Rapport O.M.D.H.
Région de Laayoun:
événements et répercussions
Vendredi 19 novembre 2010
I- Introduction
La ville de Laayoun a
connu des événements violents et
tragiques le 8 novembre courant
.le matin du même
jour, la zone de Lamriate, à 18 km à l’Est de la ville,
(Camp de Gdim Izik- Route de Smara) a connu l’intervention des forces
publiques, composées d’éléments de la gendarmerie royale et des
forces auxiliaires, pour le démantèlement des tentes dressées
par des citoyens et des citoyennes revendiquant leurs droits au
logement et à l’emploi et ce depuis le 10 octobre dernier.
Rappelant le
contenu de ses
communiqués et après collecte et classification des informations
et des données fournies par son équipe d’investigation, coordonnée par son membre du Conseil
national ,depuis le dressement des tentes ,l’OMDH présente une
chronologie des évènements pour
laquelle elle a adopté une approche interactive par un
suivi continu de l’évolution que peut connaître l’acte de
protestation et :
Ø
audition des différentes parties qui ont dressé les tentes ;
Ø
détermination de ses positions et ses revendications en relation
avec l’évolution des protestations ;
Ø
information de l’opinion publique de ces développements
(communiqués datés des 19-24- et 27 octobre 2010) ;
Ø
organisation de plusieurs réunions et le suivi des rencontres de
dialogue entre les autorités publiques et le comité de dialogue
représentant les habitants ayant dressé des tentes ;
Ø
suivi et diagnostique des affrontements entre les forces de
l’ordre et le groupe opposé à l’accord conclu entre les
autorités publiques et le comité de dialogue représentant les
habitants du camp ;
Ø
et suivi des événements de violence affligeants qu’a connu la
ville /région de Laayoun
II- Chronologie des
protestations
1-
Rassemblement
d’un ensemble d’habitants de Laayoun dans un campement de (Gdeim
Izik);
-
Le 10 octobre
2010 : des citoyens et des citoyennes se sont rassemblés à
Lamriat (Route de Samara), à 18 km à l’Est de Laayoun (camp de
Gdim Izik) et ont dressé des tentes
-
L’affirmation par
les habitants du campement que les protestations revêtent un
caractère social,
notamment en ce qui concerne le logement et l’emploi
-
l’omdh a relevé trois
catégories
des citoyens composant
le campement (communiqué du 19 octobre 2010) :
·
Une catégorie qui est dans le besoin réel de logement et
d’emploi, et c’est le groupe qui compte le nombre le plus bas de
personnes par rapport à la totalité des habitants du camp
·
Une catégorie regroupant un grand nombre de commerçants (hommes
et femmes), de fonctionnaires, de fils de fonctionnaires,
d’agents d’autorité, et de personnes portant des cartes « Achbal »
etc.
·
Une large frange d’habitants du camp Al Wahda ayant déjà
bénéficié d’un projet de logement dans le cadre du programme
d’aménagement de la ville Al Wifaq et Al Wahda (environ 16.000
unités de logement)
-
Un recoupement d’informations faisant état de la présence de
plus de 3.000 tentes, dont 20 % est inhabitée alors que le
nombre des habitants du campement est évalué entre 6.000 à 8.000
personnes pendant le jour et entre 600 et 900 la nuit
(Communiqué daté du 24 octobre 2010)
-
Des personnes ont
regagné le campement et s’approprient son
contrôle
et son encadrement au niveau logistique et décisionnel,
2- Incidents terribles et affligeants
le 22
octobre 2010
-
Tentative de viol d’une fille et tentative
d’incendie du campement des tentes par une personne (M.D)
-
Cette personne a été gravement battue et expulsée par les
habitants du camp
-
La même personne fait un assaut, en compagnie d’un groupe de
jeunes à bord d’un véhicule 4X4, contre un barrage sécuritaire
et coups de feu tirés d’un fusil de chasse contre le barrage
sécuritaire
-
L’utilisation par la gendarmerie royale de balles réelles
-
Décès du jeune Najem El Gareh (14 ans) et les cinq autres
blessés ont été transportés à l’hôpital (dont M.D)
-
- publication d’un communiqué de presse de l’omdh en date du 24
octobre 2010 demandant la détermination des responsabilités
3-
Dialogue entre les autorités publiques et le comité de dialogue
représentant les habitants du camp
-
Ouverture du dialogue entre le wali de Laayoun et des
responsables de l’administration centrale du ministère de
l’Intérieur et le comité de dialogue
-
Augmentation du nombre des habitants du camp qui a avoisiné les
10.000 personnes, surtout le week-end
-
Réunion à Laayoun du ministre de l’Intérieur avec les élus de la
région et les chioukhs des tribus,
-
Participation du ministre de l’Intérieur à deux séances de
dialogue avec le comité de dialogue du camp
-
Accord entre le comité et les autorités publiques relatif aux
revendications des
protestants en ce qui concerne le
logement et l’emploi. Cet accord prévoit :
o
Engagement de la part des autorités
pour l’emploi de tous
les titulaires de diplômes supérieurs
o
Engagement pour l’emploi de tous les titulaires de diplômes de
formation professionnelle
o
Distribution de 2.700 lots de terrain
o
Engagement du ministre de l’habitat pour le lancement d’un
nouveau projet relatif au réaménagement de la ville à l’horizon
2015
Dans le même cadre,
il a été procédé à la remise des documents proprièté
de 600 lots de terrain
au profit des veuves, de 600 lots au profit des femmes divorcées
et 600 autres lots pour les personnes à des besoins spécifiques
et les catégories vulnérables.
