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Dossier
Les voix dissidentes en Israël


Jérusalem
Coeur d’un Etat palestinien digne de ce nom
Le choix, c’est maintenant

Angela Godfrey-Goldstein
 



mai 2006

Le « plan de convergence » d’Ehud Olmert, présenté lors d’un entretien avec Karby Legget dans The Wall street Journal (12 avril 2006), a des ramifications majeures pour Israël et la Palestine, sur la paix dans la région et pour la communauté internationale. Olmert parle " d’un retrait important de certains secteurs de la Cisjordanie occupée dans les prochains 18 mois ". Il prévoit " d’évacuer jusqu’à 70 000 colons... ce qui pourrait coûter plus de 10 milliards de dollars, tout en annexant de grandes parties des territoires palestiniens discutés. Le but... est de fixer des frontières définitives qui, reconnues internationalement, assureront à Israël de garder sa majorité juive pour les décennies à venir. Bien qu’il ait l’intention de réaliser ce plan sans la participation palestinienne, il pense que ce plan... pourra conduire, un jour, à l’établissement d’un Etat palestinien et à un règlement négocié ".

Sur les 250 000 citoyens israéliens vivant dans les centaines de colonies en Cisjordanie (sans compter les 200 000 colons qui occupent Jérusalem-Est), un tiers seulement serait évacué, dit Leggett. " Beaucoup pourront se voir proposer d’être relogés dans les grands blocs de colonies qu’Israël projette de garder... Peut-être que la question la plus sensible sera celle de Jérusalem. Les Palestiniens revendiquent la cité comme leur future capitale et veulent que cette question soit intégrée dans toute résolution traitant du cœur du conflit du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont généralement soutenu la position palestinienne lors des négociations de paix précédentes ".

Olmert exclue tout partage du contrôle politique sur Jérusalem et sur les lieux saints : « Diviser Jérusalem n’apportera pas la paix, seulement plus de combats » dit-il.

Un coup d’œil sur la carte 1 montre que Jérusalem s’étend à mi-chemin entre la partie nord et la partie sud de la Cisjordanie. A l’ouest, Israël. A l’est, le désert (une partie de la Cisjordanie) dominé par le bloc de colonies de Maale Adumim. Ce bloc fait partie de la stratégie qui vise à couper la Cisjordanie. Les contacts entre les cantons nord et sud - comme avec Gaza - dépendront de la bonne grâce d’Israël. Il est peu probable, pour le moins, que ce qui en résultera puisse représenter un « Etat palestinien viable », comme vanté à moult reprises par le Président US, George W. Bush, depuis juin 2002, notamment quand il a présenté sa « Feuille de route » et sa propre vision.

The Economist, dans son éditorial du 12 avril 2006 sur Jérusalem exprime un désaccord avec Olmert : " Aucune paix ne sera possible à moins que la cité reste accessible à l’Est et à l’Ouest. Pour le moins, pendant cette période de calme relatif, Israël devrait ouvrir sa barrière autant que possible. L’enfermement et la mise à l’écart des Palestiniens entraîneront probablement une nouvelle dérive vers encore plus de violence ".

Legget, dans son article du The Wall Stree Journal, commente les réactions des Palestiniens au plan Olmert : " La colère pourrait aussi monter en Cisjordanie et à Gaza où beaucoup de Palestiniens voient ce retrait comme une tentative d’Israël d’échapper à des négociations et d’imposer sa volonté. Déjà, de hauts dirigeants du mouvement militant islamiste Hamas... reçoivent le plan Olmert comme une « déclaration de guerre » ".

Olmert estime à 10 milliards de dollars le coût de « son plan de convergence » et laisse entendre que les USA le financeront, écrit Legget. Si les Américains s’exécutent " ce sera vu probablement dans tout le Moyen-Orient comme un soutien au projet d’Israël de prendre un contrôle définitif sur les blocs de colonies et sur Jérusalem. La crainte est que n’augmente la colère dans la région à l’encontre des USA, compliquant les efforts de stabilisation de l’Iraq et la promotion de la démocratie dans les autres pays ".

