Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (52)
Photo CPI
Lundi 26 octobre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
L’idéologie de libération du
Hamas (1)
Je
souhaite ouvertement proclamer au monde que nous ne combattons
pas des juifs parce qu’ils sont juifs ! Nous les combattons
parce qu’ils nous ont pris d’assaut, nous ont tués, nous ont
pris notre terre et nos maisons ; ils ont attaqué nos femmes et
nos enfants ; ils nous ont dispersés. Tout ce que nous voulons,
c’est nos droits. Nous ne voulons pas plus.
- Sheikh Ahmad Yassine
“Voici pourquoi nous nous battons”
C’est le titre d’un document
écrit par le bureau politique du Hamas à la fin des années 1990.
C’était une réponse du Hamas à une mission diplomatique
européenne à Amman pour expliquer les objectifs, valeurs et
idéaux du Hamas. Le document commence avec la déclaration
suivante : « Le mouvement de résistance islamique (Hamas) est un
mouvement de libération national palestinien qui se base pour la
libération des terres palestiniennes occupées et pour la
reconnaissance des droits légitimes palestiniens ».
Le langage politique de ce
document est très différent des termes hautement religieux avec
lesquels la charte du Hamas avait été rédigée. La charte, en
arabe Al-Mithaq (le contrat), était la première
tentative du Hamas de produire un document écrit pour que les
autres comprennent la raison d’être du Hamas. Elle fut publiée
le 18 août 1988, moins de neuf mois après la fondation du
mouvement. Depuis lors, toutefois, la direction du Hamas ou ses
porte-parole officiels l’ont rarement citée et y ont rarement
fait allusion. Leur langage est finalement devenu impossible à
différencier de celui de tout combattant pour la liberté en
Amérique Latine, en Afrique du Sud ou en Asie de l’est. Le 7
mars 2004, la déclaration suivante fut placée sur le site
internet d’Ezzedine Al-Qassam par le leader du Hamas à Gaza Dr.
Abd Al-Aziz Al-Rantissi, dix jours seulement avant son
assassinat par les Israéliens :
« La stratégie du Hamas est soutenue par quatre principes :
1. Notre patrie a été usurpée
dans sa totalité, mais nous ne pouvons en abandonner un seul
pouce.
2. Il y a un déséquilibre de
force évident en faveur de l’ennemi sioniste.
3. Nous ne possédons pas les
armements que notre ennemi possède, mais nous avons une foi qui
génère une volonté qui ne reconnaît pas la défaite ou la
retraite avant que nos objectifs ne soient accomplis. C’est une
foi qui exige le sacrifice pour la religion et la patrie.
4. La communauté arabe et
islamique est impuissante, faible et divisée, et est donc
incapable de soutenir le peuple de Palestine. La communauté
internationale est hostile aux espoirs et aux aspirations du
peuple palestinien et soutient le terrorisme sioniste. La
stratégie du Hamas a par conséquent deux objectifs parallèles :
- résister à l’occupation et affronter l’agression sioniste.
- maintenir l’unité du peuple palestinien et préserver les
Palestiniens de la lutte interne, qui gêne la résistance à
l’occupation ».
La charte du Hamas fut fréquemment évoquée par ceux qui
critiquent le Hamas, la prenant comme preuve soit de son
inflexibilité, soit de son anti-sémitisme. Jusqu’à la fin des
années 1990, cela ne sembla causer de problème à personne à
l’intérieur du mouvement. Apparemment, l’objectif premier de la
direction du Hamas était de s’adresser à leur public arabe et
musulman à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine, ne
prêtant que peu d’attention aux avis du reste du monde
concernant le mouvement.
