Traduction de l'article Eight
Grandmothers battle so their grandchildren can live in peace, publié
dans le quotidien israélien Ha'aretz du 18 mars 2002
Dimanche, les huit grand-mères se sont réunies
dans un appartement dans le quartier de Abu Tor à Jérusalem pour rédiger
un communiqué de protestation contre les politiques du gouvernement
concernant le conflit avec les Palestiniens. En fait, seulement six
des grand-mères étaient présentes, les deux autres étaient «de
tour de baby sitting», ce qui est significatif quant au rôle joué
par les grand-mères, dit Alisa Poskanzer, la femme derrière ce
nouveau mouvement.
«Les huit grand-mères», un mouvement de
protestation nouvellement formé, projette de se joindre à une
nouvelle organisation pour la paix et qui s'est constituée récemment,
«le septième jour». Elles espèrent suivre les traces des «quatre
mères» qui furent si utiles pour influencer l'opinion publique
dans le sens d'un retrait du Liban.
Les femmes pensent qu'elles ont un rôle important
à jouer. «En tant que grand-mères, nous avons payé notre
contribution à la société, travaillant pour ce en quoi nous
croyions, la création d'un État sioniste. Mais actuellement, nous
sommes en train de faire de très mauvaises choses dans ce pays»,
dit Rita Ramez, une grand-mère de sept petits-enfants. Remez est
aussi l'épouse de Aharon Remez, le premier commandant de l'armée
de l'air israélienne, et le premier sabra (Israélien né en Israël)
à avoir été ambassadeur au Royaume-Uni.
Poskanzer résume ses raisons pour établir le
groupe en un mot: «assez». La situation doit changer, dit elle. «Au
lieu d'autoriser le gouvernement à mettre les mères et leurs
enfants en première ligne, le temps est venu pour nous, les grand-mères,
de dire 'assez'. Nous sommes fatiguées et effrayées, nous ne
pouvons plus jouer à ce jeu de la guerre», dit Poskanzer, une vétérante
de la Haganah de la guerre d'indépendance.
Un communiqué de
propositions
Assises dans l'appartement de Poskanzer, les six
femmes se sont entretenues sur une grande variété de sujets,
incluant le rôle de la grand-mère dans la famille et comment leurs
préoccupations diffèrent de celles des grand-pères, mères et pères,
avant de finalement parvenir à un communiqué officiel qui a été
lu aux deux membres absentes avant que l'accord final fut donné.
« Nous, les membres fondatrices des 'huit grand-mères',
encore une génération, solidaire des groupes qui se sont formés
avant nous - les 'quatre mères', et le 'septième jour' -
demandons d'urgence à notre gouvernement de réaliser ce qui
suit:
1. Un arrêt immédiat de la violence.
2. D'évacuer les Territoires.
Bien que nous déplorions l'Intifada, nous tendons
nos mains avec compassion vers les grand-mères palestiniennes.
Nous demandons d'urgence à nos dirigeants de
prendre un autre chemin, de s'asseoir et parler face à face, de
rechercher un accord qui aboutira à «la paix des braves», de
sorte que nos petits-enfants puissent grandir dans un monde libre
de toute peur et puissent vivre en harmonie avec nos voisins.»
Signé: les huit grand-mères
Alisa Poskanzer, Rita Remez, Yael Avineri, Bracha
Weingrad, Ruth Fenson, Bernice Weston, Emma Smith, et Fagie Cohen.
»
Détérioration
morale
Observant mon fils et, dans une certaine mesure
aussi, mes filles dans l'armée, j'ai commencé à voir une terrible
frustration de leur part, et ils ont commencé à se demander ce
qu'ils faisaient dans l'armée. Ils harassaient les Palestiniens
pour le seul fait de les harasser, les sortant du lit la nuit pour
le seul fait de les en sortir, pour leur montrer qui est le maître»,
dit Bracha Weingrad.
Weingrad est venue en Israël du Canada en 1949 et
passa un an en Israël. Son mari était professeur à l'université
de Brandais, et il passaient chaque repos qu'il recevait en Israël,
avant de venir s'installer définitivement ici en 1974. «En tant
que grand-mère de huit petits-fils et une petite-fille, je respecte
les enfants qui sont en prison pour avoir refusé de se battre dans
les Territoires. Je respecterais mes petits-enfants s'ils décidaient
de faire la même chose», dit-elle.
«L'occupation a usé la fibre morale de nos
enfants. L'humiliation des Palestiniens est à la mesure de la détérioration
morale de nos enfants. Maintenant, je viens juste d'entendre qu'ils
(les soldats israéliens) ont écrit le nom des Palestiniens sur
leurs bras - le simple fait d'y penser - et vous voulez que mes
enfants fassent cela?» demande Weingrad.
Remez dit que bien que jusqu'à présent elle
n'avait jamais fait partie d'une organisation de protestation, elle
sentait le besoin de se joindre pour faire entendre sa voix. «Je ne
veux plus voir ce que nous voyons. Je sens que nos jeunes hommes et
jeunes femmes sont en train d'être noyés, comme les Palestiniens»,
dit-elle. «Tout ce qui peut être dit contre ce qui est en train de
se passer, tout argument, doit être dit.»
Une voix anglaise
légitime
La plupart des huit grand-mères sont anglophones,
venant des États-Unis, du Canada, d'Angleterre. Bien que la plupart
sont en Israël depuis la création de l'État, elles discutent
encore en anglais. Ceci inquiète les grand-mères et elles
envisagent d'agrandir leur groupe et d'y inclure des grand-mères nées
en Israël et des grand-mères palestiniennes. Poskanzer a fait part
de sa détermination de descendre jusqu'à la partie arabe de Abu
Tor pour essayer d'encourager les grand mères-palestiniennes à les
rejoindre.
Weingrad s'inquiète aussi que le public ne les
prendra pas au sérieux parce qu'elles sont anglo-américaines. Elle
pense que comme anglo-américaines, elles ont les mêmes droits que
n'importe qui en Israël de s'exprimer sur la situation. «Nous
sommes venues ici après des années de réflexions et prises de
conscience. Nous avons quitté de charmantes maisons, voitures, et
laissé des pays qui nous traitaient bien - nous n'étions pas
pourchassées. Nous avons un énorme, peut être naïf, attachement
à la cause sioniste.»
«Nous avons le droit de nous exprimer. Nous avons
amené nos enfants ici, nous avons tout quitté pour élever nos
enfants ici, les envoyer à l'armée, nous leur avons transmis les
valeurs que nous avons apportées avec nous, la volonté de
participer», dit Weingrad.
«Je ressens comme si j'étais venue ici sur le
Mayflower», dit Poskanzer, qui est arrivée en Israël par bateau
en 1946 pour préparer un doctorat de sociologie à l'université hébraïque
de Jérusalem. «Que pouvait-il arriver de mieux que d'être ici au
moment de la déclaration de l'État?» demande-t-elle.
Les grand-mères ont encore à mettre en forme un
plan d'action complet pour faire passer leur message aux gens. «Nous
devons porter notre message aux médias du monde», dit Weingrad. «Il
faut qu'ils nous voient ici sur les barricades, avec nos cheveux
gris et nos cannes, alors ils réagiront.»
Traduit par
Mireille Delamarre.
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