La Voix de la Russie
Proche-Orient :
Serait-ce le tour de l'Iran ?
Chems
Eddine Chitour
Chems
Eddine Chitour - © Photo :
www.algerie360.com
Lundi 29 octobre
2012
Quatrième partie. Le Professeur
émérite Chems Eddine
Chitour a accepté de
répondre à nos questions et dans un long
entretien nous livre son analyse la
situation actuelle au Proche-Orient,
notamment sur le problème syrien et ses
implications.
Laurent Brayard :
Bonjour Professeur, je suis heureux de
vous accueillir, vous êtes le professeur
émérite Chems Eddine Chitour, la semaine
dernière vous nous aviez livré vos
impressions sur le problème syrien,
notamment cette guerre des énergies qui
est commencée et qui a pour enjeu les
immenses réserves de gaz qui se trouvent
justement au Proche-Orient, sur les
côtes syriennes et libanaises, entre
autre. L’Iran est également au cœur de
cette fournaise, aussi nous aimerions
votre opinion en ce qui concerne le
« problème iranien », encore que, le
problème ne pourrait en fait être qu'une
excuse du type de celle que les
Américains ont mis en scène à propos de
l'Irak quelques années plus tôt. Que
pensez-vous de ce qui se passe autour de
l'Iran et comment voyez-vous les choses
?
Professeur Chems Eddine Chitour :
« Si l'on regarde de près ce qui se
passe à nos frontières à l'heure
actuelle, il devient évident que le
risque d'implication de la Russie dans
des conflits locaux a augmenté, et sous
certaines conditions, les conflits
régionaux risquent de dégénérer en
conflits d'envergure avec un possible
emploi d'armes nucléaires ».
Voilà ce qu’écrivait le
Général Nikolaï Makarov, chef
d'Etat-major général russe,
le 17 novembre 2011. Tout ce qui
se passe au Moyen Orient intéresse à des
degrés divers la Chine et la Russie. La
Chine est encerclée dans le Pacifique
surtout avec l’acceptation de
l’Australie de GI’S sur son sol et du
fait qu’elle a été évincée de la Libye.
Quant à la Russie en Occident on
attribue le soutien de la Russie à la
Syrie au fait que la Russie a besoin
d’une fenêtre en Méditerranée, la
fameuse base de Tartous, et c’est avant
tout un coup d’arrêt à l’hégémonie
occidentale qui installe des bases
partout.
Laurent Brayard :
L’Iran est-il vraiment sur le point de
se doter de l’arme nucléaire comme les
médias occidentaux l’affirment ?
M. Chitour : Les bruits de bottes
concernant l'attaque de l'Iran présentée
comme naturelle par l'Occident, ne sont
pas un scoop. L'attaque imminente contre
l'Iran attend depuis huit ans et comme
le dit un militaire occidental : «
Depuis huit ans, l'Iran est à une année
de la mise au point de la bombe atomique
». Souvenons-nous en juin 2008, le
général Shaul Mofaz, ministre de la
Défense d'Israël déclarait: «
Si l'Iran continue son programme de
développement de l'arme nucléaire, nous
l'attaquerons. Les sanctions sont
inefficaces... Une attaque contre l'Iran
afin d'arrêter ses préparatifs
nucléaires sera inévitable ». Dans
le même ordre le 31 octobre 2011,
Benyamin Netanyahu déclarait, à la
Knesset, que l'Iran constituait une
menace, non seulement pour Israël mais
aussi pour le reste du monde. Côté
iranien, le gouvernement se défend en
affirmant que son programme nucléaire
est entièrement civil. Réponse du berger
à la bergère, Mahmoud Ahmadinejad avait
déclaré, le 8 novembre 2011 que
«
l'Iran n'avait pas besoin de la bombe
atomique », mais qu'il ne «
reculerait jamais » face aux
Occidentaux. A l'époque, le triste rôle
fut confié au boutefeu actuel : le
directeur général de l'Aiea. A longueur
d'année et d'une façon itérative, le
matraquage concernant l'Iran est devenu
une seconde nature. Personne ne pose la
question «
pourquoi Israël n'a jamais voulu signer
le traité de non-prolifération nucléaire
bafoué allègrement par ses concepteurs
(Etats-Unis, France) au point de ne pas
permettre de visites poussées de ses
installations ? ». Israël
détiendrait un arsenal nucléaire
impressionnant. On se souvient que El
Baradei ancien directeur de l'Aiea avait
été autorisé à regarder de loin la
centrale et il aurait dit: «
Je ne vois pas de fumée au bout du
pistolet ». Plus tard en novembre
2011, le « va-t-en guerre », le
directeur de l'Aiea avait publié un
rapport défavorable à l'Iran accusé de
réalisation de programmes nucléaires
militaires. Ce rapport énumérait tous
les péchés et les incartades de l'Iran,
ainsi que les soupçons nourris à l'égard
de ce pays à partir des années 90. A cet
égard, l'Iran avait déclaré que ce
n'était rien de plus qu'une compilation
des anciennes accusations qui n’étaient
étayées par aucun argument nouveau et
politiquement motivées sous la pression
des Etats-Unis. Pourtant, Téhéran n'a
jamais été pris en flagrant délit de
production d'uranium de qualité
militaire. Comme en témoignent les
conclusions très claires du rapport qui
constate que ce qui a été observé sur
les sites iraniens n'entre pas en
contradiction avec les informations
officiellement présentées par l'Iran à
l'Aiea. En janvier 2012 Alain Gresh
écrivait : « Interrogé pour savoir quand
Israël attaquerait l'Iran, Patrick
Clawson, chercheur au Washington
Institute for Near East Policy (Winep),
un think-tank lié au lobby
pro-israélien, répondait : «
Il y a deux ans »…
Laurent Brayard :
Donc Monsieur Chitour, cette guerre est
de facto déjà commencée si je comprends
bien, du moins inéluctable ?
