Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
Le djihad et le martyre (1)
Lorsque le
musulman se fait sauter au milieu d’ennemis combattants, il
ne fait qu’accomplir un acte de défense ; c’est un martyre,
car les dommages sont compensés par des dommages qui leur
sont égaux. Ce qu’Israël fait à l’intérieur des territoires
palestiniens ne pousserait les musulmans qu’à chercher
vengeance et à agir en self-défense.
- Sheikh Sayyid Tantawi
On pense que le Hamas est le premier groupe musulman sunnite
à employer la stratégie de l’attaque suicide, qui créa un
débat intense dans les cercles sunnites. Sans aucune
autorité musulmane sunnite ayant le pouvoir d’émettre une
fatwa sur la question, et avec le développement de la
stratégie, la controverse est loin d’être finie.
La première question et la plus critique est si l’acte est
un suicide ou un sacrifice. La seconde question touche au
problème des conséquences inconsidérée de l’attaque suicide,
et l’inévitabilité qu’elle puisse, en dépit de toutes les
précautions, résulter en la mort d’innocents civils, et
notamment d’enfants. Le troisième problème concerne les
conséquences de la stratégie pour la vie des gens de la
communauté en défense de laquelle de telles opérations sont
exécutées. Comme les Israéliens ont les moyens ainsi que la
volonté de répondre par des attaques aériennes, des
incursions et toute forme de punition collective, l’utilité
de l’attaque suicide en tant que moyen de dissuasion ou
d’arme de réplique est un point central du débat. Cependant,
les factions palestiniennes qui employèrent la tactique dans
les années ayant amené à la décision d’Ariel Sharon de
mettre à exécution son plan de retrait unilatéral de Gaza
croient qu’ils devraient recevoir le mérite d’avoir forcé
les Israéliens à se retirer.
Les opposants ne sont pas d’accord et attribuent la décision
israélienne à d’autres facteurs, dont l’inquiétude d’Israël
vis-à-vis de la croissance de la population palestinienne
dans des régions sous son contrôle et son projet d’annexer
une grande partie du territoire en Cisjordanie où de grandes
colonies juives existent. Entre-temps, les supporters des
opérations martyres et leurs opposants justifient leurs
positions, qui dans le fond sont totalement politiques, sur
la base d’arguments tirés de sources islamiques et de
précédents historiques islamiques.
La vie et la mort
L’islam enseigne que personne d’autre que le Créateur
Lui-même n’a le droit de prendre la vie d’un être humain. On
dit que la sharia islamique cherche à protéger cinq
principes dont l’un d’entre eux est la vie humaine
elle-même. Ayant raconté l’histoire de l’assassinat d’Abel,
le fils d’Adam, par son frère Caïn, le Coran conclut :
« C’est pourquoi nous avons prescrit aux fils d’Israël que
quiconque tue quelqu’un qui n’a ni tué ni semé le désordre,
c’est comme s’il tuait tous les hommes. Mais quiconque sauve
quelqu’un, c’est comme s’il sauvait tous les hommes »
(sourate Al-Ma’idah 5:32). Le Coran dit : « Ne tuez personne
à tort, Dieu l’interdit » (sourate Al-An’am 6:151).
Ce n’est donc qu’avec justice qu’il est possible de prendre
une vie. Dans de telles circonstances, prendre une vie vise
à sauver une vie. « Il y a une vie pour vous dans le talion,
vous qui êtes intelligents. Peut-être serez-vous fidèles »
(sourate Al-Baqarah 2:179). La sharia rentre bien dans les
détails pour définir les conditions où prendre une vie est
permis, que ce soit dans la guerre ou en temps de paix. Pour
prévenir les abus, la loi criminelle islamique prend toute
précaution nécessaire, afin de réduire le besoin de la peine
capitale, et pour assurer que justice soit servie.
La guerre en islam est considérée comme un mal nécessaire.
On peut clairement le déduire du Coran même. « Dieu a
renvoyé les incroyants avec leur colère sans qu’ils aient
rien gagné, Dieu a épargné le combat aux croyants, car Dieu
est fort et puissant » (sourate Al-Ahzab 33:25). C’est de ce
verset que Sheikh Yussuf Al-Qaradawi, un célèbre savant
égyptien des Frères Musulmans, qui réside au Qatar, conclut
que la guerre en islam est une nécessité, mais que l’on doit
y avoir recours seulement lorsque la nécessité est extrême.
« La règle en islam est de faire la paix et de la
promouvoir ». En islam, explique-t-il, si l’hostilité
pouvait être calmée et la crise résolue sans le besoin
lancer une guerre, ceci serait préférable. « Le Coran décrit
une situation où Dieu épargne aux croyants la nécessité de
se battre, comme si le combat est une chose négative plutôt
qu’une chose positive. »
Il y a deux termes dans le lexique islamique associé au
combat. Qital, qui provient de la racine trilittère
arabe du verbe qatala, signifie mise à mort ou
massacre. Le terme qital, et tous ses dérivés, qui
se rapportent au concept de combat, se trouvent dans les
chapitres du Coran qui furent révélés à Médine, suite à la
création de l’Etat islamique qui vint après l’émigration du
Prophète et de ses premiers disciples de leurs demeures à la
Mecque. Le terme djihad, qui dérive de la base
trilittère du verbe jahada, se trouve dans les
chapitres du Coran révélés durant la période mecquoise, qui
dura treize années. Le verbe jahada peut vouloir
dire s’efforcer, essayer, travailler durement ou faire de
grands efforts. Il peut aussi vouloir dire surmener,
surcharger, fatiguer ou épuiser, forcer, exercer, user ou
peiner, se concentrer, ou se décider à faire quelque chose.
Il est aussi utilisé avec un sens similaire à qatala,
pour la lutte ou le combat.