Le plan Olmert est prévu pour établir les frontières finales, déjà visibles avec le tracé du mur. Dans leur rapport Sous le couvert de la sécurité (1), les organisations des droits de l’homme, BIMKOM et B’Tselem, ont montré comment le mur avait été érigé pour créer un état de fait incontournable et pour accélérer l’expansion des colonies (illégales au regard de la loi internationale).

L’agenda d’Olmert met en lumière ce que les activistes pour la paix disent depuis longtemps : " Le mur est une frontière politique à long terme et non une ‘construction temporaire pour la sécurité’ comme le prétendent les planificateurs de l’armée israélienne témoignant devant la Cour suprême ".

S’agissant de Jérusalem, B’Tselem déclare : " La décision de faire courir une barrière tout le long de la limite municipale et les pauvres arguments qui tentent de la justifier conduisent à la conclusion que sa première motivation de cette barrière est politique : la réticence du gouvernement d’assumer un prix politique pour son choix d’un tracé qui contredira le mythe que ‘Jérusalem unifiée est la capitale éternelle d’Israël‘ ". (2)

Dans le Grand Jérusalem, le bloc de colonie de Maale Adumim et le projet de développement E-1 (voir carte 2) ont un impact stratégique énorme sur le viabilité du côté palestinien. Jeff Halper du Comité israélien contre la démolition des maisons (ICAHD) écrit :

" 40 % de l’économie palestinienne dépendent de Jérusalem et alentours, de son développement touristique, le projet E-1 sépare efficacement le cœur même de l’économie de tout Etat palestinien, le rendant aussi peu viable que les réserves indiennes, rien de moins."

E-1 est la seule étendue de terre non développée immédiatement à l’est de Jérusalem, elle a été annexée illégalement pour Maale Adumim dans le milieu des années 90. Israël l’a agrandie et l’entoure avec le mur de sorte que le bloc Maale Adumim la sépare complètement de la Cisjordanie et empêche toute contiguïté palestinienne. Olmert dit que le développement de E1 se poursuivra malgré la désapprobation du département d’Etat US. Les professionnels de l’immobilier l’appellent déjà « le Nouvel Adumim ».

Maale Adumim se développe de façon provocante. Dans un supplément immobilier de Ha’aretz (printemps 2006) on peut lire : " Maale Adumim devient une ville champignon : elle a acquis la distinction de « ville modèle », à juste dix minutes de voiture de Jérusalem, et elle poursuit son développement. C’est une communauté - approchant les 40 000 habitants - où.. un grand centre commercial, quatre piscines, des écoles religieuses et laïques et des équipements communaux [...sont] nés en quelques mois : 76 unités totalement nouvelles sortant d’une planche à dessin pour nourrir un marché en pleine attente. "

La construction de 3 500 unités sur E-1 exclura tout simplement toute possibilité d’expansion des Palestiniens de Jérusalem-Est vers cette dernière terre disponible. De même, la colonie juive de Pisgat Ze’ev dans le nord de la ville isole Jérusalem de Ramallah et Har Homa (« le mur de la montagne »), une colonie dans le sud renforcée par le mur, nuisent à toute émergence, vitale, aux économies de Bethléhem, de Jérusalem-Est et de Ramallah. Partout où les territoires palestiniens sont remis en question, le leitmotiv d’Israël c’est ’développer’.

L’Office des Nations unies pour la Coordination des affaires humanitaires a publié un rapport en février 2006 : L’accès à Jérusalem - Le nouvel ordre militaire limites l’accès des Palestiniens de Cisjordanie, (3) déclarant : " Alors que la barrière est en voie d’achèvement autour de Jérusalem, des ordres récents de l’armée israélienne restreignent davantage l’accès à Jérusalem aux véhicules et aux piétons palestiniens de Cisjordanie. Pour ces ordres, les conditions de passage s’intégrent dans le système global de fermeture. " Le rapport énumère les impacts humanitaires sur les hôpitaux palestiniens de Jérusalem-Est (30 % des lits d’Augusta Victoria sont fermés, Makassed 40 %), disant que les nouvelles consignes militaires " constituent un nouvelle restriction pour les déplacements des Palestiniens".

" Avant la mise en œuvre de la politique de bouclage en 1993 qui a limité l’accès des Palestiniens à la ville de Jérusalem, [elle était] le centre économique, politique, médical, religieux, éducatif et culturel pour les Palestiniens qui vivaient en Cisjordanie. La nouvelle organisation de l’armée, combinée avec la réalisation du mur, l’isolera physiquement de la Cisjordanie : l’accès à Jérusalem ne se distinguera plus de l’accès à Israël..."