M. Chitour :
Du côté occidental, la propagande
est-elle que le formatage parait
irréversible. Encore une fois, on nous
fera le coup de David contre Goliath,
d'un petit pays qui lutte pour sa survie
en face de barbares échevelés fanatiques
avec le couteau entre les dents.
Du côté de l'Iran, les autorités
rappellent que leur programme nucléaire,
objet du conflit, n'a pas de visée
militaire et qu'il serait « stupide »
pour Israël d'attaquer les installations
iraniennes. S'exprimant lors d'un
discours à Téhéran à l'occasion de la
Journée d'Al Qods, le Président iranien
a promis que la «
tumeur cancéreuse » (que serait
Israël) va bientôt disparaître et «
qu’un nouveau Proche-Orient » va
renaître sans «
trace des sionistes ». Une
déclaration qui a évidemment provoqué un
tollé international. Sur le plan
militaire, Israël disposerait d'une
nette longueur d'avance technologique
sur l'Iran, mais Téhéran a développé des
missiles capables de frapper l'Etat
hébreu et dispose d'un allié
indéfectible aux frontières d'Israël, le
Hezbollah. Le Premier ministre israélien
Benjamin Netanyahu était revenu à la
charge jeudi lors d'un discours à la
tribune de l'ONU, le 24 septembre, au
cours duquel, armé d'un marqueur rouge,
il s'est servi du dessin d'une bombe
prête à sauter pour symboliser la ligne
rouge que l'Iran ne doit pas franchir
selon lui. Ces dernières semaines, M.
Netanyahu n'a cessé de demander à
l'administration américaine de fixer à
l'Iran des lignes rouges claires dans
son programme nucléaire sous peine de
s'exposer à une attaque militaire. Mais
il s'est heurté à des fins de
non-recevoir répétées et sans équivoque
de Washington, le président Barack Obama
ayant qualifié de bruit les appels
d'Israël à dicter des ultimatums à
l'Iran.
Laurent Brayard :
Et quelle a été la réponse concrète de
l’Iran à tout cela ?
M.
Chitour : La réponse iranienne n’a
pas tardé pas, le général Hossein
Salami, commandant adjoint du corps des
Gardiens de la révolution islamique,
déclaré en septembre dernier : « Notre
puissance défensive a été fondée sur
notre stratégie défensive et celle-ci
est régie par la présomption que nous
nous engagerons dans un affrontement
militaire d’envergure contre une
coalition menée par les États-Unis ».
Les États-Unis et Israël ont tous deux
menacé de lancer une première attaque
préemptive contre l’Iran, dont les
conséquences seraient désastreuses. En
réaction à ces menaces incessantes, le
commandant de la Force aérienne du Corps
des Gardiens de la Révolution islamique
(CGRI), le général Amir Ali Hajizadeh a
prévenu qu’une attaque militaire des
États-Unis et d’Israël contre l’Iran
pourrait déclencher une Troisième Guerre
mondiale. Il a également laissé entendre
qu’Israël ne peut pas lancer une guerre
sans le feu vert des États-Unis. Selon
le général Hajizadeh, le déclenchement
d’une telle guerre risquerait
d’occasionner une escalade militaire
effrénée. Si l’Iran était attaqué, sa
riposte viserait à la fois des cibles
étasuniennes et israéliennes, y compris
les installations militaires des
États-Unis situées dans les pays voisins
(par exemple en Irak, en Afghanistan, au
Pakistan et dans les États du Golfe) :
Dans un discours dimanche au réseau
d’information arabe Al-Alam, le général
Hajizadeh a déclaré que les
États-Unis et le régime israélien ne
pourraient pas entrer en guerre avec
l’Iran «
indépendamment l’un de l’autre,
c’est-à-dire que si l’un des deux
commençait la guerre, l’autre se
joindrait à lui.
