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Aux
rencontres de Sant'Egidio, un difficile dialogue avec l'islam
Isabelle de Gaulmyn
Benoît XVI - Photo Catholique.org
Les
responsables chrétiens présents ont étudié mardi 23 octobre la
possibilité d’une réponse commune à la lettre envoyée par
138 intellectuels et responsables musulmans.
Place du Plébiscite, devant la colonnade qui entoure l’église
Saint-François, toutes les religions se sont rassemblées pour un
ultime geste de paix. Comme à son habitude, la conférence pour
la paix de Sant’Egidio s’est close sur cette image, positive,
de responsables catholiques, orthodoxes, anglicans ou luthériens,
aux côtés de rabbins et d’imams et autres religions asiatiques
qui, chacun dans leur foi, ont rejoint la place, pour poser
ensemble un dernier geste de paix.
Image forte, certes, et qui, comme l’ont répété sur tous les
tons les participants de ces deux journées de rencontre, à
Naples, veut témoigner que les religions sont facteurs de paix.
« Cela n’est pas toujours allé de soi, a d’ailleurs rappelé
le rabbin Arthur Schneier, toute l’histoire est marquée des
bains de sang provoqués par les religions », et il a salué tous
les efforts faits en ce sens par les responsables religieux pour
la paix depuis un demi-siècle.
Pourtant, à entendre les nombreuses tables rondes, sur les thèmes
les plus divers, de l’identité de l’Europe au rôle des
religions contre la violence en passant par la question israélo-palestinienne,
les difficultés des représentants de l’islam à entrer dans ce
dialogue étaient patentes.
La controverse de Ratisbonne a laissé de traces
Car si, entre le
pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Conférence des
Églises d’Europe, et le métropolite Emmanuel de France, du
patriarcat œcuménique de Constantinople, une conversation
chaleureuse a pu s’instaurer sur l’implication des religions
dans la protection de la nature, si les liens d’amitié entre le
rabbin Schneier et le cardinal Renato Martino ont pu faire
ressortir une complicité de quinze ans, si les chrétiens présents
se congratulaient dans les couloirs en amis de longue date, il
n’en était pas de même pour les musulmans, dont le ton
tranchait avec le consensus affiché.
Les contradictions dans lesquelles vit aujourd’hui l’islam,
devenu en partie religion porte-drapeau de causes politiques ou
sociales, sont ressorties, et les interlocuteurs musulmans
donnaient souvent le sentiment d’une grande incompréhension.
Ainsi, dès la soirée d’ouverture, dimanche 21 octobre, Ezzedin
Ibrahim, intellectuel des Émirats arabes unis, a évoqué, sans
jamais les citer directement, les États-Unis, l’Afghanistan, la
Somalie, et l’Irak. Ou encore, dans une table ronde sur la
ville, Mahdi Al-Khalissi a commencé par un plaidoyer contre la présence
américaine en Irak.
« Il est prématuré de parler de coopération dans la situation
actuelle », a même lancé Asma Benkada, intellectuelle musulmane
et chroniqueuse sur Al-Jazira, qui a pointé, de manière assez
courageuse, tous les obstacles actuels au dialogue : « Comment
pouvez-vous imaginer qu’un musulman accepte le dialogue si on
insulte le Prophète ? » a-t-elle ajouté, rappelant le discours
du pape à Ratisbonne. « Pour dialoguer, a-t-elle affirmé,
il faut la confiance. »
Réponse collective à la lettre envoyée par 138 musulmans
Confiance encore
fragile… Pour la communauté de Sant’Egidio, rien de plus
normal : « Lors des premières rencontres, orthodoxes et juifs se
parlaient à peine », explique ainsi l’un des membres, Rinaldo
Piazzoni. « Les complications de l’histoire récente n’ont
pas peu contribué à accentuer la perception de beaucoup d’une
opposition radicale entre christianisme et islam, et aujourd’hui
plus que jamais il est nécessaire de rechercher une confrontation
sereine, lucide et modérée entre les membres des deux religions
», constatait de son côté Mgr Agostino Marchetto, secrétaire
du Conseil pontifical pour les migrants.
Nécessité entendue, car les responsables chrétiens présents à
Naples semblaient d’accord pour donner une réponse commune à
la lettre
envoyée par 138 musulmans au pape et à d’autres représentants
des confessions chrétiennes. Le cardinal Jean-Louis Tauran, président
du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, affirmait
lundi 22 octobre sur Radio Vatican qu’il y aurait bien une réponse,
et le lendemain, à l’agence Imédia, il expliquait que cette réponse
se ferait de manière collective.
Il devait ainsi évoquer la question mardi 23 octobre avec le
patriarche œcuménique Bartholomeos Ier de Constantinople, et
l’archevêque anglican de Cantorbéry, le Dr Rowan Williams,
tous deux présents à Naples. Sans doute l’un des fruits les
plus spectaculaires de cette rencontre, qui aura lieu l’an
prochain à Chypre.
Isabelle DE GAULMYN, à Rome
Crédit photo :
Catholique.org
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