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La Croix.com
Plus de cent
responsables musulmans s'adressent au pape
Isabelle de Gaulmyn
Benoît XVI - Photo Catholique.org
Plus
de cent intellectuels et théologiens musulmans relancent le
dialogue avec les chrétiens.
Que 138 musulmans théologiens de tous pays et de diverses
tendances écrivent au pape et à d’autres responsables chrétiens
constitue, déjà, un événement. Ce message intervient un an après
la lettre des 38 intellectuels musulmans à Benoît XVI, qui répondait
au discours de Ratisbonne. Les signataires avaient été déçus
du manque de réaction du Saint-Siège.
Ce second message, avec cent signataires de plus – chiffre
symbolique – est donc significatif (Pour
lire la lettre des 138 musulmans au pape, cliquez ici). Comme
le note le P. Étienne Renaud, enseignant à l’Institut
pontifical d’études arabes et d’islamologie, « dans
l’islam, le consensus des responsables – l’ijmaa – est une
source importante d’autorité, après le Coran et la tradition.
Le consensus est donc, ici, atteint. »
Sur le fond, plutôt qu’aborder le thème de la violence, le
texte part de l’amour : amour pour Dieu, amour pour les hommes,
principes que les deux religions ont en commun. C’est d’autant
plus habile que la première encyclique de Benoît XVI (« Dieu
est Amour ») portait sur ce même thème.
Le mot « amour » n’est cependant pas beaucoup utilisé dans le
Coran, et ne fait pas partie des 99 noms donnés à Dieu. Or, ici,
le message met sous le terme « amour de Dieu en Islam » ce qui
est généralement plutôt présenté comme obéissance à Dieu.
Comme si les musulmans avaient souhaité se rapprocher des chrétiens
au plan du vocabulaire.
Autre
surprise, les musulmans examinent comment cet amour de Dieu
s’exprime dans la Bible, Ancien et Nouveau Testament. Ils
reconnaissent que les chrétiens ont eux aussi un Dieu unique, et
ne reprennent donc pas l’accusation « d’associateurs »
traditionnellement faite aux chrétiens, à qui est reprochée une
divinité trinitaire.
Le message passe ensuite à l’amour du prochain, citant cette
phrase de Mohammed : « Aucun d’entre vous n’est croyant tant
que vous n’aimerez pas pour votre prochain ce que vous aimez
pour vous-mêmes. » Phrase dont il existe un commentaire célèbre,
qui s’interroge justement pour savoir qui est le prochain pour
un musulman. Ce qui n’est pas sans rappeler la parabole du Bon
Samaritain pour les chrétiens.
Le message propose enfin aux chrétiens une parole commune,
partant de ce que « le prophète Mohammed n’a rien apporté de
fondamentalement nouveau » par rapport au message du Christ.
C’est faire l’impasse sur la divinité du Christ que nie
l’islam, mais reconnaître en revanche le Christ comme messie.
Les musulmans "non contre eux, mais avec eux"
La
lettre demande donc aux chrétiens de considérer les musulmans «
non contre eux, mais avec eux », à condition, cependant, que les
chrétiens « ne déclarent pas la guerre aux musulmans à cause
de leur religion, ne les oppriment pas, et qu’ils ne les
expulsent pas de leur foyer », allusion à la Palestine ou
l’Irak.
Le message invite les deux religions à une « compétition »
dans l’amour du prochain : « Chrétiens et musulmans
constituent plus de 55 % de la population mondiale, ce qui fait de
la relation entre ces deux communautés religieuses le plus
important facteur contribuant à une paix significative dans le
monde. »
Et la lettre se conclut par ce verset du Coran, appel à reconnaître,
pour les deux religions, un pluralisme non seulement de fait, mais
de droit, cette diversité faisant partie du plan de Dieu : « Si
Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule et même
communauté ; mais Il a voulu vous éprouver pour voir l’usage
que chaque communauté ferait de ce qu’Il lui a donné. »
La balle est dans le camp catholique. « Ce texte est très intéressant
et constitue un signal positif » a, dès vendredi 12 octobre, déclaré
le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical
pour le dialogue interreligieux. Reste à savoir comment le pape
choisira de répondre, sur le fond, à ce qui est une invitation
à un dialogue théologique.
Isabelle DE GAULMYN, à Rome
Crédit photo :
Catholique.org
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