" Approximativement 60 000 Palestiniens passent les check-points chaque jour, dans les deux sens. Les quartiers sont séparés les uns des autres, tout lien avec les secteurs éducatifs, médicaux et économiques est coupé... La ville est devenue complètement isolée des communautés palestiniennes de Cisjordanie."

La sécurité est toujours l’alibi utilisé dans une société militarisée où l’incitation à la crainte et la promotion de la violence peuvent servir les buts politiques. Amir Cheshin (conseiller du maire, Teddy Kollek, pour les Affaires arabes jusqu’en 1993) dans Municipal Policies in Jerusalem : An Account from Within (Passia, septembre 1998) décrit la politique des années 70 : " L’idée principale derrière l’appropriation était d’isoler Jérusalem-Est de la Cisjordanie et de créer un cercle de quartiers juifs comme butoir urbain entre les deux ". Le mur à Jérusalem, alors, n’est que l’accomplissement d’une politique prévue de longue date. On ne peut être surpris en conséquence que le tracé planifié autour de la ville - 75 km - n’ait que 5 km qui chevauchent la « Ligne verte » (Ligne d’armistice de 1949).

Tout ceci représente la stratégie de base : Israël veut se retirer unilatéralement de secteurs de moindre importance pour garder ceux qui sont stratégiques géopolitiquement, spécialement Jérusalem et les autres blocs. L’intention a toujours été de saper toute viabilité palestinienne tout en contrôlant la démographie. " La matrice de contrôle " comme l’appelle Jeff Halper est l’autre nom de cette stratégie (4). Ce n’est pas une coïncidence que le mur se soit emparé des meilleures terres arables et de la plus grande partie de l’eau (" Sécurité ou avidité ? " demande Avraham Tal dans Ha’aretz - 20 avril), et qu’il ait détruit toutes les interfaces économiques et les bourgs (Nazlat, Issa, Qalqilya, Mas’ha, A-Ram, Abu Dis et Al-Azariya), pendant qu’Israël marginalise le système de transport palestinien.

Les dés étaient jetés. Israël devenait officiellement un Etat d’apartheid, avec des frontières colonialistes construites en béton, délimitant une version sans vie possible, dénaturée - un bantoustan - d’une Palestine qui sera emprisonnée et étouffée dans son étreinte d’ours. C’est ce qui est en train de s’accomplir avec la complicité des Américains et des Européens, en violation des lois internationales et des droits de l’homme.

Il peut être facile pour les lobbys pro-israéliens de crier « Antisémite ! », on espère que les dirigeants de ce monde se réveilleront et admettront les violations qu’ils ont depuis longtemps devant les yeux, alors que les militants pour la paix se tuent à répéter leurs avertissements.

Les 38 années passées d’occupation ont été employées pour créer une situation de conflit sur le terrain - une situation qui peut s’inverser, à un certain prix, si la volonté politique existe. Mais le coup de grâce * d’Ariel Sharon avec la lettre Bush-Sharon de bonne entente, d’avril 2004 a donné à Israël carte blanche pour échapper à toutes négociations qui pourraient conduire à un véritable Etat palestinien.

Depuis « le redéploiement » de Gaza, Israël n’a jamais respecté ses engagements pris auprès de Condoleezza Rice (du travail pour les Gazaouites et un accès à la Cisjordanie) ni engagé de négociations avec Abu Mazan. Il n’a pris aucune mesure pour créer la confiance. Ses soldats continuent en tout impunité de tuer les civils palestiniens à un rythme quotidien. Si la dernière attaque suicide, le 17 avril à Tel Aviv, a traumatisé Israël une fois de plus, nous ne devons pas oublier et Amnesty International nous le rappelle dans son communiqué de presse condamnant l’attentat : " L’attaque d’hier porte à 15 le nombre de civils israéliens tués par des groupes palestiniens armés depuis le début de cette année. Dans la même période, les forces israéliennes ont tué quelque 75 Palestiniens, parmi eux bon nombre de personnes désarmées et plus de 15 enfants."