Si de telles conditions survenaient, une
série d’incidents incontrôlables et
ingérables auraient lieu et une telle
guerre pourrait se transformer en
Troisième Guerre mondiale. Cela
signifie que certains pays pourraient
entrer en guerre avec ou contre l’Iran
», a ajouté le général ».
Laurent Brayard :
Israël est-il menacé véritablement dans
les faits par ces déclarations ?
M.
Chitour : Pourtant, on ne peut pas
dire qu'Israël soit menacé, Aucun pays
du Moyen-Orient ne peut se mesurer à
Israël dans le cas d'une guerre éclair.
Reste l'Iran, là c'est autre chose.
L'Iran ne se laissera pas faire « c'est
du lourd », c'est un pays
technologiquement avancé dans tous les
domaines. Il semble pourtant, que Barack
Obama ne veuille pas d'une aventure
militaire avant les élections de
novembre 2012. A l'époque il y a déjà
dix mois, Peter Simmons nous apprenait
que cette fois «
ce serait sérieux » : «
Des articles parus dans les journaux
britanniques le Telegraph et le Guardian
du mercredi 2 novembre révèlent les
préparatifs militaires des Etats-Unis et
de la Grande-Bretagne pour une attaque
contre l'Iran, qui vont bien au-delà des
scénarios de routine habituels. Les
Etats-Unis se sont jetés de façon
téméraire dans une guerre après l'autre
au cours de la décennie passée, dans une
tentative désespérée de compenser leur
déclin économique en projetant leur
hégémonie sur les régions riches en
énergie du Moyen-Orient et de l'Asie
centrale. De plus, on ne connaît pas la
réaction des Russes et des Chinois qui
ne vont pas regarder faire ou défaire ce
qu'ils ont mis patiemment en marche, le
pacte asiatique. D'autant que le
chaudron afghan est toujours en
ébullition avec un Pakistan en
atmosphère insurrectionnelle. Toutes les
bombes conçues par les pays occidentaux,
notamment les bombes au phosphore à
l'uranium appauvri, les bombes barriques
GBU dont disposeraient les Etats-Unis et
Israël, ajoutez à cela les drones, ces
véritables prédateurs et le guidage
satellitaire, nous avons une idée des
guerres actuelles mises en action
notamment en Afghanistan, à Ghaza, en
Libye ».
Laurent Brayard :
Le motif de la bombe, d’une arme
nucléaire iranienne est donc non-avenu ?
M. Chitour :
Le motif de la bombe est fallacieux.
Plusieurs rapports faits par la CIA ont
montré que l'Iran n'avait pas
l'intention de préparer une bombe. Alain
Gresh nous apprend que Léon Panetta, le
secrétaire américain à la Défense et
ancien directeur de la CIA, déclarait le
2 décembre 2011 appréhender l'attaque,
il dressait un tableau catastrophique
des conséquences d'une guerre contre
l'Iran; quelques jours plus tard, le 19
décembre sur
CBS, il affirmait que l'Iran aurait
peut-être une bombe atomique d'ici un
an. Enfin le 8 janvier 2012, à la
question de savoir si l'Iran voulait la
bombe atomique, il répondait... non. On
dit que la condition de la réélection d'Obama
est d'avoir l'imprimatur du lobby
sioniste, en aidant Israël à en finir
avant le mois de novembre. Après la
Libye, la Syrie, voici venir le tour de
l'Iran. C'est cependant un risque
majeur, car la Russie et la Chine
réagiront. De plus, les Etats-Unis
n'auront rien à gagner dans ce conflit,
ils ont l'énergie, ils sont installés à
demeure. Prendront-ils le risque de
mettre la planète à feu et à sang pour
un conflit imaginaire ?
Laurent Brayard :
Professeur Chems Eddine Chitour, nous
espérons avec vous que cela ne sera pas
le cas, et nous nous retrouverons la
semaine prochaine pour aborder la
dernière partie de notre entretien
consacré au fameux printemps arabe. En
attendant nous vous souhaitons à vous et
aux lecteurs de
Palestine Solidarité, une bonne
journée. A la semaine prochaine !
3ème partie de cet entretien
2ème partie de cet entretien
1ère partie de cet entretien
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