Lorsqu’elle fut préparée, la charte était une représentation
honnête de la position idéologique et politique du Hamas à ce
moment-là. Le Hamas avait émergé des Ikhwan (les frères
musulmans), et la charte était un reflet de la manière dont les
Ikhwan percevaient le conflit en Palestine et dont ils voyaient
le monde. Sur la première page de la charte, après une citation
du Coran (sourate 3 : 110-112), il y a une citation de Hassan
Al-Banna, qui fonda les Ikhwan en Egypte en 1928. Banna dit :
« Israël sera créée et continuera d’exister jusqu’à ce que
l’islam la balaie, tout comme il balaya ce qui vint avant
elle ». Alors que les leaders du Hamas d’aujourd’hui ne
souhaiteraient pas nécessairement réviser une phraséologie de ce
genre, ils sont de plus en plus convaincus que la charte dans
son ensemble fut davantage un obstacle qu’une aide. Nombreux
admettraient que la préparation et la publication de la charte
ne reçut pas assez de réflexion. Une fois préparée, les
institutions du Hamas à l’intérieur et à l’extérieur de la
Palestine ne furent jamais suffisamment consultées sur son
contenu. Selon Khaled Meshaal, la charte fut précipitamment
annoncée pour satisfaire ce qui était perçu à l’époque comme un
besoin urgent d’introduire au public le mouvement nouvellement
fondé. Meshaal ne la considère par comme une vraie expression de
la vision générale du mouvement, qui « a été formulée au cours
des années par des données des différentes institutions du
mouvement ». Il considère la charte comme un document
historique, qui donne un aperçu de la philosophie originale du
Hamas au moment de son établissement. Cependant, elle « ne doit
pas être considérée comme le cadre de référence idéologique
fondamental duquel le mouvement tire ses positions, ou sur la
base duquel il justifie ses actions ». Ibrahim Ghosheh prend une
position similaire. Selon lui, « il va sans dire que les
articles de la charte ne sont pas sacrés ; en d’autres termes,
ils sont sujets à l’examen et à la révision d’une manière qui ne
contredise par les idées majeures avec lesquelles le mouvement
émergea et auxquelles il continue d’adhérer ».
De telles clarifications ou réserves sont assez récentes.
Jusqu’au début de la seconde Intifada en septembre 2000, très
peu de débats eurent lieu au sein du Hamas sur cette question,
en dépit du fait que la plupart des critiques levées contre le
mouvement impliquassent des références à la charte. C’était
comme si le Hamas avait totalement oublié qu’il avait publié une
charte, ou comme si ses leaders étaient totalement inconscients
de la critique qui avait été dirigée contre lui jusqu’ici.
Seulement récemment, certains leaders du Hamas commencèrent à
exprimer leur inquiétude qu’il leur prit peut-être trop de temps
pour reconnaître que « le texte de la charte ne reflète pas la
pensée et le sens du mouvement ». Ils viennent de commencer à
admettre qu’il se peut qu’elle constitue « un obstacle, ou une
source de déformation ou de malentendu sur ce que le mouvement
encourage ».
Le Hamas devint de plus en plus visible dans les médias
internationaux, et une image très négative fut souvent
présentée, souvent filtrée à travers les avis d’Israël et de ses
supporters. Cela poussa les hauts officiels du bureau politique
à chercher des conseils sur la manière de contrer une telle
publicité négative. L’inquiétude sur cette question remonte au
milieu des années 1990, lorsque le bureau politique était
toujours en Jordanie et que le mouvement commençait à avoir
quelques contacts avec des diplomates occidentaux à Amman.
Toutefois, c’est suite aux événements du 11 septembre 2001
qu’elle prit un degré d’urgence. Le Hamas commença à sentir
qu’il était nécessaire de se créer une image, afin de contrer
les efforts de certains médias et milieux universitaires
hostiles d’assimiler tous les mouvements et organisations
islamiques à Al-Qaïda. Israël en particulier chercha à
capitaliser sur la guerre contre le terrorisme dirigée par les
Américains pour pousser vers l’avant sa campagne visant à
convaincre le monde occidental de sa valeur stratégique continue
en tant qu’alliée, en dépit de la fin de la guerre froide.
L’affirmation d’Israël était qu’aucune distinction n’existe
entre une position politique de l’islam et une autre, et
qu’Israël se tenait en rempart pour protéger l’occident.
Une série de consultations conduites à Beyrouth et à Damas à
partir du début de l’an 2003 jusqu’à la fin de 2005 renforça le
sentiment d’un certain nombre de hauts officiels du bureau
politique du Hamas que le temps était venu pour que la charte
pour réécrite. Un processus de consultation atteignit son sommet
avec une décision prise pour préparer une nouvelle charte.
Toutefois, après les élections législatives palestiniennes du 25
janvier 2006, dans lesquelles le Hamas remporta une majorité, le
projet fut mis en attente jusqu’à nouvel ordre, de peur que la
nouvelle charte ne soit vue comme une mesure prise pour répondre
à la pression extérieure.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (51)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (53)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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