Pour citer Dov Weisglass (un conseiller d’Ariel Sharon et maintenant d’Olmert), Israël " a mis les Palestiniens au régime, mais ne les fera pas mourir de faim ". Il a délibérément affaibli et sapé Abu Mazen. L’initiative saoudienne proposant l’intégration régionale [d’Israël] et une paix totale en échange d’un retrait aux frontières de 1967 a été ignorée. Complètement. Deux fois.

L’objectif est de créer une pression palestinienne sur le Hamas pour qu’il modifie son attitude à l’égard d’Israël, un objectif intégré dans une intention plus large et constante de forcer les Palestiniens à accepter le sort que leur assigne Israël. Le Hamas est disposé à reconnaître Israël dans les frontières de 1967 et dans le cadre d’une trêve à long terme, un trêve qu’il respecte depuis plus d’un an, en dépit de tout. Mais les frontières de 67 sont précisément l’anathème auquel l’unilatéralisme doit permettre d’échapper. Ces frontières, qui ne laisseraient aux Palestiniens que 22 % de la Palestine historique pourraient leur donner, avec le retour des réfugiés, une chance pour un Etat protecteur réel et une vie décente.

Le dirigeant du Fatah, Marwan Barghouti, emprisonné, dit du plan d’Olmert (dans une interview à YNet du 15 avril) : " Ce plan essaie d’éradiquer toute volonté d’établir un Etat palestinien indépendant ". Pour Barghouti, il est impossible de créer la confiance sans qu’un certain nombre de conditions ne soient remplies : l’occupation doit cesser ; un Etat indépendant doit être établi avec Jérusalem comme capitale ; les réfugiés doivent rentrer ; et tous les prisonniers doivent être libérés. " Ce sont les Palestiniens, dit-il, qui n’arrivent pas à trouver un partenaire pour la paix." Barghouti a accusé Israël de se servir de la victoire du Hamas comme d’un prétexte commode, " parce que les négociations sont paralysées depuis six années au moins... "

Citons encore The Economist : " Si la barrière était là vraiment pour la sécurité, Israël... n’aurait fait ces empiètements incessants des quartiers juifs sur les secteurs palestiniens. Mais jusqu’ici, son principal souci semble de s’être assuré que cette conquête de Jérusalem soit l’ultime. "

Encore un an pour Jérusalem ? Jérusalem où la vieille ville loge déjà 41 colonies, avec des plans pour développer 33 unités de logements supplémentaires près de la Porte Hérode ?

Jérusalem, avec presque autant de colons que de Palestiniens (200, 300 000 ?). Une Jérusalem où la règle du jeu c’est le transfert ethnique ? Où les valeurs sont orgueil et hubris **, avidité, luxure, crainte et cupidité ? Une Jérusalem où les Israéliens laïcs sont de plus en plus délaissés ? Une Jérusalem où la séparation est imposée et la coexistence supprimée ?

Qui, aujourd’hui, va défendre une Palestine libre ? Le choix, c’est maintenant. Un conflit qui dure et un apartheid officiel, ou enfin, une fois pour toute, une vraie paix. C’est-à-dire, une vraie Palestine. C’est notre choix.

Notes

1) http://www.reliefweb.int/library/do...

2) http://www.btselem.org/english/sepa...

3) http://www.humanitarianinfo.org/opt...

4) Voir http://www.icahd.org : "The Matrix of Control"

* en français dans le texte

** démesure

Carte n° 1

 

 

Carte n° 2

 

 

Lire également du même auteur sur ce site « Israël et l’apartheid d’Afrique du Sud », publié le 18 février 2006


Angela Godfrey-Goldstein
responsable de l’action juridique pour le Comité israélien contre la démolition des maisons (ICAHD - http://www.icahd.org), elle habite à Jérusalem. Avant d’immigrer en 1981, elle vivait à Johannesburg et travaillait à Soweto. Récemment, elle a passé 4 années à travailler dans le Sinaï, en Egypte.
Source : http://www.kibush.co.il/downloads/p...
Challenge n° 97 - mai/juin 2006, diffusé par la liste "The other Israel" : otherisr@actcom.co.il
Les photos de la colonie Ma’ale Adumim sont rajoutées par la publication.
Traduction : JPP


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2626


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