n’a pas d’importance ; allez
juste dans l’avion et discuter de la question à l’intérieur”.
Entre-temps, Sami Khatir est arrivé de la prison de Qafqafa. Il
n’avait pas été autorisé à changer ses vêtements de prisonnier
et n’avait pas d’affaires avec lui. Nous nous sommes assis dans
l’avion, dans l’attente, puis le ministre qatari de l’Etat pour
les affaires étrangères est apparu. Il nous a accueillis en
disant : “Maintenant, vous allez nous honorer en venant dans
notre pays que vous devez considérer comme le vôtre”. Khaled
Meshaal lui a dit : “Mais nous ne voulons pas quitter la
Jordanie pour le Qatar”. Le ministre qatari a dit : “Attendez un
instant !”, et il a ordonné au capitaine de couper le moteur. Il
a appelé le ministre jordanien des affaires étrangères Abd Al-Ilah
Al-Khatib, qui était à l’aéroport pour lui dire au revoir.
Meshaal a dit au ministre jordanien que nous ne voulions pas
partir pour le Qatar. Le ministre a répondu : “Mais vous avez
appelé le ministre qatari des affaires étrangères, pas vrai ?”
Meshaal a dit : “J’ai appelé le ministre qatari des affaires
étrangères quant nous étions à Téhéran pour lui demander de
servir d’intermédiaire pour notre retour en Jordanie. C’est
tout, nous n’avons jamais demandé à aller au Qatar”. A la fin,
le ministre jordanien a dit : “Voici vos passeports ; vous savez
que vous devez partir, et vous n’avez pas le choix”. Meshaal a
dit : “Alors nous sommes déportés ?” Le ministre a dit :
“Interprétez cela comme vous le souhaitez”. Meshaal s’est tourné
vers le ministre qatari et lui a dit : “Sois témoin que nous
sommes déportés. Il y aura un jugement un jour et vous serez
appelés à témoigner”. Le ministre qatari, qui était stupéfait
par ce qu’il avait vu et entendu, a dit : “Pour sûr, je
témoignerai” ».
Lorsque les leaders du Hamas arrivèrent au Qatar, ils furent
traités comme des invités d’honneur. Ils furent reçus
chaleureusement à tous les niveaux, depuis le chef d’Etat,
l’émir du Qatar Sheikh Hamad, jusqu’aux autres. Il leur fut
accordé un traitement de VIP, et une liberté totale pour faire
ce qu’ils voulaient, dont la liberté de quitter et d’entrer dans
le pays. Ils furent tout d’abord logés à l’hôtel Sheraton, mais
furent ensuite emmenés à un quartier de villas sous sécurité qui
leur furent allouées. A Amman, le gouvernement jordanien
continuait d’insister que les leaders du Hamas étaient partis au
Qatar selon leur demande, suite à un accord entre le Hamas et
les autorités qataries. Le Hamas et le Qatar nièrent avec force
l’allégation jordanienne.
Il se peut bien que le Qatar se soit proposé pour jouer un rôle
dans la résolution de la crise. Il ne serait pas excessif de
penser que les Etats-Unis aient pu demander au Qatar de jouer un
tel rôle. Toutefois, il n’y a pas de preuve pour suggérer que le
Qatar fut impliqué dans un quelconque complot. L’affaire était
devenue une gêne pour le régime jordanien et pour tous ceux qui
lui avaient mis la pression pour se débarrasser du Hamas, dont
les Etats-Unis. Le résultat avait été une immense sympathie et
un grand soutien pour le Hamas en Jordanie qui s’étaient
inévitablement gravement reflétés sur le régime jordanien. Le
roi Abdullah admit dans une conversation privée avec des
visiteurs que ceux qui avaient été accusés d’avoir mis fin à la
présence du Hamas en Jordanie avaient mal fait leur travail. Une
indication supplémentaire de la colère du roi fut sa décision de
décharger Al-Battikhi du poste moins d’un an plus tard. A
travers la crise, le roi avait gardé ses distances. Al-Battikhi,
avec sa haine personnelle contre le Hamas, avait guidé toute
l’opération.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (47)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (49)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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