4- Emergence d’un
groupe opposé à l’accord
-
La proclamation d’un
groupe opposé à l’accord conclut entre les autorités publiques
et le comité de dialogue représentant les habitants du campement
et sa déclaration publique de sa disposition à affronter les
autorités ;
-
La matinée du 5 novembre 2010 : le wali de la ville de Laayoun
et des responsables de l’administration centrale ont été
empêchés par ce groupe d’accéder au campement pour la mise en
oeuvre de l’accord
-
La soirée du 5 novembre 2010 : un communiqué du ministère de
l’Intérieur annonce la prise en otages de femmes et d’enfants
par le
groupe opposé à l’accord
-
Le 7 novembre 2010 : le Procureur général du Roi décide le
démantèlement du campement en garantissant
la sécurité physique des
habitants qui s’y trouvent ;
5- Les
affrontements entre les forces publiques et le groupe opposé à
l’accord
v
Le 8 novembre 2010 : arrivée à 6h25 des forces publiques, de bus
et de camions pour l’évacuation des habitants
v
L’annonce par des hauts
parleurs que les forces publiques sont prêtes à intervenir pour le
démantèlement des tentes, et appellent
les habitants du campement à rejoindre dans le calme les
bus et les camions,
v
Des femmes et des enfants commencent à s’orienter vers les bus,
v
Le groupe opposé à l’accord empêche des dizaines de femmes et
d’enfants d’y aller ;
v
Le groupe opposé à l’accord fait usage de bouteilles
incendiaires, de bonbonnes de gaz, et d’armes blanches contre
les forces publiques,
v
L’utilisation des bombes lacrymogènes, des jets d’eau et des
matraques par les forces publiques ;
v
Aux environs de 08h00 du matin : démantèlement du campement et
évacuation des habitants vers la ville de Laayoun
v
Arrestation dans le campement de membres du groupe opposé à
l’accord par la gendarmerie royale
6- Extension des
affrontements à la ville de Laayoun
-
Circulation par équipe d’autres groupes opposés à l’accord
sillonnant la ville de Laayoun à bord de véhicules 4x4 (Lan
Rover – Land Cruiser), armés de sabres, de poignards, de
cocktails Molotov et de bouteilles de gaz engendrant ;
-
Incendie des établissements publics
-
Incendie des établissements et de biens privés occasionnant
d’importants dégâts matériels
-
M. Mahmoud Lakraa heurté par une voiture et transporté à
l’hôpital
-
A 13h00 : intervention des forces publiques dans la ville de
Laayoun
III- Résultats des
affrontements
Tout en
dénonçant vigoureusement l’atrocité de l’acte criminel dont a
été victime 6 membres des forces publiques, sauvagement égorgé,
l’OMDH a enregistré les données suivantes :
1)- Les décès
-
Décès de 12 personnes dont :
*10
des forces publiques dont 6 ont
été égorgés
*Décès de deux civils,il s’agit de M. Mahmoud Lakraâ à l’hôpital
après avoir été heurté par une voiture
*Décès de M. Daoudi Ibrahim à l’hôpital le 12 novembre 2010.
2)- Aucun cas
d’enlèvement n’a été enregistré
3)- Les blessés :
de dizaines de blessés. (L’équipe OMDH n’a pas pu détecter
précisément le nombre des blessés)
4)- Des
établissements publics et privés incendiés :
Administrations publiques :
-
L’Académie de l’éducation et de la formation,
-
Des établissements scolaires du primaire et du secondaire
(collège Attaâoun, l’école oued Al Makhazin et l’école privée
Alamine)
-
Le Centre régional d’investissement,
-
La Cour d’appel (des documents de la cour ont été brûlés,
..)
-
La délégation du ministère de l’Energie et des Mines
-
Plusieurs arrondissements urbains
-
Le Centre de santé à Al Awda
-
Administration de la poste
-
Des arrondissements de police
-
40 voitures appartenant à des services publiques
-
Attaque du siège de la radio et de la télévision régionale,
enlèvement d’un agent de sécurité et menaces d’incendie
proférées à l’encontre des journalistes et des employés de la
radio et télévision
Etablissements et
biens privés incendiés :
-
Trois pharmacies d’officines
-
Des logements privés
-
Le Centre social de la ligue marocaine de la protection de
l’enfance
-
Sept agences bancaires (Banque populaire, Attijari Wafabank,
BMCE,..)
-
Des dizaines de magasins commerciaux
-
Un dépôt de peinture dont l’incendie a causé une explosion dans
un immeuble qui compte plusieurs habitants
-
90 voitures de particuliers brûlées
IV- Décisions des
autorités publiques
L’équipe a enregistré
que les autorités judiciaires a pris un nombre de décisions
depuis la mise en place des tentes jusqu’après les évènements
indiqués ci-dessus:
- Ouverture
d’une enquête par le
parquet général suite au décès du jeune Najem
El Gareh suite à
l’usage de balles réelles le 24 octobre 2010.
- Décision du
Procureur général du Roi relative au démantèlement du
campement en garantissant la
sécurité physique des habitants, le 7 novembre 2010.
- Ouverture
d’enquête pour
élucider les circonstances du décès de M. Mahmoud Lakraa à
l’hôpital après avoir été heurté par un véhicule le 8
novembre 2010.
- Arrestation
de plus d’une certaine de personne (les autorités
judiciaires continuent les arrestations).
- Décision du
Mise en liberté de 120 détenus, dont des mineurs, pour
absence de preuves attestant de leur participation aux actes
de violence, et ce le 12 novembre 2010.
- Transfert de
7 détenus au tribunal militaire à Rabat le 14 novembre 2010.
- Saisie de
véhicules et des dizaines de sabres, de poignards, de
cocktails Molotov et de bouteilles de gaz
Conclusions :
1- L’OMDH presente
ses sincères condoléances et sa compassion aux familles de
victimes de ces évènements affligeants, aux familles des
messieurs, Mohamed Lakraâ, Ibrahim Daoudi,
et aux familles des
forces de l’ordre, Messieurs :Mohamed Ali Boualem, Yassine
Bouktaya, Abdelmoumen Enchioui, Oulaid Ait Ala, Badreddine
Etrahi, Abdelmajid Adadour, Belhouari Anas, Ben Taleb Lkhtil,
Mohamed Njij, Ali Azaari.
2- A la lumière du
suivi et des données collectées,
l’OMDH et compte tenu de l’ampleur des évènements graves,
affligeants et violents
qu’a connu laayoun , rappelle le contenu de ses rapports
réalisés suite à des événements survenus
dans la région du Sahara et particulièrement son rapport
relatif à l’observation
qualitatif des élections
communales 2009 qui fait état, entre autres, de :
-
La préoccupation de
l’opinion publique locale qui a suivi avec intérêt le
contentieux juridique et politique suscité par la
distribution d’un grand nombre de lots de terrain ...
-
Son appel aux partis
politiques et aux pouvoirs publics pour la non-exploitation
du facteur tribal dans les campagnes électorale afin de
préserver cet héritage, qui a des fonctions historiques,
nationales culturelles et sociales, ainsi que pour faire
prévaloir les valeurs de citoyenneté, de démocratie, de
cohésion sociale et de paix.
- Son appel à
l’association et l’implication concrètes des potentialités,
ressources humaines qualifiés et expert(es)
sahraouies dans la réalisation des projets de développement
de leur région de manière à leur permettre de s’acquitter de
manière effective des responsabilités qui leur sont
dévolues.
- Son appel
pour la préservation de la mémoire collective sahraouie dans
le domaine de la gestion des contentieux/conflits, de la
médiation et de l’arbitrage, tout en capitalisant les
expériences civiles acquises en la matière.
- Son appel
aux pouvoirs publics et aux partis politiques pour
l’élaboration d’une charte d’éthique pour la protection des
droits et libertés d’autrui concernant l’utilisation de la
voie publique et la sécurité routière.
- L’accélération de la mise en place d’un programme spécial
d’urgence pour la mise en œuvre de l’ensemble des
recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation
3-
Tenant compte de la
gravité des événements et les formes de
violence
qu’a connue la région de
laayoun , l’OMDH annoncera incessamment avec d’autres
Organisations Non Gouvernementales l’initiative d’effectuer
une étude
et l’analyse du contexte
des événements et des incidents encourus en
relation avec la mise
œuvre des principes d’équité, de la réparation individuelle et
collective, d’égalité ,
de la primauté de loi, de
la gouvernance et la diffusion des valeurs
de
la paix et de la citoyenneté.
Bureau
National
19 novembre 2010
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